Vous êtes ici

Abo

CLOCLO ★★

Le parfait clo-clone électrique

Jérémie Renier ressuscite Claude François et on y croit!

Jérémie Renier se coule dans la peau de Claude François avec une aisance et des dons de mimétisme qui laissent bouche bée. LDD

Patrick Baume

Des succès comme «La môme» et «Gainsbourg», évidemment, ça donne des idées. Faire un «Cloclo» est une excellente idée, d’ailleurs, quand il existe sur le marché un acteur aussi ressemblant que Jérémie Renier. Et tout ce qu’on dit du comédien belge, aujourd’hui, est vrai: à l’écran, il se coule dans la peau de Claude François avec une aisance et des dons de mimétisme qui laissent bouche bée.

Voici donc la vie, la carrière, l’œuvre et la mort de Cloclo. De sa jeunesse idyllique à Alexandrie jusqu’à sa disparition, à l’âge de 39 ans, en passant par son douloureux départ avec sa famille vers la France et par sa rageuse conquête des hit-parades. Ce destin hors du commun, le réalisateur Florent-Emilio Siri l’illustre avec ampleur et classicisme. Avec une belle franchise, aussi. Ben oui, il faut le dire, ce chanteur mériterait des claques. Perfectionniste jusqu’à la maniaquerie, impatient, narcissique, jaloux, égoïste, paranoïaque, caractériel, ce tyran ne fait pas de quartier. Il peut se montrer traumatisant aussi bien envers sa fiancée – pauvre France Gall! – que plus tard envers son fils, dont il faut cacher l’existence à ses hordes de groupies. Et comme patron, merci! Il est du genre, en plein concert, à se retourner d’une pirouette vers un musicien coupable d’une fausse note pour lui annoncer qu’il est viré. La foule en délire n’a rien vu, la chanson continue.

Au secours! Ce blondinet bizarre vit en permanence au bord de la folie. On ne lui dit pas bravo. En même temps, comment ne pas applaudir le musicien traversé d’éclairs? Car voici aussi l’athlète de la scène, le chanteur à paillettes qui a un sens inné du tube, la pile électrique toujours en avance d’une trouvaille – bonjour les Claudettes! – et bien sûr le créateur initial de «My Way», la plus grande chanson du monde.

Brillant, précis, kitsch, inégal, efficace, le film se révèle entraînant comme une chanson populaire. Seule chose qu’on peut lui reprocher, outre ses quelques longueurs, c’est de rester dans l’ensemble bien lisse. De peur peut-être de heurter les fans, le réalisateur n’adopte pas de véritable point de vue et ne fait qu’effleurer ce qui aurait pu être son grand sujet: le désarroi d’un homme qui sent bien que la gloire à laquelle il a tout sacrifié est une ridicule chimère.

N’empêche, grâce à la frénésie avec laquelle il habite son rôle, Jérémie Renier réussit à emballer la machine. La nostalgie lui donne un coup de main, au passage, et finit par envelopper toutes ces belles images. Il n’y a pas à tortiller, c’est du beau travail. On marche. Même qu’on rit quand Benoît Magimel apparaît sous les traits (?) de Paul Lederman, le manager de Cloclo. L’acteur est aussi grotesque que son déguisement. Ici, c’est pourtant le tragique qui domine. Jusqu’à ce jour de mars 1978, où il frappe Claude François dans sa salle de bains. Et où une applique a court-circuité ses obsessions, ses ambitions, ses naïvetés, sa folle course contre la montre. La vie est trop bête.

Mots clés: Cloclo, critique, FFFH

Articles correspondant: Cinéma »