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Hockey sur glace

Deux cultures de gestion antagonistes

Après avoir participé aux play-off, le HC Ambri-Piotta peine à assumer ses salaires alors que le HC Bienne, en bon gestionnaire, est condamné à sauver sa place en LNA dans le barrage contre la relégation.

Le bouillant public de la Valascia est régulièrement sollicité pour garnir les caisses du HC Ambri-Piotta. (Keystone)

Laurent Kleisl

C’est une question de politique d’entreprise. Au HC Bienne, un franc est un franc. Le déficit structurel, estimé à 300 000 fr. par saison, est épongé année après année par les membres du conseil d’administration et leurs amis. A Ambri-Piotta, la valeur de l’argent est une notion très relative. Résultat: dès ce soir, les Seelandais et leurs 9 millions de budget lutteront pour leur place en LNA alors que les Léventins et leur enveloppe de 13 millions ont participé aux play-off.

Il y a quelques jours, les salariés du HC Ambri-Piotta ont été informés par email de l’état des finances de leur employeur. «(...) Le club affronte à nouveau des problèmes de liquidités» , écrivait le président léventin Filippo Lombardi. «Le conseil d’administration travaille pour remplir, comme toujours par le passé, ses obligations vis-à-vis des joueurs, du personnel et autres créanciers. (...) J’ai le regret de vous annoncer que le versement des salaires de mars et d’avril sera repoussé de quelques semaines.»

1,7 million de déficit

Selon nos renseignements, les rémunérations de mars ont été réglées ce mardi. Mais les joueurs «biancoblu» tremblent déjà pour les appointements d’avril et les primes de performances, qui prennent forcément l’ascenseur après une participation aux playoff. Pour l’exemple: ses primes 2012/13, le défenseur québécois Maxim Noreau ne les a perçues qu’en novembre dernier. Mieux vaut tard que jamais.

Depuis 2009 et le retrait partiel d’un important bailleur de fonds, le club de la Valascia essuie un déficit structurel d’environ 1,7 million par saison. «Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs, mais nous nous attendons encore à une perte de cet ordre», admet Alain Vetterli, manager du HCAP. Pour l’éponger, une augmentation du capital-actions de 2,5 millions a été validée en septembre. «Dans les faits, cette augmentation devrait nous amener 5 millions», précise le CEO léventin. C’est que pour un franc déboursé, l’investisseur en versera deux. «Ce capital n’est cette fois pas ouvert au public. Nous voulons intéresser des personnes susceptibles d’investir dans le club sur le long terme. On ne peut pas toujours demander aux fans d’éponger notre déficit.»

Année après année, c’est avec de régulières augmentations du capital-actions et des appels aux dons que le HCAP trouve le moyen de s’en sortir. «Si on travaillait de cette façon au HC Bienne, je ne serais pas la bonne personne pour ce job!» , lâche le manager seelandais Daniel Villard. «Chez nous, une telle gestion serait impossible, car les fans ne nous donneraient jamais un million pour combler un trou. Mais Ambri-Piotta est toujours là et trouve toujours des solutions. Quand un joueur signe là-bas, il sait ce qui peut arriver.»

Petit problème de matériel

Les récurrents problèmes de liquidités des Léventins produisent des effets collatéraux. Faisant face à une pile de factures impayées, Interhockey a décidé en plein championnat de cesser la livraison de matériel aux «biancoblu». Un renoncement non sans conséquences. Le 12 novembre, alors qu’Ambri-Piotta se déplace aux Vernets, les Tessinois se sont retrouvés en rupture de scotch, outil notamment indispensable à la préparation des cannes. Ancien défenseur de Genève-Servette, Marc Gautschi s’est alors approché de Jimmy Omer, chef matériel des Aigles, afin de quémander quelques rouleaux. C’est avec de l’adhésif genevois que les Léventins se sont inclinés 3-4 aux tirs au but.

Entre Bienne et Ambri, deux cultures de gestion réellement antagonistes. «Nous connaissons presque en permanence l’état des postes les plus importants comme les dépenses ou les liquidités» , souligne Villard. «Chaque club gère ses finances comme il l’entend. Les Léventins ont une autre philosophie que la nôtre. Et cette saison, elle les a menés en play-off. Et ça, ça m’énerve!»

«Un club spécial»

Et le fair-play financier? Un mirage. «Disons que Bienne a une gestion un peu plus suisse allemande et nous une gestion un peu plus latine» , sourit Vetterli. «Je ne pense pas que cela soit une question de fair-play. Ambri est le dernier club de montagne en LNA. Avec la Coupe Spengler et le standing de la station, on ne peut pas placer Davos dans cette catégorie. Notre village compte 500 habitants et nous n’avons pas de mécènes derrière nous», dit-il en oubliant le richissime Egyptien Samih Sawiris. «Je ne cherche pas d’excuses, mais Ambri-Piotta est un club spécial, qui a besoin de ses fantastiques supporters.»

Et malgré des finances précaires, les Tessinois mettent le paquet pour séduire des hockeyeurs. «Je peux comprendre qu’ils soient obligés de payer un peu plus pour convaincre des joueurs d’aller là-bas», concède Villard. «Mais certaines fois, quand j’entends les salaires qu’ils offrent à des hockeyeurs de seconde zone, je ne comprends pas.» Pour débaucher Marc Grieder, défenseur du HC Bienne entre 2011 et 2013, les Léventins sont allés jusqu’à doubler la proposition de prolongation formulée par les Seelandais. Véridique!

Bienne est en barrage, AmbriPiotta en vacances. Faillite sportive ou faillite économique? Un choix philosophique que les Seelandais auront tout loisir de ruminer face à Viège.

 

La mort programmée de la Valascia

Ils n’ont plus le choix, les Léventins. D’ici à 2018, ils devront avoir quitté la mythique Valascia. Aux pieds des montagnes, la vétuste patinoire où sévit le HC Ambri-Piotta est sujette aux dangers d’avalanches. «La Confédération, le canton et la Ligue nous demandent d’aller de l’autre côté de la vallée», explique Alain Vetterli. Le projet existe concrètement. Ne reste plus qu’à dénicher les 35 millions nécessaires à sa réalisation. «Comme nous sommes obligés de partir, la Confédération et le canton vont nous aider à financer en partie notre nouvelle patinoire.» Question infrastructures, le HC Bienne a au moins un coup d’avance sur les «biancoblu». Maigre consolation.

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