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L’histoire leur tend les bras

Les Helvètes et leurs espoirs de quart de finale.

Les Suisses entendent faire mieux qu’en 2006 quand ils avaient été sortis en huitièmes de finale. (Keystone)

Stéphane Fournier

Tout à gagner. Les joueurs de l’équipe de Suisse répètent ces trois mots depuis la qualification pour les huitièmes de finale acquise contre le Honduras. Ils se promettent un rendez-vous avec l’histoire qu’ils préparent depuis six jours. Le délai n’est pas de trop. Entre la courtisée et les prétendants se dresse l’Argentine. Celle de Messi, Di Maria, Higuain ou Mascherano.  Ces noms prestigieux n’affolent pas Valon Behrami. «Ce match peut nous permettre d’écrire un chapitre unique pour l’équipe de Suisse. Une victoire changera tout pour notre génération.»

Une journée parfaite

Le Tessinois d’adoption joue la franchise pour séduire la promise. «Une défaite à ce stade nous placerait au même niveau que lors du Mondial 2006. Ce qui ne nous donnerait aucune progression. Ce ne serait pas terrible.» Les Helvètes avaient quitté le Mondial allemand en pleurs après avoir maladroitement échoué face à l’Ukraine lors de l’épreuve des tirs au but. La dimension de l’obstacle ne se compare pas. «Nous avons battu le Brésil il y a dix mois. En amical peut-être, mais nous avons gagné. Inspirons-nous de cet événement. La possibilité de gagner existe toujours en football. Si nous vivons une journée parfaite et que celle des Argentins l’est moins, nous pouvons l’emporter.»

Les amoureux sévèrement éconduits par la France reprennent courage. «Cette claque nous a fait du bien. Nous avons même eu un peu peur de ne pas passer le premier tour», avoue Behrami. La boule au ventre ne se révèle pas toujours mauvaise conseillère. «Elle fait du bien parfois. Tous ces événements ont redonné de la force au groupe.» Eviter de se piquer les doigts sur les épines du bouquet de roses exigera plus que du courage. «On a voulu faire le jeu contre la France, c’était trop prétentieux pour nous.»

La confiance d’Hitzfeld

Behrami et Inler évolueront dans la zone d’action de Messi, redouté trouble-fête de la danse que se proposent les Suisses. «Lui accorder trente secondes de liberté est déjà de trop. Il l’exploitera pour trouver la solution qui changera le match. Limiter son rayon d’action est possible, l’effacer complètement non.» Son compère de l’axe médian partage l’approche. «Il peut changer de rythme à chaque seconde et c’est trop tard pour toi. Tu ne le reprends plus. La réponse doit être collective et non individuelle, il faut rester compact, fermer les espaces et couper sa relation avec le ballon.»

La menace Messi ne hante pas les nuits d’Ottmar Hitzfeld. «Chaque défense connaît des problèmes face à Messi. Ils sont faits pour être résolus. Vous découvrirez demain comment on stoppe Messi, j’ai confiance en mes joueurs.» Le technicien allemand dirigera son soixante et unième match avec la sélection suisse. «Je me prépare toujours comme si l’aventure continue. La pensée du dernier match ne m’effleure pas. La réflexion sur une participation au quart de finale a déjà été faite.» Anticiper est positif. Mais Hitzfeld et les Suisses doivent d’abord être à l’heure ce soir.

Shaqiri, le Messi des Alpes, contre l’original

Les buts de Lionel Messi et de Xherdan Shaqiri ont conduit leurs sélections respectives en huitièmes de finale. L’un des chemins s’arrêtera ce soir.
Le «miroir suisse de Messi» contre l’original. Le Messi des Alpes contre l’authentique de la pampa. Les quotidiens argentins rivalisent d’imagination pour présenter le huitième de finale de Coupe du monde qui opposera ce soir l’Albiceleste et la Suisse à Sao Paulo. Coup d’envoi à 13h locales, 18h en Europe centrale. Le premier tour du Mondial autorise la comparaison. Les buts des deux hommes ont propulsé leurs équipes respectives dans la phase à élimination directe. Quatre pour le Sud-Américain, trois pour l’Helvète. Le bilan chiffré respecte la hiérarchie des valeurs entre le quadruple Ballon d’or et son reflet habillé de rouge et blanc. Entre un joueur animé d’une ambition mondiale pour égaler Diego Maradona qui avait soulevé le trophée en 1986 au Mexique, et un deuxième en quête d’histoire nationale que signifierait une participation au quart de finale. «Messi est aussi fondamental que Maradona il y a 28 ans», assure Alejandro Sabella, le sélectionneur des gauchos.

