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Journée du lait à la pause

Le lait, fruit d’un double labeur quotidien

Plus de 360000 écoliers recevront aujourd’hui un verre de lait durant la grande «récré». Le JdJ s’est rendu là où tout commence, à la traite matinale. Reportage à Eschert au sein de l’exploitation de la famille Grossniklaus

  • 1/6 La traite, Roger Grossniklaus dit «adorer». L’agriculteur d’Eschert apprécie aussi aller couler le lait à Moutier, l’occasion d’échanger quelques mots entre producteurs. (Stéphane Gerber)
  • 2/6 Production de lait chez les Grossniklaus
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Michael Bassin

Un coup d’œil sur la montre. Elle affiche 5h55. Eschert dort encore. Les étoiles brillent de mille feux. Sûr que les passionnés d’astronomie se régaleraient... Mais la Grande ourse ne nous intéresse guère. Ce matin, d’autres animaux sont recherchés. Une lueur se laisse apercevoir. On approche. Une musique se fait entendre. C’est la radio. «La musique c’est pour moi, pas pour les vaches», rigole Roger Grossniklaus.
Avec son «botte-cul» – ce tabouret à un pied – fixé au postérieur, l’homme est affairé auprès de ces dames. «Avec 25 à 30 vaches comme j’ai moi, un agriculteur passe presque pour un glandeur aujourd’hui», glisse l’éleveur, le sourire aux lèvres, en faisant allusion à cette tendance des grandes exploitations. «Mais moi, je connais toutes mes vaches par leur nom!», ajoute notre homme pour illustrer le lien individuel qu’il entretient avec ses protégées.
Tandis que Melissa, Shania et leurs copines attendent leur tour, la discussion s’amorce. «C’est vrai, les consommateurs se servent dans les rayons sans plus vraiment savoir ce qui se passe avant que les produits n’arrivent au magasin. Ce n’est pas seulement valable pour le lait!» L’éleveur d’Holstein et de Red Holstein passe de vache en vache. Et pas de manière aléatoire. «Oui, j’ai un certain ordre de traite. Celui-ci dépend de plusieurs facteurs», indique-t-il. Les gestes sont sûrs et précis. Mais pas machinaux. «Là, à la main, je sors les premiers jets de lait afin de procéder à un contrôle visuel. Un lait épais serait un très mauvais signe», explique-t-il. Le pis est ensuite brièvement nettoyé avant que l’agriculteur ne vienne fixer la machine aux quatre trayons. La mamelle commence à se dégonfler. «Une opération qui peut durer entre trois et dix minutes environ selon la vache.» Une fois tout le liquide blanc pompé, la machine se décroche automatiquement comme une grande. S’ensuit un dernier geste manuel de l’éleveur pour désinfecter les trayons.
La traite, une corvée? «Au contraire, c’est un moment que j’adore! Le jour où je ne trais plus, je ne fais plus paysan», lance notre homme. «C’est pour ce contact avec les animaux que je fais de la production laitière, pas pour le prix… », poursuit-il. Roger Grossniklaus produit du lait industriel. Ainsi, il se rend à Moutier tous les deux jours pour vider son tank. Entre 7h15 et 8h, un camion de la MIBA vient récolter le lait de 17 producteurs du coin. «Un moment privilégié. L’une des rares occasions où l’on se retrouve entre paysans. Ce n’est pas long, mais on a tout de même l’occasion d’échanger quelques mots.»
La place du Derby à Moutier est effectivement le théâtre d’un défilé d’agriculteurs. Les quelque 1000 litres de Roger Grossniklaus sont absorbés en une poignée de minutes. Et comme pour tout le monde, un échantillon de lait produit par l’agriculteur d’Eschert finit sa course dans une éprouvette. La raison? Détecter d’éventuelles traces d’antibiotiques. Un test qui s’ajoute à d’autres contrôles qualitatifs réalisés régulièrement en amont.
Le chemin du retour permet encore à notre éleveur d’évoquer la question de la prime à la vache laitière. «Une prime perdue que nous n’avons pu que partiellement compenser avec d’autres prestations», regrette-t-il. Le prix du lait ou la pression des intermédiaires sont d’autres sujets effleurés. Mais l’exploitation apparaît déjà en bord de route. En plein jour cette fois-ci.
Bref instant de répit. Dans la cuisine, un pot de lait trône sur la table. Frais du jour. «J’ai de la peine avec le lait en brique», souffle l’agriculteur. Mais pas le temps de s’épancher. La journée s’annonce remplie. Et puis, il y aura à nouveau la traite aux alentours de 17h.
Le lait, le fruit issu d’un... double labeur quotidien.

