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Impertinences

Halte à la libanisation du conflit

Où il est vivement conseillé aux extrémistes des deux bords de garder le sens de la mesure: s'ils ont un drame dans leur vie, tel n'est pas le cas de l'immense majorité des gens

Dites! il paraît qu'on va revoter sur l'avenir de la région jurassienne. Ah! bon- Et alors- Quoi qu'il arrive, ce ne sera pas la fin du monde et ça ne changera pas grand-chose à notre vie trépidante. On payera toujours trop d'impôts, on roulera toujours à droite (sur la route, donc), on aura toujours de vrais amis sur Facebook, on ne résoudra toujours pas l'avenir du nucléaire à Charmoille, on n'en aura toujours rien à fiche du FC Bienne et on ira toujours griller les cervelas le dimanche à la Forêt des Oiseaux.

Alors, pas question d'opter pour ces dérives outrancières où voudraient tant nous entraîner les extrémistes des deux bords, heureusement minoritaires. Ceux qui, aveuglés par leur tentation jusqu'au-boutiste, ne veulent pas admettre que par rapport à la Syrie, au Mali et au Liban, nous avons décidément de bien petits problèmes. Des problèmes haut de gamme, accessoirement, comme il sied à un pays encore riche. Mais hélas, entre drame existentiel, besoin d'exister, conscience de sa propre insignifiance, méchanceté pure et racisme ordinaire, les motifs ne manquent pas à certains pour nous donner leur définition simplette du Bien et du Mal.

Afin de ne blesser personne, on aura élégamment recours aux pseudos pour les désigner. Comme, par exemple, Willy Stasi, Eugène Pol Pot, Maurice Vichy, voire Désiré Maurras. Philémon Laval ferait trop Val Terbi ou Petit-Val. En tout cas, ces esprits raffinés, racés et subtils n'hésitent jamais à faire couler bave et bile pour vouer l'ennemi héréditaire aux pires gémonies. Avec un maximum de hargne et un minimum d'arguments.

Un pote, Pol Pot!

Ainsi, pour Willy Stasi et Eugène Pol Pot, le canton de Berne n'est rien d'autre qu'un Etat totalitaire, faisant ployer ses Romands sous un joug inique quand il ne les suce pas jusqu'à l'os comme un Dracula déguisé en Ruedi Minger. Ah! les Bernois. Ne sont-ils pas tour à tour responsables de la fonte des glaciers, des fuites de Mühleberg, de la faillite de nos entreprises et de la relégation du HC Tramelan- Sûr qu'ils étaient derrière l'assassinat de Trotsky. Forcément, en bons thuriféraires d'une droite inique et fascisante...

Dans l'autre tranchée, Maurice Vichy et Désiré Maurras ne manquent pas d'arguments, eux non plus. Le canton du Jura- Forcément mafieux, clanique et consanguin. Peuplé de papistes revanchards désireux de faire revivre la Saint-Barthélémy pour la plus grande gloire de Benoît XVI et de l'abbé Schindelholz, exorciseur HEP-BEJUNE diplômé. Et que dire de ces rebouteux qui arrivent tout juste à soulager une population miséreuse et superstitieuse, toujours prête à fondre sur les riches vallées du Sud- Maurice et Désiré nous le demandent. Pour bien prouver leur supériorité, ils vont souvent distribuer leur vieux pain aux Franches-Montagnes. Et pas aux chevaux, donc...

Pas de doute, nos quatre compères ne se retrouveront jamais pour jouer au jass. Mais comme les extrêmes se rejoignent, leur capacité de nuisance ne doit surtout pas être sous-estimée.

A ce qu'il paraît, nous sommes au 21e siècle. Celui de la communication et pas de l'incommunicabilité. Alors, on devrait pouvoir compter sur les 90% de gens raisonnables qui peuplent les deux régions pour éviter la guerre civile. Ceux qui, parce qu'ils ont d'autres soucis, se désintéressent de la question, se rient des frontières désuètes, voire croient à la cohabitation interlinguistique, ont tout sauf envie d'ériger des barricades ou de défiler en phalanges de sinistre mémoire comme ça se passe aujourd'hui en Hongrie ou en Grèce.

Hutus et tutsis?

Ceux-là, sûrement, ne se laisseront pas entraîner dans de funestes surenchères, de futiles polémiques politico-identitaires. Ici, il n'y pas de hutus et de tutsis, ni d'alaouites ou de sunnites. Seulement de braves périphériques décidés à le rester parce que ce coin de pays en vaut bien un autre et que, quoi qu'on en dise, ce n'est pas mieux ailleurs.

Alors, que chacun garde son calme et sa sérénité. Et décide au plus profond de son âme et de sa conscience que quel que soit le résultat de ce foutu vote, on passera ensuite à autre chose.

Disons pour les 50 prochaines années, ça vous va-

La fonte des glaciers, les fuites de Mühleberg- Un coup des Bernois. Le Jura- Clanique et mafieux...

Et ces deux-là, ils sont pour Berne ou pour le Jura- Après tout, cela n'a aucune importance: ils ne tirent que des balles dans le dos.

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