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CUISINE + GASTRONOMIE

«Tout est dans le beurre»

OK, j’avoue: je suis pro-beurre. La margarine n’a pas droit de cité dans ma cuisine. Pourquoi? Laissez-moi vous expliquer…

Photo: EXTRA avril 2016
  • Dossier

Texte Philippe Berthoud

Traduction Marcel Gasser

 

La margarine est une émulsion à base de graisses végétales et/ou animales, d’eau, d’un acide quelconque (par ex. de l’acide citrique) pour l’aromatiser et de bêta-carotène pour la coloration. Ah oui, j’oubliais: généralement, il y a aussi des stabilisateurs et des émulsifiants, car la graisse et l’eau s’apprécient à peu près comme Donald Trump et, ben… personne.

Quand on mange de la margarine allégée au petit-déjeuner, on étale sur sa tartine 50% d’eau. Pour fabriquer de la margarine, il faut environ douze opérations. Mais pour transformer le lait en beurre, trois opérations suffisent. Je sais bien que le beurre n’est pas bon pour le cholestérol, en raison de ses acides gras saturés. Mais je ne m’en enfile pas non plus des plaques entières juste comme ça!

Je ne peux pas cuisiner à la margarine. Cuire au four, éventuellement. Vous connaissez sûrement le goût des légumes quand on leur ajoute, juste avant de servir, une cuillère à soupe de beurre, n’est-ce pas? Déjà essayé avec de la margarine? Et les röstis à la margarine, vous connaissez? Vous prendrez bien un peu de margarine aux fines herbes sur votre entrecôte? Quand j’entends ce genre d’inepties, je me lève et je m’en vais.

Pour un beurre aux fines herbes sympa, je prends 250 g de beurre mou et je le mélange avec environ un bouquet de ciboulette haché fin, 3 cs de persil haché, 1 cs de romarin haché, 1 cs de thym, 1 gousse d’ail pressée, 1 cs de moutarde de Dijon, 1 cc de piment haché, 1 cc de miel, le jus d’une demi-limette, du sel et du poivre. Je fais des portions et je les emballe dans du film alimentaire. C’est tout, et ça peut se congeler.

De temps à autre, j’en balance une cuillère à soupe sur les légumes ou le riz. On peut aussi faire un beurre pour poisson, avec de l’aneth et des zestes de citron. Ou un beurre épicé, avec du piment ou du Sambal Olek. Ou encore un beurre aux olives, un beurre à l’ail, etc.

 

Le beurre a du goût. Et du caractère. Pour moi, le beurre c’est l’Al Pacino de la cuisine. La margarine, c’est comme Tommy Miranda. Qui? Justement. Et que me chantez-vous là?  Il y a moins de graisse dans la margarine que dans le beurre? Oui, vous avez raison : 6 kcal par 100 g. Wow! Et la margarine a une histoire bien plus intéressante? Vous avez encore raison.

Napoléon cherchait pour ses troupes un produit moins cher et facile à conserver pour remplacer le beurre. C’est le chimiste Hippolyte Mège-Mouriès qui trouva la solution en inventant le «beurre économique», à base de lait, d’eau et de graisse de rognons. A partir de là, Napoléon a perdu toutes ses batailles, et on dit que s’il tenait ainsi sa main dans son gilet, c’est qu’il avait tout le temps mal à l’estomac.

Mais la margarine est plus saine que le beurre? Désolé, là vous avez tort: les répercussions positives de la margarine sur la santé n’ont pas résisté aux examens scientifiques, car contrairement au beurre elle contient des acides gras durcis.

Le beurre noisette, c’est-à-dire le beurre chauffé dans la poêle jusqu’à ce que les protéines du lait acquièrent lentement cette coloration brune et commencent à sentir les noisettes grillées, est pour moi l’un des plus beaux arômes olfactifs de la cuisine. Un peu de beurre noisette sur un steak sorti du gril, sur des légumes ou un morceau de poisson, et c’est le nirvana (voir ma recette de glace au beurre noisette).

Le plus grand producteur de beurre du monde est l’Inde, suivie du Pakistan. Franchement, j’ignorais. Quant à la tournure allemande «alles in Butter – tout est dans le beurre» (pour dire que tout va bien), elle provient du Moyen Âge, à une époque où les marchands vénitiens transportaient leurs marchandises sur de simples charrettes.

Pour que les précieux objets en porcelaine et en verre franchissent sans dommage les cols alpins, les marchands les plongeaient dans des tonneaux emplis de beurre fondu. En durcissant, le beurre emprisonnait les objets fragiles et les protégeait des secousses et des chocs. De nos jours, on ne trouve hélas plus aucune entreprise de déménagement qui applique encore cette méthode.

Les Allemands, eux, disent

Nos recherches nous mènent de montagne italiens et allemands, les marchands les mettent dans des tonneaux emplis de beurre fondu qui, une fois durci, enserre et protège les fragiles objets.

Je ne sais pas si on pourra y acheter du beurre, mais il y aura à nouveau un marché paysan les 6 et 7 mai à Bienne. Et du 21 au 29 mai, diverses fêtes vigneronnes se dérouleront autour du lac de Bienne, de quoi perdre un peu la tête.

En conclusion, je reste un inconditionnel du beurre. Et vous? J’espère aussi. Profitez donc du beurre sans arrière-pensée: vous aurez plus de plaisir à table et en cuisine!

 

Glace au beurre noisette (1 kg)

 

Ingrédients:

100 g de beurre, pour faire le beurre noisette

680 g de lait

150 g de sucre

75 g de jaune d‘œuf

80 g de beurre noisette

1 cc de pâte vanille ou la pulpe d’un bâton de vanille

 

Préparation:

Chauffer lentement les 100 g de beurre dans une casserole jusqu’à ce que les protéines du lait prennent une coloration brune et dégagent un parfum de noisettes grillées (d’où le nom). Enlever la casserole du feu, laisser le beurre refroidir et en peser 80 g. Battre en mousse le jaune d’œuf et le sucre. Chauffer le lait et l’ajouter au mélange jaune d’œuf/sucre. Chauffer à nouveau le tout dans une casserole et, tout en remuant, chauffer jusqu’à ce que la masse s’épaississe. Ajouter les 80 g de beurre noisette et la vanille. Laisser refroidir la masse au réfrigérateur. Puis réfrigérer le tout dans une sorbetière en respectant les indications et mettre au congélateur pour en faire de la glace.

 

Vous avez également un problème en cuisine ? Faites-le moi savoir : j’achèterai les ingrédients et nous résoudrons le problème ensemble. Écrivez-nous à verlagsmarketing@gassmann.ch. Les recettes, les photos et les vidéos se trouvent sur www.journaldujura.ch/berthoud

 

Le Gourmet biennois est l'un des rares chefs qui ne travaille pas dans un restaurant ou un hôtel. C'est un chef indépendant et polyvalent: Il écrit des livres de cuisine, donne des cours de cuisine et écrit des recettes pour les entreprises et les écoles pour ne citer que trois des ses projets. Pour plus d'informations le concernant, rendez-vous sur son site Web ou sa page Facebook.

 

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