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Hockey sur glace

Bien loin des caramels de la maison familiale

Défenseur du HC Bienne, Noah Delémont traverse l’Atlantique ce vendredi pour rejoindre le Titan d’Acadie-Brunswick. Au Canada, l’Orvinois de 17 ans cherchera à s’illustrer en vue du repêchage 2020 de NHL.

Sa valise bouclée, Noah Delémont s’apprête à vivre une étape importante dans sa jeune carrière (Copyright Aimé Ehi / Le Journal du Jura)

Christian Kobi

En ce lundi après-midi pluvieux, la maison des Delémont, située à l’entrée d’Orvin, baigne dans la douceur. En bas, la maman Geeta s’attelle à la confection de savoureux – mais ça, on ne le saura que plus tard – caramels. En haut, le papa Yan, professeur d’éducation physique au Gymnase français, prépare «sa» rentrée. Ici, tout ne semble que calme et harmonie, et ce n’est pas l’arrivée de trois représentants des médias locaux qui bouleverse ce parfait équilibre. «Cet esprit de famille, c’est ce qui va le plus me manquer. C’est vrai qu’on est très famille, que ce soit avec la famille proche, les frères et sœurs, les oncles, les cousins, on est assez souvent ensemble», déclare Noah, 17 ans.

Vendredi matin, peu avant le départ fixé à 6h55, l’adolescent embarquera, seul, dans l’avion qui l’emmènera de Zurich à Montréal. Le début de la grande aventure pour celui qui a été repêché en troisième position de la dernière draft de la Canadien Hockey League par le Titan d’Acadie-Bathrust, club du Nouveau-Brunswick s’ébattant en Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), l’une des trois ligues de formation de l’élite des hockeyeurs canadiens. Le début d’une nouvelle vie, aussi. A Bathrust, Noah Delémont logera dans une famille qui accueille depuis 14 ans des joueurs venus du monde entier. «On a pris contact il y a deux semaines. Je sais chez qui je vais, ça m’a l’air d’être des bonnes personnes», lance-t-il, visiblement rassuré.

Une signature dans le salon
Une première prise de contact à distance. Car jusqu’à présent, le désormais ex-défenseur des juniors-élites du HC Bienne n’a encore jamais mis les pieds sur son futur lieu de travail. La signature de son contrat d’une année, à la mi-juillet, où on le voit avec le maillot et une casquette de son nouveau club, s’est faite depuis… le salon de la maison familiale à Orvin. Mais le flirt avait commencé bien avant, un mois avant le repêchage de fin juin. «Le Titan est le premier club à m’avoir contacté, via son manager général Sylvain Couturier. Le projet qu’il m’a présenté m’a tout de suite plu, j’ai senti que le club avait vraiment envie de travailler avec un jeune comme moi», lâche-t-il.

C’est que la franchise est en pleine reconstruction. Victorieuse de la Coupe Mémorial il y a deux ans, elle a fini à la dernière place de la LHJMQ la saison dernière, avec seulement huit victoires et 68 matches. Son objectif? Remonter progressivement la pente en travaillant avec des jeunes pour pouvoir à nouveau lutter pour le titre d’ici deux à trois ans. «C’est une bonne chose pour moi, car je vais recevoir pas mal de responsabilités», se réjouit l’arrière à vocation offensive, qui se verrait passer au moins deux saisons en Amérique du Nord. «C’est l’idée, mais je sais que pour cela mes performances devront suivre. Sinon, ils n’hésiteront pas à me remercier avant l’heure.» 

Gilian Kohler, revenu prématurément de son aventure à Kootenay Ice (WHL) l’automne dernier et auprès de qui il s’est renseigné, en sait quelque chose. Tout comme Valentin Nussbaumer, qui a vécu une adaptation sportive difficile avant de relever la tête en deuxième partie de saison dernière avec les Cataractes  de Shawinigan (LHJMQ). Le Jurassien l’a mis en garde. «Il m’a dit qu’il allait falloir être fort mentalement, qu’il y aurait des moments difficiles où j’allais me demander ce que j’étais venu faire là et que, pour cette raison, il fallait que je sois certain de vouloir partir», raconte l’Orvinois.

Sortir de sa zone de confort
Ça tombe bien: Noah Delémont est sûr de son choix. Pour son développement personnel et celui de son hockey, il sait que le Canada est le meilleur endroit. «C’est bien pour moi de sortir de la zone de confort dans laquelle je suis à Bienne. Au Canada, je devrai me surpasser à chaque match, il y aura de nombreux de scouts, du public. Je vais aussi devoir apprendre l’anglais et là, il y a du travail...»

