Vous êtes ici

Abo

Arc jurassien

«Pas un métier, mais une passion!»

La Journée des décolleteurs et des tailleurs de Suisse s’est tenue hier au CIPà Tramelan. Les 120 participants ont pu vibrer aux exploits de l’ex-pilote de F1 René Arnoux.

René Arnoux, lors de sa visite du Centre technique du décolletage CIP-CTDT, avant son exposé devant un parterre de quelque 120 participants. Stéphane Gerber

Philippe Oudot

Les professionnels de mécanique sont aussi souvent des passionnés de course automobile. Hier en tout cas, le petit monde des décolleteurs s’est pressé en nombre au CIPpour venir voir et écouter René Arnoux. L’ancien champion de Formule 1, qui était l’hôte de l’Association des fabricants de décolletage et de taillage (AFDT) à l’occasion de sa Journée annuelle, les a fait vibrer au rythme de ses exploits durant près de deux heures.

C’est que l’homme fait un peu partie des leurs. Avant de hanter les circuits automobiles, «j’ai suivi une école technique où j’ai appris le fraisage, le tournage et la rectification. Depuis, j’ai toujours grand plaisir à voir des pièces usinées comme vous le faites». Et aujourd’hui, René Arnoux est toujours dans le domaine puisqu’il est un des partenaires financiers du groupe Acrotec. Basé dans la vallée de Joux, ce groupe chapeaute plusieurs sociétés qui conçoivent et fabriquent des produits destinés à l’industrie horlogère (antichocs, ressorts, tambours de barillet, roues, pignons, etc.). Mais le groupe travaille également dans le médical, la connectique, l’automobile et l’aéronautique.   

Une bataille épique

Au travers de plusieurs petits films consacrés au monde de la course ainsi qu’à ses propres exploits, René Arnoux a présenté son ancien métier: «En fait, plus qu’un métier, c’est surtout une passion!», s’est-il exclamé. C’est que l’homme a un solide palmarès: pilote de Formule 1 de 1978 à 1989, il a totalisé 162 courses, décroché 18 pole position, est monté 22 fois sur le podium, dont 7 sur la plus haute marche.

Il a par exemple fait découvrir le final du Grand Prix de Dijon de 1979, où lui-même et son pote Gilles Villeneuve se sont livrés une bataille extraordinaire  pour décrocher la seconde place. Un duel au cours duquel les deux pilotes, se dépassant à tour de rôle, se sont touchés à sept reprises. «En commentant cette folle fin de course, le spécialiste de la TSRJacques Deschenaux, en d’ailleurs avait perdu la voix pendant 15 jours!», a rigolé René Arnoux. Un duel tellement passionnant qu’il avait carrément éclipsé la victoire de son coéquipier français Jean-Pierre Jabouille. Et de rappeler qu’à cette époque, pas moins de sept pilotes tricolores couraient en F1.

Le rêve de tout pilote

L’orateur a aussi évoqué sa rencontre avec Enzo Ferrari qui, a fin juin 1982, l’avait convié dans le saint des saints, à Maranello, fief de la prestigieuse écurie. «J’y suis allé seul, sans avocat ni manager, pour profiter seul de ce moment avec celui qui m’a fait rêver depuis tout petit. J’étais très impressionné par l’homme aux lunettes noires, alors âgé de 83 ans. Il m’a mis à l’aise et nous avons mangé en tête à tête, parlant de tout et de rien avant d’aborder la question de mon engagement. Nous n’avons alors rien signé, mais sa poignée de main valait bien plus qu’une signature! Car Ferrari, c’est le rêve de tout pilote, c’est une écurie unique au monde.»

René Arnoux a évoqué le travail des 400 collaborateurs, qui fabriquent tout sur place de A à Z, pour qui toute pièce doit être toujours améliorée pour augmenter les performances. Et d’évoquer le dialogue constant entre les pilotes et le staff technique, indispensable pour gagner quelques fractions de seconde.  

Le cœur qui bat la chamade

Il a aussi présenté un document impressionnant, où on entend les pulsations du cœur du pilote, ainsi que sa respiration pendant la course. «Le rythme est très irrégulier. Il bat plus ou moins fort en fonction des difficultés. Plus lentement le long des bouts droits, même à plus de 300km/h, mais très fort lors des passages difficiles. AMonaco, il peut atteindre à 200 pulsations par minute! Quant à la respiration, j’ai découvert que j’étais par moments en apnée!»

René Arnoux a aussi évoqué les incessantes avancées techniques dans tous les domaines, des moteurs aux carburants en passant par les matériaux ou l’aérodynamisme. Les moteurs ont aujourd’hui environ 740 chevaux, soit presque la moitié moins qu’à son époque, mais sont tout aussi puissants grâce aux avancées technologiques.

Pour avoir eu le privilège de faire quelques tours de circuit à bord de la voiture de Michael Schumacher, il a aussi constaté que les machines étaient aujourd’hui d’un confort de conduite incomparable, ce qui permet aux pilotes d’être plus endurants et donc plus performants. «Amon époque, tout était très dur – freinage, accélération, et nous n’avions par exemple pas de direction assistée. Ala fin d’un Grand Prix, nous étions tous exténués.» Autre petit exemple: «Aujourd’hui, les pilotes ont des appuie-tête en mousse très souple. Nous en avions aussi, mais on ne pouvait pas les utiliser. Ils étaient en effet si durs qu’en appuyant la tête, les vibrations étaient telles qu’on ne voyait plus la piste!»


Priorité à la formation

Décolletage  La Suisse est un des centres mondiaux du décolletage, avec plus de 600 entreprises, dont la moitié dans l’Arc jurassien. Président de l’AFDT, Dominique Lauener a rappelé que la branche était confrontée à un sérieux problème de relève: ces 15 prochaines années, près d’un quart des décolleteurs et mécaniciens partiront à la retraite. «Pour défendre le Swiss made, nous devons tous former des collaborateurs dans notre branche», a-t-il plaidé. L’AFDTs’est engagée dans cette voie depuis de nombreuses années. D’abord, en participant à la création du Centre technique du décolletage CIP-CTDT,à Tramelan, en 1994, puis en s’associant en 2006 au centre de formation de l’entreprise Tavadec.

Elle a aussi établi un manuel de décolletage – véritable fil rouge pour les maîtres d’apprentissage – où sont présentés tous les exercices pratiques que doivent maîtriser les futurs professionnels. De concert avec la Convention patronale de l’industrie horlogère (CP), elle travaille à la remise en place d’un diplôme de tailleur, formation qui avait été abandonnée.

CAAJ à Moutier  L’an dernier, l’AFDTs’est aussi engagée pour la création du Centre d’apprentissage de l’Arc jurassien (CAAJ) à Moutier, sur le modèle de celui existant à La Chaux-de-Fonds. Sous la conduite d’enseignants spécialisés, les apprentis y apprennent les bases du métier entre 18 et 24 mois et rejoignent ensuite les ateliers de leur maître d’apprentissage où ils poursuivent leur formation jusqu’à l’obtention du CFC. «L’an dernier, nous avons accueilli 15 apprentis, et 14 cette année. Mais il nous en faudrait une bonne vingtaine pour que ça tourne», a indiqué Dominique Lauener. Il en a profité pour annoncer deux journées portes ouvertes, le 25 octobre à Moutier, et le 15 novembre à La Chaux-de-Fonds.

 

Articles correspondant: Région »