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Tavannes

«Durs à comprendre, les champignons!»

Contrôleur officiel depuis une vingtaine d’années, Jean-Pierre Monti fait le point sur la saison en passe de se terminer.

Jean-Pierre Monti officie comme contrôleur officiel depuis une vingtaine d’années. (Stéphane Gerber)

Catherine Bürki

Ils se sont fait avoir les champignonneurs! Sans moquerie aucune,  Jean-Pierre Monti  le certifie : nombreux ont été, cette année, ceux qui ont manqué les premiers rendez-vous de la cueillette. «Probablement en raison des fortes chaleurs du printemps, les premières poussées s ont survenues un mois plus tôt que d’ordinaire, soit à la mi-juillet», explique le Tavannois de 65 ans, contrôleur officiel de champignons pour sa commune depuis une vingtaine d’années. «Les champignons sont très difficiles à comprendre. Même après 40 ans d’activité dans les sociétés de mycologie de la région, je me fais parfois surprendre», concède-t-il néanmoins, histoire de consoler les champignonneurs mal menés.

A l’heure de dresser un premier bilan de la saison qui touche gentiment à sa fin, Jean-Pierre Monti est quelque peu indécis. «Je dirais qu’elle n’a été ni bonne ni catastrophique», estime-t-il à vue de nez, en prenant pour preuve les quelque 40 paniers de champignons contrôlés jusqu’à présent. «Pour une année moyenne, on m’en apporte environ une centaine. Mais il reste encore quelques semaines, le chiffre devrait encore grimper», espère ce passionné.Et d’assurer d’emblée qu’on restera toutefois loin de ses meilleures années: «Il y a environ 20 ans, j’ai eu à contrôler 280 récoltes, environ 280 kilos de champignons.»

Quand bien même les chiffres ainsi articulés laissent craindre pour la pérennité des bolets, morilles, écailleux et autres espèces qui peuplent nos forêts, Jean-Pierre Monti se veut rassurant: «Je ne pense pas que l’on puisse tirer une tendance, cela varie d’année en année et notre région reste de manière générale plutôt propice aux champignons.»

Et que dire alors de l’été pour le moins maussade de cette année? «Les fortes pluies ont contribué à accélérer le processus de putréfaction.Mais certaines espèces aiment l’humidité et ont ainsi poussé en abondance.» A titre d’exemple, il cite alors les chanterelles et les clitocybes nébuleux, plus connus sous le nom de «gris», qui n’ont, selon lui, de loin pas manqué cet été. «Il n’en a malheureusement pas été de même pour les cèpes qui se sont faits très rares», regrette-t-il toutefois.

Des bolets peu fameux

A la place de cette variété particulièrement appréciée dans nos contrées, les champignonneurs ont ainsi dû se contenter cette année d’une recrudescence des bolets de fiel. «Des champignons tellement amers qu’ils en deviennent immangeables, voire parfois même toxiques», souligne Jean-Pierre Monti, histoire de mettre en garde ceux qui n’ont pas encore rangé leurs paniers de cueillette. Et d’évaluer «qu’avec les quelques jours de beau que nous avons eus dernièrement, on peut s’attendre à une poussée d’espèces tardives». Les champignonneurs devraient ainsi, selon lui, disposer d’encore environ trois semaines pour faire leur stock. Des bons coins à recommander, peut-être?  «Pour ma part, je passe plus de temps derrière mon microscope à étudier les spécimens que je découvre ou que l’on m’apporte plutôt qu’à gambader en forêt pour trouver de quoi cuisiner», confie Jean-Pierre Monti. Sans oublier que du côté des champignonneurs, il n’existe pas de secret mieux gardé que les endroits propices à remplir les paniers.

Mieux vaut prévenir que guérir

Espèces mortelles Mieux vaut ne pas tenter le diable en matière de champignons. C’est du moins le conseil que prodigue Jean-Pierre Monti. «Les contrôleurs officiels sont disponibles tant pour les débutants que pour les habitués de la cueillette. S’il y a le moindre doute, mieux vaut passer montrer sa récolte que prendre le risque d’être malade», avertit ce dernier.

Depuis qu’il officie comme contrôleur, le champignonneur aguerri a ainsi déjà eu l’occasion de tomber sur quelques champignons vénéneux qui, sans son intervention, auraient sans aucun doute passé à la casserole pour être consommés. «Sur les quelque 3500 espèces que compte la région, trois ou quatre peuvent se révéler mortelles. Même si les cas d’intoxication demeurent rares, il vaut donc mieux rester prudent», indique-t-il.

Gare au Smartphone Séduits par l’aspect pratique de l’outil, les champignonneurs ont été nombreux cette année à utiliser des applications smartphone pour identifier leur cueillette. Une aberration pour Jean-Pierre Monti, pour le moins sceptique quant à l’efficacité d’une telle méthode de détermination. «Ce n’est pas simplement en regardant une photo que l’on parvient à déterminer un champignon», soutient-il. En fin connaisseur, il va même jusqu’à déceler une évidente corrélation entre le développement de pareilles applications et l’explosion du taux d’intoxications survenues cette année: «Le nombre d’empoisonnements a presque doublé en Suisse, passant d’environ 110 cas en 2013 à plus de 200 actuellement.» Et d’inviter les promeneurs à abandonner cette technologie au profit de l’œil avisé d’un contrôleur.

 

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