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Tokyo

Depuis le tsunami du 11 mars et la catastrophe nucléaire de Fukushima, les réacteurs atomiques nippons se sont arrêtés, les uns après les autres, afin d'être auscultés.

Aujourd'hui, sur les 54 chaudières qui fournissaient 28% de l'électricité à l'archipel, seules deux fonctionnent. Et elles devraient, elles aussi, s'arrêter en avril pour subir des tests de sécurité.

Les rues de brillent pourtant de tous leurs néons, et la vie de la mégapole de 35 millions d'âmes vit au rythme habituel de ses milliers de trains quotidiens. Certes, les couloirs du Meti, le ministère de l'Economie, restent plongés dans la pénombre, pour donner l'exemple. Mais la grande campagne d'économies d'énergie de l'été est achevée.

Ce retour à la vie quasi normale malgré la fermeture de 52 réacteurs, le Japon le paie au prix fort. Les importations de pétrole et de gaz uniquement destinées à faire tourner les centrales électriques thermiques ont bondi en 2011 respectivement de 77% et 18%. Pour la première fois en 31 ans, le Japon a affiché en 2011 un déficit commercial, de 28,9 milliards de francs. Et a démarré l'année avec un déficit mensuel record, de 18 milliards de francs pour le mois de janvier, creusé par le prix du brut.

Dans ce contexte, le gouvernement et les compagnies électriques ne cachent pas leur souhait: redémarrer au plus vite les centrales nucléaires. Les grands industriels qui redoutent une flambée du coût du kilowattheure font pression en ce sens. L'électricien Tepco, qui opérait la centrale de Fukushima Daiichi et navigue au bord de la faillite, a annoncé une hausse de ses tarifs de 17% pour ses gros clients.

Redémarrer les centrales nucléaires, juste un an après l'accident nucléaire qui a contraint 100 000 habitants à évacuer leur région contaminée- «Pour les Japonais, c'est un débat quasi existentiel», résume un expert français de l'énergie, de passage à . Les sondages qui se succèdent indiquent que la majorité de la population souhaite une sortie du nucléaire.

Rupture de confiance

A l'image de Yuichiro Yonei, étudiant de 23 ans spécialisé dans l'énergie, rencontré à l'Université de Tsukuba qui a vécu le 11 mars comme «une cassure». Le jeune homme, qui n'a plus confiance dans la parole du gouvernement sur la gestion de la catastrophe de Fukushima, est devenu antinucléaire. De nombreux jeunes qui partagent sa position sur les réseaux sociaux viennent signer les pétitions dans la tente des militants dressée depuis l'automne devant le ministère de l'Economie.

Le gouvernement de Yoshohiko Noda marche sur des ?ufs. Il ne passera pas en force. Formellement, il n'a pas besoin du feu vert des gouverneurs régionaux, élus, mais s'abrite néanmoins derrière eux. Pour rétablir la confiance, après avoir pointé dans un rapport les défaillances de Tepco et des pouvoirs publics, le gouvernement est en train de réformer l'autorité de sûreté nucléaire, discréditée. Seize réacteurs seulement ont déposé leur dossier de «stress test». Deux d'entre eux, Ohi 3 et 4, ont été jugés aptes par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et pourraient être les premiers à redémarrer.

Le gouvernement a prévu de présenter en juin ou juillet sa stratégie énergétique pour les années à venir.

«Nous devons nous extraire de notre dépendance à l'égard du nucléaire et édifier à moyen et long terme une société qui n'aura pas à compter sur cette énergie», déclarait samedi le premier ministre Noda. D'ici à l'été, saison de la pointe de consommation électrique en raison de l'usage massif de la climatisation, les Japonais devront faire des choix difficiles: redémarrer leurs réacteurs atomiques ou payer le courant au prix fort; subir des pannes de courant ou de nouveau réduire leur consommation de 10 à 15%. Le Figaro

Un an après l'accident de Fukushima, le Gouvernement japonais veut relancer ses centrales arrêtées. La population rechigne

Le casse-tête du nucléaire nippon

Un urgent redémarrage

Faut-il redémarrer les centrales nucléaires?

Oui, le plus vite possible. L'Iran représente un risque potentiel énorme. Plus de 80% de nos importations de pétrole et 20% de nos importations de gaz transitent par le détroit d'Ormuz. Nous avons 70 jours de stock pétrolier, 20 jours seulement pour le gaz. Le risque de crise iranienne est bien plus élevé que celui d'un grand séisme! Si nous ne redémarrons par les centrales, il pourrait nous manquer 10% d'électricité cet été.

Combien en coûterait-il au Japon de se passer de centrales nucléaires?

