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La Neuveville

Tambours et flûtes du Japon

Taikoza, un spectacle rare au Café-théâtre de la Tour-de-Rive

Marco Lienhard, versant athlète qui déclenche le tonnerre de l’o daiko. Bernard Schindler

Bernard Schindler

Taiko signifie «tambour», terme générique, le suffixe «za» ajoute «groupe de…». Le Taikoza de Marco Lienhard est basé à New-York, il mène une vie internationale et, petit miracle, il s’est arrêté au Café-théâtre vendredi. La scène a pris une allure étrange: devant, trois nagados, massifs, creusés dans un segment de gros tronc, derrière, des okedos, plus légers, le fut en assemblage de lamelles et en bas dans la salle, l’o daiko, énorme, sur un support à hauteur d’homme. La promesse du tonnerre. Les tampons auriculaires sont distribués à l’entrée. Surprise, ils n’ont pas été vraiment nécessaires, la puissance est maîtrisée.

Tout en nuances
Les solistes de nagado, Ethan Murray, Kristy Oshiro et Marco Lienhard, avec Joe Small aux okedos sont prêts, attitude tendue, jambes écartées. Ils se préparent à une prouesse physique. Et les grosses baguettes partent en l’air, ensemble parfait des solistes, gestes amples qui suivent le rebond, pirouette au sommet de la courbe, synchronisation qui fond les trois nagados. Le tambour devient musique et danse. «Il faut vivre le rythme avec tout son corps, pas seulement avec l’ouïe!» commente Marco. Les vibrations traversent tout, entre cheveux et orteils. Le monstre sait se faire oiseau, le timbre en harmonie du geste, caresse ou coup de poing. Danseuse, Chikako Saito apparaît, visage caché sous un chapeau aux larges bords sinueux.

Elle évolue, aérienne, souple et hiératique, un sens caché probable derrière chaque geste. Puis Marco, virtuose, sort ses flûtes, shakuhachi courbe, flûte noh noire ou fue comparable au piccolo. La richesse des sonorités sidère. Séquence expressionniste, les batteurs s’alignent en tailleur, un petit tambour entre les genoux. Et les images défilent, la pluie tropicale, les grillons, l’envol des oiseaux dans le feuillage. Les nagados s’intercalent, les solistes sortent le grand jeu, le groupe évolue à géométrie variable. La danseuse joue la flûte avec Marco, de minuscules cymbales dorées circulent dans la salle, un fugace «singing bowl» tinte et l’o daiko monumental fera trembler les murs. Invité sur scène, le public est conquis.

Etonnante trajectoire
Marco Lienhard est né à Douanne, d’un père pionnier de la cuisine asiatique à l’Ilge et d’une mère romande qui l’a envoyé à l’école à la Neuveville et au gymnase français de Bienne. Il y suit un cours de japonais. Bac en poche, il est candidat à un échange culturel de quelques mois. Il joue de la flûte mais rien n’est offert aux Amériques latines des kenas. Ce sera le deuxième choix, le Japon. Il y restera 13 ans et apprendra la flûte de tradition. Dans une communauté sur une petite île en voie de dépeuplement, il s’intègre au groupe de taiko, art populaire des villages. En 1995, il fonde Taikoza aux USA, avec à la clé une tournée de 3 ans et 15000 km à pied entre les étapes, héritage de l’ascèse japonaise!

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