Vous êtes ici

Abo

VTT

Nicolas Siegenthaler, le perpétuel coup d’avance

Coach d’un Nino Schurter en quête d’un deuxième titre olympique, lundi au Japon, le Biennois de 63 ans est confiant. Grâce à ses méthodes innovantes et à la soif de découverte de son poulain, il juge le coup jouable.

Nicolas Siegenthaler avait enfilé son plus beau t-shirt, mercredi matin, pour accorder un long et riche entretien au JdJ (Copyright Yann Staffelbach / Le Journal du Jura)

Christian Kobi

L’innovation est permanente. Elle vise à stimuler l’athlète, à lui offrir de nouveaux atouts dans sa quête de trophées. Mais aussi, dans le cas de Nicolas Siegenthaler, à vivifier l’entraîneur. «Je n’ai jamais été un adepte des sentiers battus et des voies toutes tracées», concède le Biennois de 63 ans, qui gère depuis deux décennies la destinée de Nino Schurter, le vététiste le plus titré de l’histoire, huit fois champion du monde, sept fois vainqueur du classement général de la Coupe du monde et triple médaillé aux Jeux.

Pour tenter d’ajouter un deuxième titre olympique à leur palmarès, après le sacre suprême de Rio en 2016, les deux hommes n’ont pas hésité à élargir leur horizon. En collaboration avec des scientifiques de Macolin, ils ont testé deux nouvelles méthodes de préparation. «Nino est toujours à fond derrière nous, il adore tout ce qu’on fait», apprécie le coach, qui sait qu’il détient là l’une des recettes de leur succès. «Les autres ne travaillent pas comme ça, ils attendent, ils hésitent. Nous, on y va!»

Entre lampes et caméra
L’une de ces méthodes consiste en des lampes multicolores accrochées à un mur qu’il s’agit de toucher le plus vite possible lorsqu’elles s’allument, tout en pédalant à pleine vitesse. Le but? Améliorer la réactivité de l’athlète pendant l’effort. L’installation a été montée dans la salle de force privée de Nino Schurter, chez lui à Coire. «On a mis quatre lampes de chaque côté, à des distances assez difficiles à atteindre. Lors de chaque séance, on calcule les temps de réaction, puis la moyenne. Et ensuite on analyse.»

La seconde innovation est encore plus poussée. Nicolas Siegenthaler explique: «En octobre 2019, lors de l’épreuve test qui a eu lieu sur le parcours olympique d’Izu, on a filmé le tour le plus rapide de Nino au moyen d’une GoPro. Puis on a demandé à des ingénieurs d’accélérer ce film de 4%. Aujourd’hui, lorsqu’il s’entraîne de manière virtuelle sur ce parcours, son cerveau s’imprègne d’une vitesse de base 4% plus élevée que sa vitesse de base réelle.» L’objectif final, évidemment, est d’habituer le cerveau à aller plus vite. Malin!

Un nouveau statut à gérer
Ces derniers mois, ces dernières semaines, Nicolas Siegenthaler et Nino Schurter ont inventé, évalué. Evolué aussi. Parviendront-ils à leur fin lundi (15h au Japon, 8h en Suisse) sur l’exigeant parcours d’Izu, qui mêle montées courtes et raides, descentes abruptes et parties techniques dans la rocaille? «Je suis super confiant, à 101%. Nino est dans une forme excellente, ses valeurs à l’entraînement sont très bonnes», lance le Biennois, qui ne craint pas le nouveau statut d’outsider de son protégé. «On a discuté de cela, on est au clair là-dessus. Ce n’est plus à nous de faire la course. De Matthias Flückiger à Mathieu van der Poel, il y a une longue liste de favoris qui vont devoir prendre leurs responsabilités.»

Le principal atout du Grison de 35 ans se situe certainement dans son expérience. Contrairement à tous ses concurrents, il a déjà gagné l’or olympique et en sera à ses quatrièmes Jeux. En cas de deuxième succès, il imiterait le Français Julien Absalon, vainqueur en 2004 à Athènes et en 2008 à Pékin. «A ce moment-là, il toucherait le Graal», frétille Nicolas Siegenthaler, qui assure ne pas avoir parlé de la suite de sa carrière avec son protégé de longue date. «C’est un sujet qu’il évite soigneusement, même avec moi. Mais au fond, je pense que s’il gagne à Tokyo, il continuera au moins une saison.»

