Vous êtes ici

Abo

INTERGéNéRATIONS | Des sentiments à exorciser

Nos peurs de tout et de rien

Marie-Thérèse Jenzer

INTERGéNéRATIONS | Des sentiments à exorciser

Nos peurs de tout et de rien
Nos peurs sont des chaînes au bout desquelles traînent des boulets. S'en débarrasser, c'est se donner la liberté d'être.
Marie-Thérèse Jenzer
Quand bien même «la» peur est incluse dans le système de survie de toutes les espèces, dont l'homme, on ne naît pas peureux, on le devient. Différentes de la peur primordiale de l'homme primitif, la plupart de nos peurs sont générées par quelque chose qui vient de l'extérieur. L'impact de celles-ci sur notre inconscient est à la mesure de ce que nous avons mis en mémoire dès les premiers jours de notre vie, voire, via les peurs de notre maman.
Actuellement et jusqu'au 29 avril prochain, pour nous faire prendre conscience des peurs qui nous habitent encore, malgré toutes nos avancées techniques, scientifiques, physiologiques, psychologiques, etc. le Musée romain à Lausanne-Vidy, propose de regarder la peur en face. Cette exposition a pour nom «Da Vidy Code», histoire de faire, en même temps qu'un jeu de mots, un petit clin d'œil au fameux «Da Vinci Code» de Dan Brown. Pour aller jusqu'au bout de l'idée, les organisateurs ont mis en place un système qui exige du visiteur qui veut franchir les dix portes ouvrant sur les dix espaces d'exposition, qu'il trouve le code approprié.
Nos peurs exposées vont de la peur primitive, qui permettait à l'homme des origines de fuir devant un danger qu'il ne pouvait pas maîtriser, aux peurs du 21e siècle, en passant par nos petites trouilles au quotidien, tout genre confondu.
Quelle que soit la source de ses frayeurs, l'homme a gardé des réflexes d'animal. C'est ce qu'a découvert une équipe de chercheurs de Rio de Janeiro, au Brésil, par l'observation de 48 sujets. Leur étude a montré que, bien que l'homme n'a plus de prédateurs comme au temps des cavernes, ses circuits nerveux responsables des attitudes de survie chez les animaux, ont été conservés, sans que le danger soit forcément présent. Elle a démontré aussi que, lorsque ces sujets visualisaient des images effrayantes (guerre ou catastrophe naturelle) leur rythme cardiaque diminuait et leurs muscles se raidissaient, lorsque les images représentaient des corps mutilés. Cela souligne plus fortement encore, que nous cédons à la peur, dès que quelque chose nous angoisse, nous terrorise.
Fondatrice de l'Institut français de psychanalyse appliquée, Chantal Calatayud propose dans un petit ouvrage qui vient de paraître* de déprogrammer nos peurs. Elle parle d'une véritable métamorphose. «Celle-ci consiste, dit-elle, à réaliser que la peur vient d'autres que soi et qu'elle naît de notre imagination.» Citant Emile Coué, elle souligne: «Lorsqu'il y a conflit entre l'imagination et la volonté, c'est toujours l'imagination qui a le dessus». Or, nos comportements face à la peur issue de notre imagination freinent notre liberté d'être. Effectivement, si, «lorsque j'ai peur je m'accroche», c'est que «je me sens plus en sécurité dans la peur que dans l'action». Ce faisant «je m'empêche d'agir, d'évoluer et d'avancer». Peur de la guerre, des catastrophes naturelles, des agressions, de manquer d'argent, de perdre son emploi, etc. Les peurs d'aujourd'hui dépassent même l'imagination et donc, elles sont plus paralysantes que jamais. La peur, c'est connu, entraîne confusion, stupidité et lâcheté. Elle transforme l'être humain en jouet, celui de tous les genres d'esclavage, de toutes les violences. Il ne s'agit certes pas de se montrer téméraire. Tout excès est mauvais. Mais l'excès de peur est plus mauvais encore. Il avilit l'âme, salit moralement. «Il est donné à chacun d'entre nous, dit Chantal Calatayaud, de mettre en œuvre un plan auto curatif.» Faire preuve d'optimisme en fait partie. Mais cela ne suffit pas. Elle propose, entre autres, que, lorsque nous connaissons un état de détresse, au lieu d'imaginer le pire, nous nous mettions sans attendre à «envisager des projets heureux et plaisants faisant suite à la résolution du problème». Et de donner cette clé en or pour faire face à nos peurs: «C'est malgré tout à chacun de décider s'il convient mieux d'avoir peur de vivre ou de vivre avec ses peurs...». M.-Th. J.

«Da Vidy Code», Musée Romain, Bois-de-Vaux 24 à Lausanne www.lausanne.ch/mrv
*«Vivre avec ses peurs» aux éditions Jouvence.




Mots clés: Modes de vies