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Moutier: prévention

Non-violence, la boussole du 21e siècle

Le groupe corse I Muvrini se produira le 4 juin à Moutier. En marge de l’événement, son leader Jean-François Bernardini a fait un passage dans la cité prévôtoise hier pour délivrer un message de non-violence à une centaine d’élèves

Jean-François Bernardini a transmis son message de non-violence à plus d’une centaine d’élèves de Moutier lundi. Stéphane Gerber

Propos recueillis par Catherine Bürki

Aborder le thème délicat de la violence, et plus précisément de la non-violence. C’est ce qui a été proposé hier aux élèves prévôtois de 11e et 12e année Harmos. Ces derniers ont eu l’occasion d’assister, à l‘Aula de Chantemerle, à une conférence animée par un orateur de marque. A savoir le Corse Jean-François Bernardini, leader du groupe IMuvrini et président de la Fondation AFCUmani, qui milite notamment pour la résolution pacifique des conflits.

Organisée par la Municipalité en marge du concert d’IMuvrini prévu le 4juin dans le cadre de l’inauguration des nouvelles installations de la piscine de Moutier, la rencontre d’hier a permis aux jeunes Prévôtois de découvrir le message de paix d’un homme engagé, témoin d’une violence longtemps omniprésente sur sa terre natale. Rencontre.

Jean-François Bernardini, vous parcourrez la France, la Belgique ou encore la Suisse pour prôner la non-violence. Finalement, à quoi correspond ce principe?
La non-violence est une boussole pour apprendre à construire un monde plus juste. Un outil qui permet de régler les conflits, de gagner des batailles sans faire de mal aux autres.
Dans notre société actuelle, la violence est omniprésente. A la télé, dans les jeux vidéo, dans la fessée qu’une mère donne à son enfant: elle est partout et on la sacralise. Depuis tout petit, on nous apprend ainsi qu’il n’y a que deux réponses pour régler le conflit. On peut soit user de la force et gagner soit être lâche et s’incliner. La violence et l’égoïsme deviennent ainsi souvent des réflexes.
Pourtant, c’est tout faux, nous ne sommes pas condamnés à faire ce choix. Il n’y a pas que le blanc ou le noir. Contrairement à ce que beaucoup disent, l’être humain n’est pas programmé pour être violent. La preuve est que lorsque quelqu’un assiste à une scène violente, son cœur s’accélère , la peur s’installe car il n’est pas fait pour ça.
Pour que le monde soit plus juste, il faut aujourd’hui sortir de ce réflexe de violence créé de toutes pièces et réapprendre à régler l’injustice par les bons moyens, sans causer souffrance et douleurs. C’est ça, la non-violence.

Quelles solutions concrètes préconisent la non-violence?
L’idée est de ne pas se laisser aveugler par sa colère. On a bien sûr le droit de s’insurger, d’être fâché, en conflit. Mais au lieu de se laisser emporter, il faut réfléchir, trouver d’autres moyens plus nobles de réagir.
En faisant preuve d’intelligence, d’empathie et d’écoute, on parvient déjà à régler bien des problèmes.

On comprend la pertinence d’une telle philosophie en Corse, une île où les démonstrations de violence ont été et sont encore nombreuses. Mais peut-elle trouver un écho en Suisse, dans une petite ville comme Moutier?
Evidemment. Il n’y a pas que la violence purement physique qui existe. Un mot peut faire bien plus mal qu’un coup de poing. L’exclusion, le harcèlement via les réseaux sociaux, le sexisme sont toutes sorte de violences qui peuvent causer la souffrance, n’importe où dans le monde.

La non-violence n’est-elle pas utopique? Peut-elle réellement être une réponse face à des conflits mondiaux, tels que le terrorisme par exemple?
Bien sûr. Mais pour ce faire il faut éduquer. Notre société est mal équipée pour réagir aux conflits et s’enferme de cette spirale de la violence. Il faut changer les mentalités. Si chacun s’y met, les choses peuvent évoluer. En se rassemblant, le peuple peut avoir une véritable force, se dresser contre l’injustice sans pour autant faire de morts.
Il est clair que cela prendra du temps, qu’il faudra avancer pas à pas. Mais je suis persuadé que la non-violence est la philosophie, la boussole du 21e siècle qui permettra de combattre le chaos de notre monde.

Vous le dites, changer les mentalités prend du temps. Par où faut-il commencer?
La non-violence s’apprend, mais il faut l’ensemencer. Avec la Fondation Umani, nous essayons de l’enseigner au plus grand nombre par des conférences dans les écoles ou encore des formations pour adultes. Il s’agit de réapprendre l’empathie, la maîtrise de ses émotions, savoir être lucide et ne pas se laisser influencer par des mensonges qui engendrent haine et exclusion. Savoir écouter, respecter et réfléchir pour trouver la bonne réponse à donner à la colère et au conflit.
Je suis confiant, les choses avancent gentiment. En Corse, nous avons déjà initié 12000 personnes. Le club de foot de l’ASSaint-Etienne nous a par ailleurs demandé de former ses jeunes joueurs à la non-violence. C’est magnifique de voir le regard des gens s’illuminer lorsqu’on leur dit que la violence n’est pas une réponse obligatoire. Je suis persuadé que d’ici peu, on enseignera la gestion de conflit sans violence dans les écoles.

