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Hockey sur glace

Un showman privé de sa matière première

Damien Brunner est catégorique. Même si le huis clos s’impose encore au-delà du 15 mars, l’attaquant du HC Bienne n’arrive pas à concevoir une fin de saison sans les émotions des play-off.

La mort dans l’âme, Damien Brunner se dit prêt à disputer les play-off sans le soutien du public. «Parce que c’est notre travail», dit-il. (Keystone)

Laurent Kleisl

Damien Brunner capte la lumière. Un showman, qui attire les regards. Qui les sollicite, aussi. A la simple évocation des travées vides qui ont marqué les deux dernières rondes de la saison régulière, le Zurichois, être si jovial, si généreux, se ferme comme une huître. Sa génétique lui impose d’émerveiller le public. «Oui, c’est juste, j’ai besoin de ça», admet-il. Un besoin presque vital, un moteur.

Ménagé vendredi contre Zurich, Damien Brunner a fait acte de présence, le lendemain, sur la glace de l’Ilfis, dernier acte du championnat régulier conclu sur une défaite 2-4 des Seelandais. «J’ai réalisé une performance exceptionnelle!» ironise-t-il. «Ces deux derniers matches, à huis clos, c’est une honte, cela ne doit plus jamais arriver.» Sans les chants, les cris ni l’ambiance de feu d’un match de hockey, Damien Brunner est privé de sa nourriture primale.

Et une menace plane sur son garde-manger. Les effets de l’ordonnance promulguée par le Conseil fédéral, interdisant les manifestations rassemblant plus de 1000 personnes, pourraient se prolonger au-delà du 15 mars, forçant le hockey suisse à présenter des play-off dans des enceintes vides. La question, simple, précise: jouer ou ne pas jouer? «Jouer!» Le verbe claque dans la bouche de Damien Brunner.

L’économie d’un salaire
Attaquant adepte du jeu artistique, il est prêt à se priver de son carburant. «Le sport, le hockey sur glace, c’est notre boulot», dit-il. «S’il n’y a pas d’autres options, il faut jouer les play-off même à huis clos. Sans public, sans nos supporters, les conditions ne seraient naturellement pas très agréables, cela serait très regrettable pour tout le monde, mais on doit terminer la saison, terminer notre boulot. Il n’y a pas de match, mais les journalistes doivent tout de même raconter des histoires. Alors, ils viennent nous parler et ont leur donne de quoi travailler.» On acquiesce. «Pour nous, c’est la même chose. Il n’y a pas de public, mais on doit se présenter sur la glace et jouer.»

Ce funeste augure générerait des frais sans aucune rentrée pour les clubs. L’annulation abrupte des séries, a contrario, permettrait aux employeurs du hockey suisse de négocier auprès de leurs employés les plus grassement rémunérés, les joueurs. Une piste? Le non-paiement du salaire d’avril, le dernier de l’exercice. Au HC Bienne, pour l’ensemble de l’entreprise, un million de francs serait ainsi épargné. «Aucun problème pour moi», lâche Damien Brunner.

Après une longue et lucrative carrière, avec une petite parenthèse en NHL, le Zurichois est forcément à l’abri du besoin, à l’inverse de certains coéquipiers qui se contentent de payer les factures. «Remarque stupide!» assène-t-il. «Même si j’avais 20 ans, que j’étais au début de ma carrière, je penserais pareil. Le jeu, le hockey, c’est le plus important, cela passe avant tout. C’est une question de passion.»

Bosser dans l’incertitude
Qu’importe le contexte, Damien Brunner n’a aucune envie d’être privé de play-off. Impensable. La réalité est plus diffuse. Plutôt que le lancement des quarts de finale, demain à Genève, un vide occupe ses pensées. Une seule certitude dans l’immédiat: lundi, il fêtera ses 34 ans.

«On ne peut pas comparer cette phase à une pause internationale, au terme de laquelle on connaît le jour de la reprise», dit-il. «Aujourd’hui, personne n’a la moindre idée de ce qui va se passer après le 15mars. Ainsi, je ne peux pas dire qu’on est à 100%, qu’on est déjà en mode play-off. C’est normal. Pour les joueurs, préparer les séries dans ces conditions n’a rien d’évident. Le positif, c’est qu’on a une bonne semaine d’entraînement dans les jambes. Ce n’est pas plus intense que d’habitude, on en profite simplement pour un peu travailler la condition physique.»

Les hockeyeurs professionnels, partout à travers le pays, occupent leur temps en préparant des lendemains qui n’existeront peut-être pas. «J’espère que Mathieu Tschantré et Jonas Hiller n’ont pas encore joué leur dernier match», conclut Damien Brunner. Un amoureux de hockey, un vrai.

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