Au cours actuel du pétrole, rien que pour remplacer le courant d'origine nucléaire par des énergies fossiles, il en coûterait 3000 milliards de yens par an (réd: 34 milliards de francs).

Pour diversifier vos approvisionnements gaziers, la construction d'un gazoduc sous-marin apportant du gaz russe via l'île voisine de Sakhaline est-elle envisageable?

De même que la décision allemande d'importer du gaz soviétique dans les années 1970 a amélioré les relations germano-russes, construire un gazoduc pourrait aider à résoudre le conflit diplomatique qui oppose le Japon à la Russie sur les îles Kouriles. La Russie a intérêt à diversifier ses clients en Extrême-Orient. Le Japon pourrait par ailleurs exploiter son propre gaz: les hydrates de méthane tapis au fond des océans représentent un fort potentiel, surtout si le prix du pétrole continue de monter beaucoup.

Le petit commerce prospère de la radioactivité

La petite boutique Becquerel Center est nichée dans le quartier populaire tokyoïte d'Ueno, à l'ombre de l'une des innombrables lignes de train aériennes. Depuis décembre, les habitants de peuvent y mesurer la radioactivité de leurs produits, en libre-service. Deux tables à l'abri des regards de voisins indiscrets sont réservées aux clients qui placent leur échantillon dans une sorte de cocotte-minute. En 20 minutes, le spectromètre gamma de marque allemande Berthold donne le résultat en becquerels par kilogramme. Il suffit ensuite de le comparer aux normes, affichées sur le mur.

La trentaine de clients quotidiens apportent parfois des objets insolites, tel un diplôme sauvé d'une maison de la région de Fukushima. Mais le plus souvent, les clients sont des cultivateurs qui mesurent la radioactivité de leur riz. Kibuchi Kazuki l'assure, son but premier n'est pas de faire du profit mais de rendre service au public.

Dans le quartier animé d'Akiha­bara, connu entre autres pour son petit marché aux puces de composants électroniques, Yasuyo Shibata a fait tourner à son profit le vent mauvais venu de Fukushima. A l'entrée de sa boutique d'électronique trône un présentoir offrant plus d'une dizaine de modèles de compteurs Geiger. Les clients préfèrent l'entrée de gamme à 7000 yens (environ 78 francs), mais peuvent opter pour le modèle biélorusse à 48 000 yens (la Biélorussie fut le pays le plus touché par les retombées de Tchernobyl) jusqu'à un spectromètre à 600 000 yens qui donne une mesure d'aliments en cinq minutes.

Ce marché en croissance a stimulé la concurrence et tiré les prix à la baisse. «La clientèle est plutôt féminine», note Yasuyo Shibata, «des mères de famille inquiètes. Souvent, les clients achètent un appareil pour l'offrir à des parents vivant près de Fukushima.» Un cadeau tendance.

yhulmann@arpresse.ch

Une belle et grande famille

«Urgent!» Aucun doute possible, c'est le grand patron de l'Agence internationale de l'énergie, M. Tanaka lui-même, qui le dit. La dépendance japonaise à l'atome ne saurait être sevrée tant que le monde ne saura se soigner de sa maladive tendance à l'instabilité politique. Il est donc urgent de relancer la machine nucléaire nippone, faute de quoi le pays du soleil levant sombrera dans une fort coûteuse cure de désintoxication à l'or noir. Qui aurait l'outrecuidance d'imposer une telle épreuve à une nation qui se relève à peine des événements du 11 mars 2011- Personne.

Surtout pas ce sympathique marchand de sable de Nobuo Tanaka. Sans tirer sur le messager, il eût été étonnant que le patron de l'AIE invite le Japon à se passer d'une énergie dont l'un des membres de l'agence qu'il dirige, la France, reste le principal défenseur.

Ce d'autant que les médecins de la patrie de Molière sont déjà au chevet du géant nucléaire nippon. Eric Besson, le ministre français de l'Industrie, n'apportait-il pas la semaine dernière encore le soutien plein et entier de la France, et d'Areva, aux employés de la centrale de Fukushima Daiichi- Là encore, il eût été surprenant d'entendre Eric Besson tacler la sacro-sainte industrie nucléaire hexagonale. Fleuron national né dans le creuset du gaullisme triomphant et barbouzard.

Un grand homme que le ministre de l'Industrie de Nicolas Sarkozy. Et visionnaire aussi. Un an plus tôt, il n'hésitait pas à rassurer le monde sur Fukushima en lançant: «A l'heure où nous parlons, c'est un accident grave, mais ça n'est pas une catastrophe nucléaire.» Visionnaire.

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