Mobilisés pour promouvoir des dix-heures sains!

Verres par milliers Le lait coulera à flots aujourd’hui dans les cours d’écoles! Plus de 360 000 élèves suisses (40% des effectifs) recevront en effet un verre à la récréation lors de la 14e Journée du lait à la pause organisée par Swissmilk et l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales. Devenu une tradition, cet événement qui sera célébré dans 2650 écoles environ a pour objectif d’inciter les enfants et les adolescents à opter pour des collations saines. Comme le lait servi lors de cette journée doit être pasteurisé, beaucoup de responsables optent pour du lait en brique.

Dans le Jura bernois La région répond bien à l’appel. Grâce à l’engagement de nombreuses femmes paysannes, des distributions de lait auront lieu aujourd’hui dans 18 communes du Jura bernois. Ainsi, de La Ferrière à Perrefitte en passant par Tramelan, plus de 5300 élèves seront touchés par cette action.

A votre santé!  Au travers de cette journée, les producteurs de lait veulent inciter la jeunesse à opter pour des dix-heures sains. Une croisade contre l’excès de snacks et de sodas en quelque sorte. Et le lait «aide à prévenir le surpoids et le déséquilibre alimentaire», disent-ils. «Le lait fournit à nos écoliers tous les nutriments dont ils ont besoin pour rester concentrés et performants, notamment du calcium et de la vitamine B2, la fameuse vitamine du cerveau», indique Hanspeter Kern, président de la Fédération des producteurs suisses de lait. Dans sa communication, Swissmilk plaide pour que les enfants – et les adultes aussi – consomment chaque jour trois portions de lait, soit par exemple un verre de lait, un yogourt et un morceau de fromage. «Une règle d’or qui ne doit pas être observée rigoureusement mais qui définit plutôt l’objectif à atteindre en moyenne hebdomadaire», précise Swissmilk. A contrario, certains consommateurs et associations jugent que l’homme n’a aucunement besoin du lait de vache pour son bien-être. Ils estiment que l’humain est non seulement le seul à consommer le lait d’une autre espèce, mais aussi le seul être vivant qui continue de boire du lait une fois passé à l’âge adulte. Un comportement alimentaire «contre nature», disent-ils.

360 producteurs de lait dans le Jura bernois

Ils sont nombreux, dans la région, à se lever à l’aube pour traire. On recense en effet quelque 360 producteurs de lait dans le Jura bernois, ce qui représente le 60% des agriculteurs. Chaque année, ils livrent près de 55 millions de kilos de lait. Il faut distinguer les producteurs de lait de fromagerie et ceux de lait d’industrie, deux catégories qui se répartissent à 50-50 selon des chiffres communiqués par la Chambre d’agriculture du Jura bernois (CAJB).
Par lait de fromagerie, on entend du lait issu de fourrage grossier, soit du foin et du regain pour environ 80% de la ration journalière de la vache. Donc de l’herbe séchée. L’ensilage est interdit pour la fabrication de fromage. Dans le Jura bernois, il existe plusieurs spécialités de fromage, mais en particulier la tête-de-moine et le gruyère qui bénéficient de l’appellation d’origine prouvée et qui répondent à un cahier des charges spécifiques pour leur production. Le lait de fromagerie est transformé dans une douzaine de fromageries et trois fromageries d’alpage (en particulier sur Chasseral).
Par lait d’industrie, on entend du lait non transformé en fromage (exception faite de quelques pâtes molles) destiné aux berlingots, aux yogourts, etc. Ce lait est produit notamment avec de l’ensilage, donc de l’herbe qui n’est pas séchée (juste préfanée) mais emballée hermétiquement puis affouragée à la crèche.
Le lait fait souvent parler de lui au sujet de son prix. La tendance? «Après une embellie très passagère, le prix repart à la baisse. En raison d’une importation toujours plus importante de fromages et de produits laitiers d’une part, et d’autre part pour différentes raisons difficiles à cerner (si ce n’est la météo). Le marché du lait en Suisse est très sensible et répond immédiatement par une baisse du prix en cas d’augmentation de la production, ne serait-ce que d’un ou deux pourcents», note Annemarie Hämmerli, secrétaire générale de la CAJB.

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