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Hockey sur glace

Le faux prétexte des couleurs

Joueurs et dirigeants du HC Bienne pris en otage

Par la faute d’une frange inepte de fans seelandais, une épaisse fumée orange s’est rapidement répandue vendredi dans la Patinoire de Porrentruy. LK

Laurent Kleisl

Les agissements d’un groupuscule imbécile de fans ultras du HCBienne, vendredi soir à la Patinoire de Porrentruy, interpellent. En théorie, cette infâme clique s’insurge contre l’abandon des traditionnelles couleurs «rouge et jaune» décidé par le directoire du club. «Cette histoire de couleurs n’est qu’un prétexte», lance Daniel Villard, manager du club seelandais.

Le décryptage des débordements qui ont émaillé la première rencontre de préparation de l’équipe de Kevin Schläpfer corrobore cette thèse. «Moins de cinq minutes avant le début du match, des supporters biennois, parmi lesquels une bonne partie des personnes interdites de stade la semaine dernière, ont provoqué une bagarre avec des Ajoulots à l’extérieur de l’enceinte», explique Villard. «C’était une action planifiée, préméditée, j’en suis certain à 100%.» Cette diversion agressive a un instant vidé le Voyebœuf de son service de sécurité. En toute impunité, une poignée de mufles a ainsi pu allumer d’intenses fumigènes rouges et jaunes sur le coup d’envoi de la rencontre.

Daniel Villard: «J’assume»

Cette cohorte de fanatiques pointe Daniel Villard comme ennemi No 1. Après ce match dit amical, les insultes – «Villard enculé» – ont plu telle une grêle de plomb. Elles cherchaient à assommer le coupable désigné. Raté. «C’est moi qui ai signé les 24interdictions de stade qui touchent certains de ces supporters et ils m’en veulent uniquement pour cette raison», observe calmement le manager. «J’assume cette responsabilité, je suis payé pour ça. Ces insultes ne me touchent pas.» Il ajoute: «Ce week-end en Allemagne, un fan a tiré sur le bus du Hertha Berlin. C’est incroyable! Le monde du sport perd la tête.»

Les interdictions de stade promulguées s’étendent à l’ensemble des enceintes de hockey sur glace et de football de Suisse. Toutefois, le périmètre de sécurité de quelques hectomètres assorti à ces peines ne concerne que les arènes de LNA. «A Porrentruy, comme à Langenthal ou à Worb cette semaine, les fans exclus peuvent rester devant la patinoire», déplore Villard. Et pourquoi ne pas instaurer le système italien? Les «tifosi» bannis ont l’obligation de se présenter aux forces de l’ordre de leur commune de domicile à l’heure du match de leur équipe favorite.

Pour marquer leur courroux, les joueurs seelandais se sont refusés à saluer leur kop, vendredi soir, avant de quitter la glace. Un geste incompris de leurs supporters ultras. Furax, ces derniers ont dans un premier temps refusé de monter dans le bus du retour. «Nous avons alors demandé à quelques joueurs de les rencontrer pour les raisonner», précise Villard. «Ces supporters sont corrects quand ils ne sont pas en bande. Mais ensemble, avec l’effet de meute et de l’alcool, ils se croient tout permis.»

Des actes contre l’équipe

Parmi les émissaires envoyés au front, le capitaine Mathieu Tschantré parle «d’une bonne discussion avec deux ou trois fans sobres». D’entrée, le sujet des couleurs oubliées a ressurgi. «Des bandes rouges et jaunes ont été ajoutées au maillot blanc que nous portons à l’extérieur, ils veulent quoi de plus?», assène Tschantré. «Ça commence à bien faire! Ces fans disent que leurs actions sont menées contre les dirigeants et non contre l’équipe. Pas contre l’équipe? Ils nous ont fait jouer un match dans des conditions extrêmement difficiles, voire dangereuses pour la santé! Je le leur ai dit. Ils n’ont pas encore compris qu’en agissant ainsi, ils se tirent une balle dans le pied.»

