De Bâle, Philippe Oudot
Il y a une dizaine de jours, le CEO du Swatch Group Nick Hayek laissait entendre que Longines avait réalisé un chiffre d’affaires d’un milliard et demi de francs l’an dernier. «Je confirme!», s’exclame Walter von Kaenel. Dans un langage très militaire, il martèle que si les exportations horlogères suisses ont reculé de 3,3%, «nous avons quant à nous maintenu nos positions». Mais le plus spectaculaire, c’est la fulgurante progression qu’a connue la marque au sablier ailé ces 10 dernières années: «Nous avons multiplié notre chiffre d’affaires par cinq!», souligne fièrement son président.
L’Empire du Milieu reste, de loin, son premier marché. «Ou plutôt la Grande Chine, c’est-à-dire la Chine continentale, Hong Kong, Macao, Taïwan, ainsi que les touristes chinois qui achètent nos montres partout dans le monde lorsqu’ils voyagent. Cela représente de loin plus de la moitié de notre chiffre d’affaires», souligne Walter von Kaenel. S’agissant de Hong Kong, il rappelle que l’ex-colonie chinoise reste une plaque tournante et que les produits sont ensuite en grande partie distribués en Chine et sur d’autres marchés d’Extrême-Orient.
«Cela signifie qu’au niveau des ventes sur place, la chute est bien plus brutale que le recul de 22% qui ressort des chiffres de la FH» (Fédération de l’industrie horlogère suisse), constate-t-il.
Un recul qu’il explique par les mesures prises par le Gouvernement chinois après les manifestations estudiantines de l’automne 2014. Il a en effet fortement réduit l’octroi des visas de groupes. Ces touristes se sont donc repliés sur d’autres destinations pour leurs achats, notamment au Japon, en Thaïlande, mais aussi en Europe où, jusqu’aux attentats de Paris de novembre dernier, «on peut même parler d’une véritable invasion de touristes chinois venus y faire leurs achats».
Jusque-là en effet, la capitale française, dont la force d’attraction reste extraordinaire, avec la tour Eiffel, Le Louvre, Les Champs-Elysées et Versailles, était considérée comme une destination sûre, grâce au plan Vigipirate. Et si les attentats de Paris ont changé la donne, Walter von Kaenel ajoute que l’introduction du passeport biométrique en Europe n’a pas arrangé les choses.
Au pays du bourbon
Sur le marché américain, Longines est en train d’opérer d’importants changements. «Nous avons déplacé notre centre de distribution de New York à Miami et nous allons mettre l’accent sur ce marché. C’est l’objectif de ces prochaines années. Après la vodka russe et le maotai chinois, on va se mettre au bourbon américain!», lance-t-il dans un grand éclat de rire.
En Russie, où la marque a toujours été très présente, Longines a bien résisté malgré le contexte difficile de l’an dernier: faiblesse du rouble, attentat contre un avion russe en Egypte, tensions avec la Turquie, après qu’un avion militaire russe a été abattu à la frontière avec la Syrie. Du coup, les Russes, qui étaient nombreux à se rendre en vacances dans ces deux pays et à y dépenser, n’y vont plus.
Ils achètent davantage en Russie, notamment au bord de la Mer Noire et en Sibérie orientale. «Je viens de rentrer d’un voyage express à Moscou et ça se passe plutôt bien pour nous. L’assortiment dans les magasins est satisfaisant, et nos ventes aussi. On observe aussi qu’il y a de plus en plus de touristes chinois au Goum (grand magasin de Moscou, ndlr), notamment, car le change est attractif pour eux.»
Du côté du Moyen-Orient, Walter von Kaenel indique qu’au début 2015, les ventes avaient démarré très fort dans les Emirats, en particulier à Dubaï où les Chinois viennent en nombre, avant de se tasser au 2e semestre, «mais ça reste très important. A Dubaï, tout est fait pour attirer les clients: le niveau de sécurité, la qualité des hôtels, des boutiques et de la nourriture.» Et d’ajouter que la reprise par le Swatch Group de Rivoli, qui exploite plusieurs centaines de commerces de détail dans l’horlogerie au Moyen-Orient, y a contribué.
