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Musée des Beaux-Arts de Berne

Entre art, folie et chocolat

Nouveau regard sur Wölfli.

Adécouvrir, entre autres, l’œuvre intitulée «Vusli=aana: Vulkan. Gross-Gross-Keiserinn Adolfina» (1920). (Adolf Wölfli-Stiftung, Kunstmuseum Bern)

Philippe Oudot

Depuis sa création en 1975, la Fondation Adolf Wölfli (voir «Wölfli en bref» ci-dessous) est hébergée par le Musée des Beaux-Arts de Berne. Cette fondation gère l’héritage de celui qui fut à la fois écrivain, poète, dessinateur et compositeur. Son œuvre est actuellement un des points forts du musée, à découvrir jusqu’en octobre.

En 2013, les héritiers de Paul Haldemann lui ont fait don du dessin «Vusli=aana: Vulcan. Gross-Gross-Keiserinn Adolfina». Paul Haldemann, fils du concierge de la clinique psychiatrique de la Waldau, connut Adolf Wölfli personnellement et acquit ce dessin auprès de lui en 1920. Il tint en 1924, au cours de sa formation d’instituteur, une conférence sur l’artiste et son art.

Accueilli avec enthousiasme

Ce sont cette conférence et ce dessin qui sont exposés pour la première fois. Dans sa conférence, Haldemann présente un aperçu de sa personnalité et de l’œuvre de Wölfli. Il y décrit sa rencontre avec l’artiste, commente trois de ses dessins et propose une autre vision des personnes qui séjournaient dans les établissements psychiatriques.

Haldemann ne fut certes pas le premier à s’intéresser à l’œuvre de Wölfli. Avant lui, Walter Morgenthaler consacra une étude pionnière sur le sujet, publiée en 1921 sous le titre «Ein Geisteskranker als Künstler (Un malade mental en tant qu’artiste)». Dans sa conférence, Haldemann cite cet ouvrage, qui connut un certain retentissement au début des années 1920.

S’il suscita plutôt le sourire amusé des milieux psychiatriques, il fut en revanche accueilli avec enthousiasme par les artistes et les intellectuels. Propriétaire, à Berne, de la fabrique de chocolat qui porte son nom, Theodor Tobler rendit aussi visite à Wölfli à la Waldau.

Dans l’édition présentée du journal d’entreprise «Jurnalo Tobler», celui-ci rendit compte de sa rencontre avec l’artiste dans un article intitulé «Kunst, Wahnsinn – Schokolade (Art, folie – chocolat)». Pour accompagner son article, il publia le dessin que Wölfli avait réalisé à son intention et où il avait notamment représenté la fabrique de chocolat.

Silence dû au fascisme

Tous ces comptes rendus, publications, expositions et conférences ont contribué au développement d’une nouvelle vision de l’art, de la psyché et de l’existence humaine en général. Mais ce développement fut freiné par la montée du fascisme, ce qui explique le silence qui se fit autour de l’œuvre de Wölfli après son décès en 1930.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’artiste français Jean Dubuffet donna une impulsion décisive au retour en grâce de l’artiste. S’appuyant sur son idée d’un «art brut», il réunit la collection la plus importante à ce jour d’œuvres produites par des artistes en marge de la société. Il en fit don en 1975 à la ville de Lausanne.

Les publications de Jean Dubuffet présentées dans le cadre de cette exposition montrent avec quel professionnalisme et quel sens du graphisme il a su défendre sa conception de l’art brut.

Sésame, ouvre-toi!

Autre expo L’immense collection de la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire, créée en 1980 par le mécène de Winterthur Bruno Stefanini, rassemble des œuvres représentant l’art suisse du 18e siècle à l’art moderne. Né en 1924, le mécène a réuni pendant plus d’un demi-siècle quelque 8000 œuvres d’art et objets, ce qui fait sans doute de sa collection la plus importante du genre. En 1980, celle-ci fut transférée à une fondation créée à cet effet. Si Bruno Stefanini montre une prédilection pour l’art suisse, du 18e siècle à l’art moderne, il s’est aussi passionné pour les objets qui reflètent la culture et l’histoire du pays.

Sélection Le Musée des Beaux-Arts présente une sélection de plus de 140 de ces œuvres, parmi lesquelles des peintures de Cuno Amiet, Albert Anker, Arnold Böcklin, Alexandre Calame, Johann Heinrich Füssli, Giovanni et Augusto Giacometti, Ferdinand Hodler, Giovanni Segantini et Félix Vallotton, ainsi que des objets historiques disséminés dans les salles de peinture, tels que le plus bel ensemble de cristaux de roche trouvé en Suisse et le costume d’amazone de Sissi, impératrice d’Autriche. L’expo «Sésame, ouvre-toi! Anker, Hodler, Segantini... Chefs-d’œuvre de la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire» est à découvrir jusqu’au 24 août.

Wölfli en Bref

Né à Berne en 1864, Adolf Wölfli est un artiste majeur d’art brut en Suisse. Abandonné par son père en 1873, orphelin deux ans plus tard, il est placé chez un paysan et devient valet de ferme. En 1890, il est condamné à deux ans de prison pour tentatives de viols sur des jeunes filles. Après une nouvelle tentative de viol en 1895, il est déclaré irresponsable et enfermé pour schizophrénie à l’asile d’aliénés de la Waldau, à Berne, où il va rester jusqu’à sa mort, en 1930. A la Waldau, il commence à dessiner, à écrire le récit de sa vie et à composer de la musique. Durant 30 ans, il va réaliser quelque 1300 dessins et 44 cahiers dans lesquels il expose ses théories aussi complexes que singulières.

 

 

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