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Les banques et la présidentielle

Ambiance préélection chez quelques Suisses de New York

A la veille de l'élection présidentielle, nous avons rencontré trois Suisses qui vivent à New York et qui nous ont donné leur point de vue sur le vote d'aujourd'hui, ainsi que sur leurs espoirs de voir l'image de la Suisse aux Etats-Unis s'améliorer avec ce nouveau mandat présidentiel. Aucun d'entre eux n'a accepté de dévoiler son identité, ce qui démontre que la tension née des problèmes entre les banques suisses et le gouvernement américain ne se sont pas dissipées. Interviews.

Charles* est un investisseur privé genevois installé à New York depuis 20 ans. Comme il a pris la nationalité américaine, il a décidé soit de voter pour Romney, soit de s'abstenir, même s'il a voté Obama en 2008. «Ce qui me déplaît chez Obama, c'est le côté populiste et antiriche. Quand on est soi-même millionnaire, cela fait du mal de penser qu'on est seulement riche aux dépens des autres. Ces attaques sont fatigantes. Quant à Romney, il essaie trop de plaire à tout le monde, il a trop changé d'avis.»

Si Romney est élu, pour Charles*, il pourrait se montrer encore plus dur envers les banques suisses, car on lui a reproché ses comptes en Suisse. «Concernant les relations avec les banques suisses, je crois que cette tendance à l'extraterritorialité des Etats-Unis va continuer, les Américains ne pensent tout simplement pas aux implications de leur législation à l'extérieur, c'est comme pour le système métrique. Les banques avaient quelque chose à perdre, donc elles ont donné des noms. L'agressivité des avocats était inattendue pour les Suisses, alors que c'est normal ici. Il règne actuellement un climat antibusiness et l'incapacité du Congrès à prendre des décisions fait peur.»

David*, de Lausanne, est fonctionnaire aux Nations unies. Pour lui, quel qu'il soit, le prochain président devra faire face à la poursuite de la crise financière. «La pression fiscale se fera sentir sur la Suisse, quel que soit le vainqueur. Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c'est le milieu religieux dont est issu Mitt Romney. Les mormons pensent que l'Amérique doit apporter le salut et la régénération au monde, tout comme les «born-again», dont le dernier président républicain, George W. Bush, était issu. Côté républicain, on s'est fait très discret sur le plan religieux-messianique, pour ne pas effrayer l'électeur... Mais ce n'est que partie remise. Si Obama est réélu, en revanche, il aura les coudées plus franches pour faire avancer des dossiers comme le développement, les assurances sociales ou l'environnement, que la Suisse cherche à influencer. En somme, Romney pourrait favoriser ce qu'il y a de pire en Suisse, l'exil fiscal et les marchands de canons, tandis qu'Obama pourrait favoriser ce qu'il y a de meilleur, les bons offices, les organisations internationales, la neutralité, la technologie (et son financement). Cette ambiguïté existe depuis la création des Etats-Unis.»

Edith* est une Zurichoise de 21 ans, étudiante en relations internationales à la New York University (NYU). Pour elle, que ce soit Obama ou Romney, c'est blanc bonnet ou bonnet blanc. Mais elle préfère Obama. Si, pour elle, les Américains ont été trop loin avec les régulations des banques, c'est aux acteurs de l'économie suisse de se mettre autour d'une table et de créer le dialogue avec les leaders américains (réd: la Swiss Foundation organise régulièrement des événements de ce type impliquant banques, assurances, politiciens et journalistes).

«Le secret bancaire est toujours vu comme quelque chose de négatif, mais il fait partie de l'identité et a permis à la Suisse de se développer, il faut donc le défendre», ajoute Edith. «Lorsqu'on a donné les noms des banquiers aux Américains, on a donné un peu de notre souveraineté. On doit trouver des moyens d'agir avec les autres sans perdre de notre souveraineté. L'image de la Suisse ici, malgré tout, n'est pas si mauvaise. Les Américains continuent à admirer notre façon de fonctionner, notamment notre système de santé. Ce sont les banques suisses qui ont mauvaise réputation, pas la Suisse.»

* prénoms d'emprunt

Que le vainqueur soit le démocrate Barack Obama ou le républicain Mitt Romney, les banques suisses n'auront pas la vie facile...

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