Un engagement constant
Mais la formidable progression de la maison imérienne ne doit rien au hasard. Il y a la qualité et l’esthétique des produits, bien sûr, mais aussi le marketing et la communication. Et dans ce domaine, Longines se montre particulièrement active. La maison est en effet très impliquée dans les sports équestres – courses, sauts d’obstacles et endurance. «Cela demande un énorme engagement et prend du temps à mettre en place, mais ça vaut la peine. Ce qui compte quand on se fixe un objectif, c’est de s’y tenir et de s’y engager à fond, et surtout ne pas se disperser ou changer constamment son fusil d’épaule, mais le résultat est payant», assure Walter von Kaenel.
Longines est aussi très impliquée dans la Coupe du monde de ski. Il précise que ce n’est pas du sponsoring, mais bien un partenariat «chronométrage contre identification. Notre marque apparaît au départ, lors des temps intermédiaires, à l’arrivée et sur le tableau d’affichage, C’est énorme! L’impact est toutefois moins important que les sports équestres, car ceux-ci se déroulent toute l’année dans le monde entier, alors que les courses de ski n’ont lieu qu’en hiver et touchent surtout l’Europe et les Etats-Unis.»
A cela s’ajoutent encore les partenariats de Longines avec le tournoi de Roland-Garros, avec la Fédération internationale de gymnastique et celle de tir à l’arc. Pour Walter von Kaenel, tous ces engagements s’inscrivent sur le long terme et leurs retombées sont difficilement chiffrables «mais ils contribuent assurément au succès de la marque».
S’agissant de 2016, l’année a démarré en force en janvier alors que février a été plus difficile. Mais pour le boss de Longines, pas question d’en tirer des conclusions hâtives: «Il ne faut pas prendre ces deux mois de façon individuelle, mais les considérer ensemble, car tout dépend sur quel mois tombe le Nouvel An chinois». Quant à ses projections pour l’année, il rappelle que le big boss Nick Hayek a parlé d’une progression de 5 à 10%. «En bon soldat, je ferai tout pour atteindre les objectifs fixés!»
Elégance et tradition
Honneur aux dames Cette année, Longines met de la couleur dans ses collections. Symbole de l’élégance classique de la marque au sablier ailé, La Grande Classique lancée en 1992 arbore dans ses différents modèles des cadrans de nacre finement travaillés et ornés d’un décor d’étoile dans des nuances rose, bleu ou blanc, avec bracelet en acier ou en alligator de couleur assortie. C’est un mouvement quartz logé dans un boîtier d’acier très mince (moins de 4,5mm d’épaisseur!), de 24 ou 29mm de diamètre qui anime le cœur de ces montres très féminines.
L’engagement de Longines dans les sports équestres se traduit aussi dans ses garde-temps. La maison imérienne enrichit cette année son Equestrian Collection de nouvelles déclinaisons féminines inspirées par la boucle rectangulaire que l’on retrouve sur la bride de présentation du franches-montagnes, la seule race chevaline suisse.
Ces nouveaux modèles en acier, disponibles en quatre tailles, renferment un mouvement quartz logé sous différents cadrans: noir laqué poli, argenté «damier» et nacre blanche, tous ornés d’index diamants, alors que le cadran argenté «flinqué» arbore des chiffres romains bleus et le blanc mat, des chiffres arabes noirs. Selon les modèles, un liseré de diamants vient souligner l’harmonie des courbes du boîtier.
On the rail Longines s’inspire régulièrement de sa longue histoire pour des modèles «héritage». A l’instar de la RailRoad, au look des années 60. Au début du 20e siècle, de nombreuses compagnies ferroviaires faisaient en effet confiance à la marque pour assurer la ponctualité de leur service. Le boîtier en acier de 40mm de diamètre renferme d’un calibre automatique produit exclusivement pour Longines.
Le cadran bombé blanc cassé poli arbore un tour d’heure composé de grands chiffres arabes noirs et d’une échelle 24 heures.
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