Vous êtes ici

Abo

Changement

Par Francine Dubuis

Changement
Par Francine Dubuis
C'est devenu une évidence aujourd'hui: la vie, c'est le changement. Les documentaires sur l'origine de la vie ainsi que les psychologues vantent nos capacités d'adaptation, qui, semble-t-il, nous ont permis de résister à bien des vicissitudes et à occuper si royalement la place, aujourd'hui, dans notre petit univers terrestre.
Il va donc de soi que changer fait partie de la vie, et que les lois de l'évolution auront vite fait de nous éliminer si nous ne sommes plus capables de nous adapter.
Et les lois du marché, donc...
Sauf que l'évolution travaille sur des millions d'années et que nous, c'est chaque année que la pub souhaite nous faire changer de voiture, d'ordinateur ou de téléphone.
Et nous sommes si adaptables que nous épousons les lois du marché avec une diligence remarquable. Nous changeons donc allègrement de système vidéo, mais nous ouvrons de plus en plus de musées, et nous protégeons nos bâtiments, et la moindre peinture murale qui a plus de quarante ans se voit inscrite au patrimoine avec interdiction d'y toucher, même si l'œuvre en question est mineure et sa conservation ruineuse et mal pratique. Nous changeons toujours plus vite, et en même temps nous devenons conservateurs à l'extrême.
Curieusement, ces tensions ont toujours existé dans l'humanité. Héraclite et Parménide, philosophes grecs du 5e siècle av. J.-C., se livraient déjà une guerre de lapensée sans merci. Le premier prétendait que tout n'est que devenir, tout change à tout instant : «On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.» Et le second répondait: «Le devenir n'est qu'une illusion. Il n'y a que l'être qui a de la consistance. Car devenir présuppose passer du non-être à l'être, et le propre du non-être... c'est de ne pas être.»
Dans ce grand débat, où situer la religion? Du côté de l'être ou du devenir?
A Moïse qui demandait au dieu qui l'appelait du milieu du buisson de décliner son nom, ce dieu répondait en une sorte de boutade intraduisible: «Je suis qui je suis»... ou «Je deviens qui je deviens.»* Le verbe utilisé et conjugué résolument à la 1re personne signifie la plupart du temps «advenir, survenir». C'est le verbe de l'événement: «Voilà, il arriva soudain que...» Dieu serait donc radicalement du côté de ce qui survient sans crier gare, de ce que l'on ne peut retenir, de ce qui pousse dans une histoire.
Sauf que, pendant des siècles de traduction française de la Bible, on l'a appelé l'Eternel (celui qui ne cesse d'être). Actuellement encore, la Bible du Rabbinat Français utilise l'expression «l'Etre immuable» pour retranscrire le nom mystérieux que Dieu se donne dans ce passage.
Dans ce monde qui court toujours plus vite, qui change de valeurs comme de chemise, si vraiment il faut accepter l'existence d'un dieu, alors nous aimerions qu'il soit un point de repère fixe, qu'il ne change pas constamment de camp
et de stratégie. Dieu? Un roc, une citadelle, un refuge comme le disent les psaumes.
Le Nouveau Testament va-t-il nous aider à trancher?
Le Christ de l'Evangile de Jean dit:
«Demeurez en moi comme je demeure en vous ...» «Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez et cela vous arrivera...»**
Demeurer, c'est être dans la durée; c'est rester stable, ancré. C'est enfin cesser de dériver, ballotté par les vents.
Un documentaire de l'Aventure Humaine témoignait de la découverte assez bouleversante que la grande diversité des formes de vie sur la terre remonte à un tout petit nombre de gènes. Que tous les êtres sont construits sur un même schéma de base avec lequel la nature - ou l'évolution, ne cesse de jouer pour créer du nouveau.***

S'il est vrai que Dieu demeure en moi, est-ce source de stabilité ou de nouvelle souplesse? Dieu veut-il que je reste le/la même ou veut-il, demeurant en moi, me rendre apte à changer, à mieux répondre à la situation? Peut-être voudrait-il même que je crée événement, que je devienne source ou sujet d'une histoire? Peut-être...
«Celui ou celle qui demeure en moi et en qui je demeure portera du fruit en abondance.»** F. D.

* Exode 3,16
** cf Jean 15:1-10
*** Série documentaire diffusée actuellement sur Arte «L'aventure humaine-évolution»




Mots clés: Ignorieren