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A COEUR OUVERT ★★

Vie et mort d’une passion dévorante

Tous les deux sont chirurgiens et s’aiment terriblement. Une passion immense, palpitante mais trop dévorante.

Opération à quatre mains.

Eugenio d’Alessio

Saisissant portrait d’un couple fusionnel atomisé par un tragique destin, «A cœur ouvert», le deuxième long-métrage de Marion Laine, déborde de violence émotionnelle et visuelle. Dans un univers qui rappelle les films coups de poing de Zulawski par ses excès, ses explosions de folie, sa narration volcanique et son jeu d’acteurs aux confins de l’hystérie, cette œuvre décrit avec un réalisme poignant la descente aux enfers de deux chirurgiens cardiologues, Mila (Juliette Binoche) et Javier (Edgar Ramirez), lesquels opèrent en tandem dans un hôpital marseillais.

Uni depuis dix ans, le couple s’enivre d’hédonisme fiévreux et de plaisirs orgiaques, multipliant avec une régularité de métronome les parties de jambes en l’air, les soirées avinées, les virées à moto et les escapades nocturnes en barque dans les parcs publics. «On mange trop, on boit trop, on baise trop», soupire avec lucidité Mila. Cette vie d’excès et d’insouciance fait constamment cheminer les époux au bord du précipice. Deux événements imprévus vont signer l’arrêt de mort de leur romance en mettant au jour la fragilité intrinsèque de cette relation: ravagé par l’alcool, le brillant chirurgien Javier est suspendu de ses fonctions, alors que Mila apprend qu’elle est enceinte.

Comme un destin funeste, le couple part en vrille, la passion s’évapore. Javier sombre dans la paranoïa. Assumant mal sa grossesse, détruite par l’alcoolisme de son mari, Mila s’enfonce dans la dépression avec, pour seul refuge, les délires oniriques. Marion Laine filme ce drame humain avec la précision de l’entomologiste, tout en évitant les pièges de la complaisance et du voyeurisme.

Si le scénario pèche parfois par des prurits de paresse, si certaines scènes lassent par leur redondance et leur manque d’imagination – on pense au numéro de l’ivrogne aux grimaces simiesques et aux cris de désespoir de l’épouse éplorée –, «A cœur ouvert» parvient à maintenir de bout en bout une belle intensité dramatique et émotionnelle. L’excellente prestation de Juliette Binoche, égale à elle-même, et du Vénézuélien Edgar Ramirez – le duo joue tout en finesse et sans grandiloquence –, contribue à la bonne tenue de cette œuvre attachante.

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