Le précédent entre les deux hommes promet des étincelles. Le visiteur argentin s’impose à Berne 1-3 le 29 février 2012. Messi signe son premier coup du chapeau avec la sélection, Shaqiri signe l’égalisation provisoire. Deux ans de Bundesliga aguerrissent l’Helvète avant les retrouvailles. «Shaqiri est un bon remplaçant, un joueur pour la dernière demi-heure», commente Pep Guardiola dans les colonnes de «La Nacion», quotidien de Buenos Aires. Séjournant dans la capitale argentine, l’entraîneur du Bayern s’extrait du contexte du club. «Non, le décrire ainsi n’est pas très bien, ni correct. Il t’apporte de la dynamique. Il est puissant, il protège et tient bien le ballon, et il a le sens du but.» En observateur privilégié, le technicien espagnol adresse un conseil de prudence aux Argentins. «Il faut le tenir à l’œil», conclut-il.

Quatre ans de succès ont réuni Guardiola et Messi à Barcelone de 2008 à 2012. «Il est encore plus fort que lorsque je le dirigeais», estime Pep. «Il joue bien, comme toujours. Mais il est plus intelligent.» Stephen Keshi ne dit pas le contraire. «Messi? Il vient d’une autre planète, de Jupiter», s’exclame le sélectionneur du Nigeria après la défaite concédée face à l’Argentine en phase de poules (2-3). Même Luiz Felipe Scolari s’invite dans ce concert de louanges. «Messi est un crack, un des meilleurs joueurs du monde. Tout le jeu tournera autour de lui quelle que soit l’équipe dans laquelle il évolue. Le ballon passera toujours par lui.» Le sélectionneur brésilien garde une réserve. «Je vous dirai dans dix ou quinze ans qui est le meilleur entre Neymar et Messi.» Shaqiri observe ce duel d’étoiles filantes à bonne distance. Le huitième de finale du jour lui donne la possibilité de s’en rapprocher.

Salade de crampons

Quelle Suisse? Ottmar Hitzfeld n’a rien dévoilé quant à la composition de son équipe face à l’Argentine. «Nous évoluerons dans une configuration tactique différente de celle retenue contre le Honduras», se contente de déclarer le sélectionneur. Sans véritablement convaincre son auditoire tant les choix de personnes semblent acquis suite à la performance réussie contre les Honduriens. Notamment avec Shaqiri replacé dans l’axe en soutien de l’attaquant.

Fraîcheur à Sao Paulo La Suisse retrouve à Sao Paulo des conditions de jeu plus clémentes après son escapade amazonienne à Manaus face au Honduras. Le mercure du thermomètre pointe à 22 degrés en cours de journée. Cette fraîcheur relative les confronte à un changement climatique important après les chaleurs et les taux d’humidité très élevés de Porto Seguro. «L’équipe a été très bien préparée. Elle n’a pas connu de baisse de régime à Manaus dans un contexte particulier. Le changement engendré par ce déplacement à Sao Paulo ne pose aucun problème», assure Cuno Wetzel, l’un des médecins de l’équipe nationale.

Le souvenir de l’Espagne Les journalistes argentins ont tenté la comparaison entre le huitième de finale du jour et la rencontre de groupe face à l’Espagne en 2010. La Suisse avait battu les futurs champions du monde en Afrique du Sud (1-0). Adopteront-ils la même approche prudente face à l’Argentine? «Aucun parallèle n’est possible entre les deux matches. Notre style a changé, notre manière de jouer aussi», contre Hitzfeld. Même la rencontre face aux Argentins de février 2012 doit s’oublier selon le technicien allemand. «Nous ne jouons pas un match amical, mais un huitième de finale de Coupe du monde.»

Tirs au but L’Argentine a travaillé les tirs au but. «Mais de manière informelle», assure Sabella, son sélectionneur. «Tirer à l’entraînement ou devant 80000 personnes avec une qualification pour les quarts de finale comme enjeu sont deux exercices totalement différents.» Les Suisses le savent depuis leur cruel échec face à l’Ukraine lors du Mondial 2006.

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