A 23 ans, Marie Krüttli a le jazz dans la peau

Stéphane Devaux

«Je suis quelqu’un de très intuitif. J’essaie des choses, je regarde ce qui sonne bien. En fait, je pense en termes de couleurs.» A tout juste 23 ans, Marie Krüttli vit un rapport de passion avec la musique. Normal, elle y a baigné depuis toute petite. Un père tromboniste et directeur de chœurs, une mère pianiste classique, ça aide à tracer sa route.

Sauf qu’en l’occurrence, la jeune pianiste imérienne a rapidement bifurqué. Exit le classique, elle choisit la voie du jazz. Et fonce: à 19 ans, elle forme son premier trio. A 23, son master «performance» en poche, elle sort son premier CD. Associée au contrebassiste Lukas Traxel et au batteur Martin Perret, elle propose neuf titres. Neuf compositions personnelles, fruit de quatre ans de travail, enregistrées en janvier dernier à Stalden (LU), «dans un grand studio en pleine campagne».

Travail d’équipe

Composer. Jouer. Les deux démarches sont indissociables aux yeux de Marie Krüttli. Car la musique écrite sert d’abord à «donner un contour à l’improvisation», part essentielle du jazz. Pour son trio, elle écrit la partition de piano et, en partie, celle de la contrebasse. «Ensuite, c’est un vrai travail d’équipe. Comme notre musique est (elle hésite sur le qualificatif) ...compliquée, il nous faut souvent du temps pour trouver des espaces de liberté.» Trois des morceaux figurant sur le CD datent des débuts de son trio, en 2010. «Ces anciens morceaux, plus on les joue, plus on peut aller loin dans l’interprétation. Mais c’est toujours un défi de créer quelque chose de frais avec une pièce déjà jouée 150 fois!», rigole-t-elle en sirotant son thé aux fruits.

Musique compliquée, disait-elle? ça mérite explications: «Je pense d’abord que c’est une musique très vivante. Expérience faite, je me rends compte que les gens sont très réceptifs aux valeurs qu’elle dégage, à son énergie et à sa poésie. Je dirais qu’elle est très accessible aux gens ouverts...» Et de citer le public des Langnau Jazz Nights, cet été, «très réceptif et à l’écoute»: «C’était comme un moment magique», glisse-t-elle.

New York, New York...

Inspirée par des pianistes à peine plus âgés qu’elle, comme Tigran Hamasyan, «qui mêle la musique traditionnelle arménienne au jazz, pour créer ses propres compositions», Aaron Parks, Gerald Clayton, ou, côté suisse, Colin Vallon ou Christoph Stiefel, qui a été son professeur à la Haute Ecole de musique de Lucerne, Marie Krüttli s’apprête à «vendre» son CD, verni mi-octobre à Bienne. Elle a déjà inscrit deux dates à son agenda, le 9 novembre à Pully et le 11 décembre à Neuchâtel. Suivront deux concerts en solo, ses deux premiers début 2015 à Moutier, puis à Saignelégier.

Il sera alors temps de penser au grand projet qui la titille depuis pas mal de temps. Se frotter à ce qui se fait de mieux en jazz, à New York. Passage incontournable. Dans l’intervalle, elle accumule les petits boulots, quelques élèves à Neuchâtel, deux jours par semaine à servir dans une pâtisserie-salon de thé à Bienne. «C’est un choix, je n’ai pas fait un master en pédagogie pour me concentrer sur mon instrument. Et puis j’ai envie d’écrire de nouvelles choses; je sens que c’est le moment.»

En attendant, «Kartapousse» commence de prendre son envol. A propos, Kartapousse, qu’est-ce que c’est? «Après avoir écrit ce morceau, j’ai réfléchi à quoi ça me faisait penser. Et là, j’ai trouvé que ça évoquait une sorte de créature des forêts.»

Toujours, chez elle, ce côté intuitif. Au clavier comme sur la partition.

A savoir

En concert Le Marie Krüttli Trio jouera deux fois en Suisse romande ces prochaines semaines: le 9 novembre à Pully, (La Voirie) et le 11 décembre à Neuchâtel (théâtre du Pommier).
En concert (bis) Marie Krüttli se produira seule au piano lors de deux concerts le 17 janvier 2015 à la cave Saint-Germain, à Moutier, et le 24 janvier au café du Soleil à Saignelégier.
Site internet En savoir plus sur la jeune artiste de Saint-Imier ou écouter des extraits de son CD? Elle dispose de son propre site, mariekruttli.tumblr.com. On peut aussi y commander le CD, en lui écrivant un mail, via la page «contacts».