Comment en êtes-vous arrivé à vous mobiliser pour la non-violence?
Tout d’abord parce que j’ai grandi dans un petit village de 80 habitants, au nord de la Corse. Là-bas, l’empathie et l’échange sont des valeurs centrales. On nous apprend à ne pas faire aux autres ce que l’on n’aimerait pas qu’on nous fasse. Venant de Corse, j’ai par ailleurs été témoin non seulement des violences subies par mon pays, mais aussi de la contre violence commise en réponse à ces attaques. Tout cela m’a sensibilisé.

En tant que membre du groupe IMuvrini, vous chantez la non-violence. La musique est-elle un bon moyen de transmettre votre message?
Je pense que oui. La musique est un médiateur incroyable. Grâce à elle, nous pouvons mettre la non-violence sur la place publique, insuffler ce beau message.

Bernardini et la Fondation Umani

Fondateur et leader du groupe phare de musique corse IMuvrini, Jean-François Bernardini chante la paix depuis de nombreuses années. En parallèle de son travail d’auteur-compositeur-chanteur, ce Corse pure souche, issu d’une humble famille établie dans le nord de l’île, est également très actif au sein de la Fondation AFC Umani, dont il est d’ailleurs le président.

Cette dernière a pour mission d’agir pour le bien commun sur l‘Ile de Beauté et le continent. Depuis six ans maintenant, elle s’emploie notamment à développer un programme intitulé «Devenons artisans de la non-violence». C’est par le biais de ce dernier que Jean-François Bernardini parcourt la Corse, le continent français mais aussi la Belgique et la Suisse pour sensibiliser la population et l’initier à la gestion pacifique des conflits. Grâce à l’action d’Umani, 12000 personnes ont déjà été initiées enCorse. Pour sa part, Jean-François Bernardini a donné plus de 150 conférences dans des écoles de différents pays, touchant ainsi des milliers de jeunes.

Un message de paix très bien accueilli par les élèves prévôtois

En images  Ils étaient plus de cent élèves prévôtois de 11H et 12H (année de préparation professionnelle) à être venus écouter l’appel à la non-violence lancé hier à Moutier par Jean-François Bernardini. «Je ne veux pas vous faire la morale, mais juste partager quelque chose qui me tient à cœur», a d’emblée dit le chanteur.

  Afin que son message de paix soit bien compris du jeune public, il a alors usé de nombreuses métaphores et témoignages. «Notre cerveau est comme un ordinateur qu’il nous appartient de programmer. Il est extrêmement puissant mais si on ne veille pas à s’en occuper tous les jours, il peut attraper des virus», a-t-il imagé, mettant ainsi notamment en garde le public contre les préjugés, les étiquettes et toutes les généralisations qui engendrent racisme, sexisme et autres violences.

A titre d’exemple, il a par ailleurs cité le cas de cette mère américaine qui a choisi d’adopter le jeune homme désœuvré de 13 ans qui a tué son fils. «En le recueillant et en l’éduquant une fois sa peine de prison purgée, elle a ainsi en quelque sorte tué celui qui a assassiné son fils. La flexibilité de notre cerveau nous permet d’élaborer des réponses de ce style pour régler un conflit, se débarrasser d’une haine qui nous ronge sans faire de mal. Cette histoire est un sommet de la non-violence!»

Jean-François Bernardini a eu droit à toute l’attention du public lundi. Stéphane Gerber

Public conquis  Disposant d’une éloquence indéniable, Jean-François Bernardini est parvenu à captiver son public. «Les exemples qu’il utilisait étaient très parlants», confiait ainsi le jeune Dany au terme de la conférence. «Ses solutions pour régler les conflits sont intéressantes. Je pourrais en appliquer certaines», relevait pour sa part Ana-Filipa. Soulignons que de nombreux professeurs et représentants de la Municipalité ont également pris part à la conférence.

Violence psychologique Directeur de l’école secondaire de Moutier, Pierre-Yves Monnin soulignait, hier, la pertinence d’organiser une telle conférence. «La prévention de la violence, comme celle des dangers de l’alcool ou de la drogue, fait partie du mandat éducatif des établissements scolaires.»
  Actuellement, le directeur indique ne pas noter de gros problème de violence physique dans le cadre de son école. «Les bagarres qui étaient relativement fréquentes il y a 20 ans sont aujourd’hui rares.» Une autre forme de brutalité se serait toutefois développée ces dernières années. A savoir la violence psychologique.

«Nous avons eu affaire à quelques cas de harcèlement via les réseaux sociaux. Face à de telles pratiques, les jeunes se retrouvent seuls, fragilisés», constate le directeur de l’école secondaire de Moutier. De quoi, donc, amplement légitimer l’action de prévention d’hier.

 

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