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Bienne

Daiky à contre-courant du Che

D’origine cubaine, Daiky Lascaiba fait partie des 24 membres actifs actuels de l’Association Démocratie pour Cuba (ADC). Elle nous explique ce qui motive son combat.

Enceinte de huit mois, Daiky n’a pas hésité à manifester, le 6 février, devant l’ambassade. Salomé Di Nuccio

Salomé Di Nuccio

«Depuis la Révolution cubaine de 1959, le système qui s’est installé est devenu trop lourd à porter pour notre génération et celle de demain. Nous n’acceptons plus ce que nos parents toléraient.» Il y a de la détermination dans le ton de la Biennoise Daiky Lascaiba, 38ans. Une volonté puissante de bousculer le régime répressif qui sévit de plus en plus à Cuba, son pays d’origine, et  qui l’a menée à rejoindre la jeune Association démocratie pour Cuba (ADC), jusqu’à intégrer le noyau des 24membres actifs, à ce jour.

Le 6 février, quoique déjà enceinte de presque huit mois, Daiky a manifesté son courroux parmi une vingtaine de ses compatriotes devant l’ambassade de Cuba, à Berne. Une action sans précédent pour un groupe de Cubains implantés en Suisse, masqués et postés en file indienne, suivant les directives policières. «Aux représentants du gouvernement cubain, on voulait montrer que même ici nous sommes prêts à bouger pour soutenir ceux qui sont en train de souffrir, là-bas.»

Séjours compromis

Depuis la nouvelle constitution cubaine de 2019, la situation au sein du pays se serait furieusement dégradée. La gouvernance, avec à sa tête Miguel Diaz-Canel, y est décrite dictatoriale. A écouter Daiky et ses camarades d’ADC, elle aurait atteint un degré insoutenable au début de l’année passée. L’essor de la pandémie a donné le la. Du gel désinfectant au paquet de masques, la population ne dispose pas de moyens de protection à des prix abordables. «Et alors que le salaire minimum est d’environ 1000pesos (37 francs), un Cubain qui circule dans l’espace public sans masque se verra infliger une amende de 2000 pesos!»

Etablie à Bienne depuis 2015 avec son époux Mathieu et sa fille Lucia, Daiky Lascaiba est partie de Cuba en 2008. Afin de donner de l’élan à sa carrière de dessinatrice en architecture paysagère, elle a voulu fuir un mode de vie précaire et bridé, au point de quitter les siens et sa province natale de Sancti Spiritus. Une région touristique au centre de l’île, partagée entre les sites sauvages, les plages idylliques et les monuments coloniaux. Autant de richesses patrimoniales qui masquent les réalités. «Nous avons des tas d’atouts, mais il nous manque la liberté d’expression.»

Les expats font peur

Depuis la création de l’association, en juin dernier, l’objectif principal s’est tracé de lui-même: répandre l’information hors du pays, en  soutenant en son sein les opposants et la presse indépendante. Via l’envoi de fonds et les échanges d’idées, entre autres.

De par ses actions militantes d’aujourd’hui, la mère de famille sait quelle compromet  ses éventuels séjours dans sa patrie. Car si les dirigeants malmènent leur population sur place, ils  se méfient comme d’un virus de celle vivant à l’étranger. A l’égard des vacanciers, les arrestations arbitraires sont légion. «Comme beaucoup d’entre nous sommes très actifs dans l’opposition, les Autorités n’hésiteraient pas à nous retenir pendant au moins six mois. Ce qui nous séparerait de nos familles et nous ferait perdre notre travail.» Une menace que Daiky a très envie de sabrer. Au travers des coups d’éclat d’ADC, la trentenaire a foi en un futur retour du bâton. «Ce n’est peut-être qu’une impression parce qu’on l’aimerait ardemment, mais on a le sentiment que quelque chose va s’ouvrir...»

ADC ouverte à tous

En Suisse, environ 3000 personnes possèdent le passeport cubain. La Ville de Bienne en recense actuellement une trentaine. Lors de la fondation d’ADC (https://ad-cuba.com), l’été dernier, Daiky Lascaiba a été témoin d’une forte stimulation de la part de ses frères de sang.

«C’était la première fois que je voyais autant de Cubains vouloir agir contre ce qui se passe dans leur pays.» Depuis, avec l’aide d’une centaine de membres actifs et «de soutien» de toute la Suisse, une demi-douzaine d’actions ont été mises sur pied. A savoir que pour adhérer à l’association, son comité accueille toute personne sensibilisée à sa lutte.

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