A distance, la famille suivra ça de près. Elle a déjà prévu de lui rendre visite en octobre, pendant les vacances. Avec quelques caramels en poche?


De la proposition de Hnat Domenichelli à l’influente agence de Pat Brisson
Quand un agent de joueurs devient directeur sportif d’un club, comme c’est le cas de Hnat Domenichelli à Lugano, les raccourcis peuvent être faciles à établir. Tellement faciles. Trop faciles? «Quand Hnat s’est engagé avec Lugano (réd: fin mai), il m’a tout de suite écrit pour me prévenir qu’il ne pourrait plus assurer son rôle d’agent. La seule chose qu’il pouvait encore faire pour moi, c’était me proposer de le suivre au Tessin. Mais cette proposition, c’était plus de la rigolade qu’autre chose, il savait que je voulais partir jouer en Amérique du Nord», s’amuse Noah Delémont. De la simple rigolade, vraiment? Pas tant que ça. Dans les faits, il aurait plutôt été question d’une proposition orale pour un engagement de longue durée, avec un passage obligé par le club ferme des Ticino Rockets. 

Mais dans la famille, la perspective de jouer dans le bas du classement en Swiss League, devant quelques dizaines de pelés à Biasca, n’a emballé personne. D’autant que le HCBienne, dans l’esprit de Noah Delémont, gardera toujours une longueur d’avance en cas de retour en Suisse. Et ce même si plus rien ne le lie désormais contractuellement au club seelandais. «Mais il y a toujours le lien affectif. C’est le club où j’ai toujours joué, la région où j’ai grandi. Mon objectif reste de jouer un jour pour le HC Bienne en National League.» C’est noté ici, noir sur blanc.

Aux côtés de Patrick Kane
Car son plan de carrière, dans sa tête, le défenseur de 17 ans l’a déjà minutieusement établi. Il détaille: «Mon rêve, c’est la NHL! Mais le chemin pour y parvenir est encore long, et très dur, et il est illusoire pour moi d’espérer y jouer à 19ans. Mon idée est donc de faire quelques années en ligue junior canadienne, puis de revenir en Suisse, si possible en National League, pour perfectionner mon jeu contre des adultes. Et vers 22-23ans, si l’opportunité se présente, je me verrais bien tenter ma chance en NHL, même s’il me faut pour cela passer par la AHL.»
 
Pour passer du rêve à la réalité, des paroles aux actes, Noah Delémont a décidé de s’entourer de ce qui se fait de mieux outre-Atlantique. Il y a quelques semaines, il a rejoint la célèbre agence CAASports de Pat Brisson, l’un des agents les plus influents en Amérique du Nord. Dans son portefeuille, le Québécois gère près d’un milliard de dollars en valeur de contrat et compte parmi ses clients Sidney Crosby (entente totale de 104,4 millions de dollars), l’ex-Biennois Patrick Kane et Jonathan Toews (84 millions chacun), Anze Kopitar (80 millions) et John Tavares (77 millions). Rien que ça!

«J’ai pu entrer en contact avec cette agence via Théo Rochette, qui en fait aussi partie et qui est un ami proche. C’est une grosse cylindrée, qui connaît parfaitement les subtilités du marché nord-américain. Je pense être assez bien représenté», lance l’Orvinois, qui se verrait bien marcher sur les traces de l’une de ses idoles, le défenseur de l’Avalanche du Colorado Samuel Girard. «Il a le même style de jeu que moi, basé sur l’offensive, et n’est pas très grand non plus. Récemment, il vient de signer un nouveau contrat de sept ans à cinq millions de dollars par année. Ça serait pas mal si je pouvais l’imiter, non?» Chez les Delémont, c’est sûr, personne ne s’en plaindrait.
 

Une décision prise après mûre réflexion
Continuer une saison en juniors-élites? Forcer les portes de la National League? Faire ses gammes en Swiss League? Noah Delémont a pesé le pour et le contre de toutes ces options. «Le pire aurait été de devoir faire une saison complète en juniors-élites A, un championnat où ne jouent plus les 60meilleurs juniors du pays. J’aurai pu m’entraîner avec la première équipe du HCBienne et avoir ma chance en deuxième partie de saison, mais pour combien de shifts? Et jouer en Swiss League posait problème avec le gymnase.» Alors, l’Orvinois a opté pour le haut niveau junior canadien, estimant son hockey pas encore à maturité pour affronter des adultes. Et dans son cursus, cette année sera considérée comme un séjour linguistique. Au programme? Trois heures d’anglais par jour. Let’s go!

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