Autre délégué désigné, le gardien Simon Rytz n’a que très peu apprécié l’art du hockey dans un brouillard âcre. Quand les fumigènes ont été craqués, le Lyssois s’est d’ailleurs rendu devant le kop seelandais et a laissé éclater sa colère. «J’étais très fâché», dit-il. «C’était notre premier match amical, on avait le désir de commencer notre préparation sur une note positive. Alors qu’il faisait déjà très chaud, avec ces fumigènes, il nous était tout simplement impossible de respirer. C’était insupportable. Les actes de ces fans se retournent contre les joueurs.»

Formé au HC Bienne, Rytz n’est, sur le fond, pas insensible au débat sur les couleurs du club, une anecdotique décision marketing qui gangrène la vie du directoire depuis ce printemps, ceci alors que le HCBienne évolue en bleu à domicile depuis 2012. «Certains fans s’identifient au rouge et au jaune depuis des années. Je peux comprendre leur désaccord et c’est leur droit de dire qu’ils désapprouvent», confie Rytz. Qui précise vertement: «Les dirigeants ont pris une décision, et on doit l’accepter, point! Nous, joueurs, nous suons pour un club, pour le HC Bienne. Et nous pouvons aussi très bien le faire en portant des maillots roses!»

Et si, finalement, la réponse venait de l’intérieur. Et si les vrais fans «rouge et jaune» nettoyaient eux-mêmes leurs rangs de cette troupe inculte d’ultras néfastes au HC Bienne? La question se pose.

 

Dans l’attente d’une sanction

Lundi après-midi, le HC Bienne n’avait encore reçu aucun courrier de la Ligue nationale au sujet des événements de Porrentruy. «L’arbitre Stefan Eichmann va très certainement écrire un rapport. C’est normal», glisse le manager Daniel Villard. «Comme c’est la première fois cette saison, nous risquons quelque chose comme 1500fr. d’amende.» Une première fois pour un premier match. Et le deuxième? Et le troisième? «Si ces supporters-là continuent, on va finir par perdre une rencontre par forfait à cause d’eux», s’énerve le gardien Simon Rytz. «Avec un championnat de LNA aussi serré, cela pourrait nous coûter la qualification pour les play-off!» Bien dit.

 

Une semaine chargée au programme des Seelandais

Préparation Victorieux 5-4 du HCAjoie vendredi, le HC Bienne entre cette semaine dans le vif de sa préparation. En plus d’entraînements quotidiens à la Seelandhalle de Lyss, trois matches sont à son menu hebdomadaire: ce soir à Langenthal (19h30), jeudi à Worb contre les Allemands de Düsseldorf (19h45) et samedi, toujours à Worb, face à Fribourg Gottéron (19h). Un service de sécurité renforcé gardera un œil sur le kop seelandais tout à l’heure au Schoren de Langenthal.

D’un point de vue sportif – car le hockey reste un sport –, Lukas Meili défendra les filets biennois ce soir contre le 6e du dernier championnat de LNB. Simon Rytz retrouvera sa cage jeudi face au Düsseldorfer EG, éliminé en demi-finales des play-off de DEL ce printemps. Sorti à la mi-match vendredi contre le HCA, Matthias Rossi souffre d’une coupure à un bras. Bien qu’apte au service, le solide attaquant sera au repos ce soir, au même titre que Mathieu Tschantré et Philipp Wetzel notamment.

Alors que seul l’Américain Tim Stapleton a griffé la glace enfumée du Voyebœuf, Kevin Schläpfer actionnera ses quatre attaquants étrangers à Langenthal. Vendredi, pendant que leurs coéquipiers affrontaient Ajoie, les Suédois Pär Arlbrandt et Niklas Olausson ainsi que le Canadien Ahren Spylo, entre autres, ont eu droit à une intense séance de «spinning» (photo) sous la direction de Willi Kaufmann, tortionnaire en chef. Les «importés» du HCB vont savourer leur retour au jeu...

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