Quelle que soit la décision de Nino Schurter, Nicolas Siegenthaler, lui, poursuivra son bonhomme de chemin. Toujours prêt à innover, toujours avec un coup d’avance sur ses contemporains. «Un entraîneur ne s’arrête que quand il est mort», dit-il. Lui est vivant. Et bien vivant.
 

Ne jamais avoir pu aller aux Jeux, «un gros regret»

Il en a désormais l’habitude. Pour ses quatrièmes Jeux en tant que coach privé de Nino Schurter, après Pékin, Londres et Rio, Nicolas Siegenthaler ne sera pas sur place, lundi à Izu, au sud-ouest de Tokyo, pour la course de cross-country. Seuls les entraîneurs nationaux sont en effet accrédités par Swiss Olympic. «Je dois être un des seuls entraîneurs à avoir un athlète en mesure de gagner quatre fois de suite (réd: Nino Schurter a remporté, dans l’ordre, le bronze, l’argent et l’or) à ne jamais être allé au Jeux. C’est un gros regret. Rien que le fait de recevoir les sacs et les habits, pour un coach, c’est un peu comme un cadeau de Noël.»

A défaut, le citoyen d’Evilard suivra la course de son protégé chez lui, devant son poste de télévision, entouré de ses proches et de quelques amis. Pourtant, il n’a pas définitivement tiré un trait sur les JO. «Dans un coin de ma tête, je me dis que j’aimerais bien pouvoir y aller une fois avec un autre athlète», lance celui qui s’occupe notamment du Bullois Ilian Alexandre Barhoumi, un vététiste de 16 ans promis, selon ses dires, à un bel avenir. Ou alors avec un jeune Français dont il tait le nom, le contrat n’étant pas encore signé. «J’ai aussi quelques contacts avec la Fédération française, où je sens plus de respect que du côté suisse. Il n’est pas impossible que je travaille un peu plus avec eux à l’avenir, notamment pour du consulting.»

Et puis, de toute façon, il y a Paris 2024. D’ici là, l’enseignant de 63 ans, qui œuvre au collège du Marché-Neuf, sera à la retraite. «J’aurai alors tout le temps à ma disposition…», se projette-t-il. C’est sûr, un jour, d’une manière ou d’une autre, comme coach ou comme spectateur, Nicolas Siegenthaler vivra les Jeux de l’intérieur. Et ce sera plus que mérité.

Le Giron jurassien, c’est déjà terminé

L’annonce avait été faite en grande pompe. Fin août 2020, le Giron jurassien des clubs de sports de neige se félicitait du début de sa collaboration avec Nicolas Siegenthaler, en tant que préparateur physique du Centre régional de performance dédié au ski de fond. Une année plus tard, le bilan est pour le moins... mitigé. «En fait, c’est déjà fini», soupire le Biennois de 63 ans, qui a mis un terme à ses activités ce printemps. A contrecœur mais forcé, dit-il. «Le jeune entraîneur responsable du ski nordique (réd: Pierre Tichit, 23 ans) avait plein de qualités au niveau organisationnel, mais il ne comprenait pas vraiment mon travail. Moi, j’ai été engagé pour faire ce que je sais faire, et le feedback des athlètes après ces quelques mois était excellent. Seulement, lui trouvait qu’il y avait trop de force dans la programmation.»

Une séance que Nicolas Siegenthaler qualifie de «houleuse», ce printemps, a achevé tout espoir de poursuivre la collaboration. «J’ai été choqué d’entendre les paroles d’un jeune entraîneur qui, par définition, ne peut avoir aucune expérience. Quand il y a incompatibilité, c’est celui qui est le plus malin qui doit se retirer. C’est ce que j’ai fait. C’est dommage, car j’ai adoré travailler avec ces jeunes athlètes.»

Articles correspondant: Sport régional »