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Polémique

Provocateur, Martin Landolt?

Le président du PBD a relayé sur internet une image de la croix suisse changée en croix gammée. Une démarche jugée contre-productive par les adversaires de l’initiative sur le renvoi

La transformation de la croix suisse en croix gammée n’était pas du goût de tout le monde... Keystone/Image Twitter

Christiane Imsand

Le président du PBD Martin Landolt ne s’attendait pas à autant de réactions quand il a relayé sur twitter l’image d’un drapeau suisse détourné en croix gammée afin d’illustrer son opposition à l’initiative de l’UDC sur le renvoi des criminels étrangers. La provocation n’a pas atteint l’objectif souhaité.

Au lieu de susciter une discussion critique sur l’initiative, elle a provoqué un débat sur les méthodes de communication politique. Et là, de l’avis général, un pas de trop a été franchi. L’affaire a même conduit la Vaudoise Christine Bussat, fondatrice de l’association suisse Marche blanche et candidate malheureuse aux élections fédérales, à quitter le PBD avec effet immédiat.

Martin Landolt n’est pas l’auteur du montage controversé. Il n’a fait que relayer une affiche qui circulait depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Elle est l’œuvre d’un anglo-suisse, Werber Parvez Sheik Fareed, qui cherchait à exprimer son inquiétude pour le maintien de l’Etat de droit. Le texte qui l’accompagne place sur le même plan l’Allemagne de 1933, l’Afrique du Sud de 1948 et la Suisse de 2016.

La pente est glissante

Le président du PBD partage cette inquiétude. «Je ne prétends pas que l’UDC est un parti nazi ou que les gens qui voteraient l’initiative sont des nazis», explique-t-il. «Mais la pente est glissante. Si l’initiative était acceptée par le peuple, nous serions dans un contexte comparable à celui qui caractérisait les débuts de l’époque nazie.

J’ai choisi la voie de la provocation pour mettre ce danger en évidence. La Suisse doit préserver ses valeurs et refuser une justice à deux vitesses. Si c’était à refaire je le referais, mais en clarifiant d’emblée ma position.» Christine Bussat n’admet pas la comparaison. «Je suis la petite fille de juifs qui ont vécu à Paris pendant la guerre», raconte-t-elle.

«Quoi qu’en dise Martin Landolt, il est inadmissible de comparer tous ceux qui voteront oui à des nazis». Et d’indiquer qu’elle-même soutient le texte de l’UDC. «Je me bats pour le respect de la volonté populaire comme je l’ai fait dans mon combat contre la pédophilie.» La Vaudoise a déjà envoyé sa lettre de démission à Martin Landolt. Elle avoue qu’elle se rapproche des idées de l’UDC, mais qu’elle n’a pas l’intention pour l’instant d’entrer dans le parti.

Du côté de l’UDC, on joue profil bas. Le vice-président Claude-Alain Voiblet estime qu’il ne faut pas sur-réagir à la provocation. «Si nos adversaires en sont réduits à ça, c’est qu’ils sont à court d’arguments.» Quand on lui rappelle que l’UDC a fréquemment recouru à l’arme de la provocation, il rétorque que ce n’est pas la même chose d’associer un parti et son électorat à l’époque nazie. «Le PBD ne devrait pas oublier que 30%  des électeurs votent UDC.»

Gare à l’outrance

D’autres en sont bel et bien conscients. Pour le sénateur socialiste Didier Berberat (NE), il ne faut pas diaboliser l’UDC. «Ce n’est pas parce que ce parti a l’habitude des discours outranciers qu’il faut faire pareil. On ne doit pas utiliser les armes de l’adversaire lorsqu’elles dépassent la limite du hors-jeu.

Il y a des frontières qu’il ne faut pas franchir. C’est contre-productif. Nous devons argumenter sur le fond en expliquant les défauts de cette initiative». Le président du PS Christian Levrat ne s’était pourtant pas privé, en 2014, de dénoncer «les méthodes fascistoïdes» de l’UDC. Atteint hier par téléphone, il a refusé de polémiquer. «J’avais fait cette déclaration dans un autre contexte», a-t-il sobrement relevé.

A droite, on n’a pas davantage envie d’emboîter le pas à Martin Landolt. Coprésident du comité interpartis contre l’initiative UDC, le conseiller national Philippe Bauer (PLR, NE) estime qu’il y a suffisamment d’éléments juridiques et sociétaux qui doivent amener à voter contre ce texte. Par ailleurs, il n’apprécie pas l’usage fait du drapeau suisse. «Notre drapeau représente des valeurs et des symboles auxquels je crois. Ça me dérange qu’on le détourne de cette manière.»

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