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argentine - Suisse

Tombés au dernier souffle

Les Helvètes ont tout donné avant de s’incliner à la 118e minute.

Héroïque jusque là, Diego Benaglio est impuissant sur la frappe d’Angel Di Maria qui crucifie la Suisse. (Keystone)

Stéphane Fournier

Les Suisses écrivent un chapitre dramatique de leur aventure à Sao Paulo. Ils poussent les Argentins en prolongations lors du huitième de finale de Coupe du monde qui les oppose au terme d’un match de bravoure exemplaire. Mais les héros de l’histoire meurent debout. Fiers et sublimes dans leur volonté exprimée jusqu’au dernier souffle de repousser le sort contraire.

Submergés de regrets aussi. Moins de trois minutes les séparent de l’épreuve des tirs au but lorsqu’un ballon mal négocié sur le côté droit par Lichtsteiner libère l’espace devant Messi. Un décalage pour Di Maria termine la course du capitaine argentin.

La tristesse avant la fierté

Le tir croisé du gaucher madrilène perce la garde de Benaglio, sensationnel gardien des espoirs suisses. Qui se relève en premier, pousse ses coéquipiers vers l’avant et s’engage dans la surface de réparation opposée. L’égalisation se trouve au bout de la reprise de la tête de Dzemaili. L’Argentine hurle déjà son désespoir. Le montant droit repousse le cuir sur le tibia du Napolitain qui le catapulte à quelques centimètres du but de Romero.

Les Helvètes quittent le mondial. Le cœur aussi gros que celui qu’ils ont exprimé sur le terrain pendant deux heures contre une sélection composée des meilleurs joueurs de la planète. Triste et magnifique. «La tristesse et la déception surmontent la fierté actuellement», avoue Ottmar Hitzfeld. «Je repasse par les mêmes sentiments  que lorsque nous avions perdu avec le Bayern contre Manchester. Nous pouvions espérer quelque chose à trois minutes de la fin. Et tout s’échappe. Nous avons vécu tout ce que le football peut offrir dans un intervalle aussi bref.»

Le jeune retraité du ballon rond se souvient que la Ligue des champions lui tendait ses poignées en 1999 à Barcelone. Avant de filer à l’anglaise. «Nous aurions pu faire quelque chose lors des tirs au but», enchaîne-t-il en replongeant dans ce cruel présent brésilien. «Lors de la pause avant les prolongations, j’ai dit à l’équipe que nous avions les moyens de créer la sensation. La performance collective a été fantastique.» Elle aurait été exceptionnelle si Xhaka (28e) et Drmic (30e) avaient concrétisé les deux ballons de but que les Suisses s’offrent avant la première banderille périlleuse des Argentins. «Les occasions nous appartiennent avant la mi-temps, elles sont pour eux ensuite», reconnaît le coach des Helvètes.

Benaglio parfait

Le technicien allemand tient sa promesse de montrer comment réduire le rayon d’action de Messi. Le capitaine de l’Albiceleste cherche vainement les espaces pour s’exprimer. Il cède les actions les plus incisives à Higuain et Di Maria qui se heurtent au veto décisif de Benaglio (62e et 109e). Quand La Pulga trouve l’ouverture, la main droite du portier suisse dit non de manière ferme (77e). L’approche du filet de Romero se fait plus difficile. Les possibilités de contre gâchées dévoilent l’unique lacune suisse du jour. La qualité technique manque pour exploiter les espaces que les Argentins ouvrent dans leurs lignes arrière.

Ces passes manquées et ces mauvais choix s’inscrivent comme les bémols d’une performance au-dessus de tout soupçon. «Nous leur avons rendu la vie très difficile, mais ils ont su garder leurs nerfs. Cela montre que l’Argentine est une grande équipe», enchaîne Hitzfeld. «Cette défaite n’est pas la plus difficile à vivre. Les souvenirs chasseront la déception dans quelques mois.» Ses joueurs bénéficieront d’un intervalle plus réduit pour apprivoiser l’intensité de ces émotions. Ils commenceront le chapitre Petkovic dès le mois de septembre avec la réception de l’Angleterre pour les éliminatoires de l’Euro.

Les pleurs après la sueur

La zone mixte confronte les joueurs de l’équipe de Suisse à l’épreuve la plus pénible de leur Coupe du monde. Trente minutes à peine les séparent de leur élimination du Mondial face aux Argentins. Les mots manquent, les émotions  interdisent l’expression face à la multitude de micros tendus.

Engagé et combatif sur le terrain, Xherdan Shaqiri file dans le labyrinthe qui serpente dans les sous-sols de l’Arena Corinthians. Sans une parole. A peine un regard vers cette meute qui découvre toute la détresse du monde dans ses yeux mouillés. Gökhan Inler s’échappe de la même manière. «Nous n’avons pas mérité ça», lance Ricardo Rodriguez. Survivant de l’élimination en huitièmes de finale face à l’Ukraine en 2006, Johan Djourou fait face. «C’est très difficile à vivre actuellement», avoue le Genevois, impeccable dans tous ses duels durant deux heures de bataille acharnée. «Gardons la tête haute. Nous avons été à la hauteur de l’une des grandes nations du football. Aucune comparaison n’est possible avec notre échec de Cologne face aux Ukrainiens».

L’action décisive naît au milieu du terrain. «Nous perdons un ballon bête et tout va très vite ensuite. A ce moment-là, les jambes sont lourdes, la tête fatiguée.» Son expérience l’aide à gérer cette sortie cruelle. «J’ai énormément apprécié notre envie de ne rien laisser. Cette grinta était fantastique. La bagarre a duré jusqu’au bout parce que nous avons eu les ressources pour aller chercher quelque chose après avoir concédé le but.»

Behrami continue

Redevenu roc dans l’axe central du milieu de terrain, Valon Behrami prend son courage à deux mains. «Je ne suis pas le gars qui cède devant les larmes, mais là... C’est vraiment dur de réprimer des pleurs quand tu vois tout le monde dans un tel état d’abattement. Quand tu donnes tout et que la récompense te file entre les mains de cette manière, la défaite devient difficile à accepter.» Le joueur de Naples quitte le Brésil sur une promesse. «Oui, je continue avec la sélection.» Entré en cours de jeu, Gelson Fernandes parle d’un «vestiaire silencieux. Quand un rêve vous échappe, les pleurs sont naturels, humains.» Le voyage de retour de Sao Paulo à Zurich aujourd’hui sera long. Très long.

Argentine - Suisse 1-0 ap (0-0)

Arena de Sao Paulo: 63255 spectateurs.
Arbitre: Eriksson (Su).
But: 118e Di Maria 1-0.
Argentine: Romero; Zabaleta, F. Fernandez, Garay, Rojo (105e Besanta); Gago (106e Biglia), Mascherano, Di Maria; Lavezzi (79e Palacio), Messi, Higuain.
Suisse: Benaglio; Lichtsteiner, Schär, Djourou, Rodriguez; Behrami, Inler; Xhaka (66e Fernandes), Shaqiri, Mehmedi (113e Dzemaili); Drmic (82e Seferovic).
Notes: l’Argentine sans Aguero, blessé. La Suisse sans von Bergen ni Gavranovic (blessés). Avertissements: 36e Xhaka. 73e Fernandes. 90e Rojo (sera suspendu en quarts de finale). 124e Garay.

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