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«Le développement sera fulgurant»

Le patron du pôle horloger de LVMH (Tag Heuer, Hublot, Zenith), Jean-Claude Biver était l’invité hier soir de la conférence annuelle du Cercle Industriel de Bienne.

Devant les invités du Cercle Industriel de Bienne, Jean-Claude Biver a expliqué pourquoi il a sauté dans le train de la montre connectée. Daniel Mueller

Julien Baumann

Jean-Claude Biver ne craint ni l’avenir ni les paradoxes puisqu’il est venu défendre le potentiel de la montre connectée hier soir à la... Tissot Arena. Devant la centaine de personnes ayant répondu à l’invitation du Cercle industriel de Bienne, l’homme d’affaire a annoncé la disparition du smartphone d’ici 8 ans. Le téléphone portable sera selon lui «remplacé par les montres et les objets connectés».

Pourquoi?«Car le téléphone n’est pas pratique à transporter. Ça rappelle la montre de poche qui a d’ailleurs disparu.»

Si ce marché en est à ses premiers balbutiements, l’expérience de la nouvelle montre connectée de Tag Heuer, lancée il y a tout juste un an, donne raison aux ambitions de Jean-Claude Biver. Quelque 20 000 pièces devaient être initialement produites pour 2016. Ce sont 56 000 de ces montres qui seront vendues à la fin de l’année.

L’objectif est d’en produire 150 000 l’an prochain. Une croissance qui a permis, la création de 60 à 80 postes de travail en Suisse durant l’année en cours, a-t-il encore précisé.

Encore à l’âge de pierre
Pour développer son produit, Tag Heuer a conclu des contrats avec Intel pour les microprocesseurs et Google pour l’utilisation d’Android. Une chaîne de montage de microprocesseurs employant une quarantaine de personnes va être mise en service l’an prochain à La Chaux-de-fonds et la marque a aussi ouvert un laboratoire de développement technologique directement à la Silicon Valley.

Le marché des montres connectées est pourtant en chute libre cette année selon certains indicateurs. Les dernières estimations du cabinet de recherche IDC parlent par exemple de 2,7 millions de pièces écoulées au troisième trimestre, soit 51,6% de moins qu’en 2015. Pas de quoi déstabiliser le vieux briscard de l’horlogerie. «Aujourd’hui, la montre connectée est à l’âge de la pierre, c’est le début.

Elle a encore beaucoup de faiblesses. Elle est plus ou moins inutile car elle est dépendante du téléphone. Sa vraie utilité arrivera quand elle sera autonome et ce sera d’ici 18 à 24 mois, quand la carte SIM sera intégrée dans le microprocesseur. La montre deviendra alors indépendante.

Et qu’est-ce qui se passera? Je n’aurai plus besoin de mon téléphone. A ce moment-là, le développement de la montre connectée sera fulgurant.»Même si aujourd’hui personne ne sait vraiment si ce type de produit va répondre à une réelle demande, Jean-Claude Biver est convaincu qu’il ne faut pas rester les bras croisés et prendre le virage des nouvelles technologies le plus tôt possible.

«On s’est plongé dans la montre connectée malgré le manque de visibilité. Autant être dans le train plutôt qu’avec les autres qui attendent avec leurs valises sur le quai.» Et d’ajouter:«Les deux grandes caractéristiques de la jeunesse, c’est d’apprendre et d’être curieux. Les gens qui croient tout savoir et qui ne sont plus curieux, ce sont les vieux. Et quand on est vieux, on est déconnecté du futur.»

Racontant que Tag Heuer invitait régulièrement des jeunes de 14 à 16 ans à des comités «pour qu’ils nous apprennent ce qu’ils aiment», Jean-Claude Biver a résumé ainsi son rôle d’entrepreneur: «Quand on est dirigeant, on se doit de comprendre le futur. On est payé pour être des visionnaires.»

«Il ne faut pas prendre Trump pour un imbécile»
Cette évolution ne devrait pourtant pas faire de l’ombre à la montre suisse traditionnelle, selon Jean-Claude Biver pour qui les montres sont «éternelles». Le haut de gamme n’est pas menacé selon lui, mais plutôt les garde-temps qui, pour un prix identique aux montres connectées, «ne font que de donner l’heure et la date.»

Vu l’importance du partenariat entre Tag Heuer et des entreprises américaines dans le développement des montres connectées, il était difficile de ne pas aborder avec l’orateur, en marge de la conférence, la question de l’élection de Donald Trump.

Le nouveau président a promis des mesures très protectionnistes. Une réelle menace pour les affaires en Suisse? «Je n’ai pas de craintes. Peut-être que je suis naïf, mais il ne faut pas prendre Trump pour un imbécile et il est contrôlé par un parlement. Un certain protectionnisme, je trouve ça bien. Je suis pour un monde globalisé et de partage, mais il faut qu’on développe l’industrie chez nous et pas tout faire fabriquer ailleurs. Cela crée du travail et amène à un monde plus équilibré.»

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