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SwissSkills Berne 2014

Vitrine exceptionnelle pour la formation duale

Plus de 155000 visiteurs sont venus découvrir 130 métiers et voir à l’œuvre 1000 jeunes en compétition pour décrocher le titre de champion suisse dans leur métier.

La cérémonie de clôture des SwissSkills a permis de décerner les médailles aux meilleurs jeunes professionnels du pays. (SwissSkills Berne 2014)

Philippe Oudot

A l’heure de dresser le bilan de la manifestation qui a démarré jeudi, le président du comité d’organisation Christoph Erb affichait un sourire satisfait. «Avec plus de 155000 visiteurs, nous n’avons certes pas atteint les 200000 escomptés, mais le bilan est très positif. Ce n’est d’ailleurs pas tellement le nombre qui compte, mais la qualité des visiteurs.»

En l’occurrence, les SwissSkills ont attiré deux types de public: surtout des classes d’école les deux premiers jours, alors que le week-end, ce sont les familles qui ont envahi l’aire de Bernexpo. «Ce sont deux types de public différents, mais tous ont énormément apprécié ce rendez-vous des métiers. Nous avons notamment eu de très bons échos des écoles, avec des élèves enthousiasmés parce qu’ils ont découvert», relève Myriam Neuhaus, responsable de la communication.

Du beau monde

Si les classes et les familles ont afflué en nombre, employeurs et maîtres d’apprentissage ont aussi été nombreux à faire le déplacement. «Beaucoup de gens de la région, bien sûr, mais aussi des représentants de l’économie suisse et de l’industrie, à l’instar de Heinz Karrer et Hans Hess, respectivement présidents d’economiesuisse et de Swissmem» (association faîtière de l’industrie des machines et de la métallurgie), souligne Christoph Erb.

Le rendez-vous a aussi eu un écho international, avec la visite des délégués des WorldSkills qui étaient réunis en congrès cette semaine à Lucerne, mais également avec la visite de nombreux ambassadeurs en poste à Berne, dont Suzan G. LeVine, ambassadrice des Etats-Unis, accompagnés par Mauro Dell’Ambrogio, secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation. Christoph Erb se félicite également du très large écho médiatique de la manifestation.

S’agissant de la relativement faible participation des Romands, il refuse d’y voir un röstigraben. Tout au plus observe-t-il une approche différente, les Alémaniques étant davantage prêts à se mesurer à d’autres concurrents que les Romands. «Nous l’avons bien vu dans le secteur de l’horlogerie. Lorsque nous avons parlé des SwissSkills aux écoles de Granges et de Genève, la première a immédiatement fait part de son enthousiasme, alors que la seconde a estimé qu’il ne fallait pas mettre les jeunes professionnels en concurrence entre eux…»

«Fier de cette jeunesse!»

De son côté, John Buchs, membre du comité d’organisation, ne tarissait pas d’éloges sur «la motivation, le degré de préparation et la rage de vaincre de tous ces jeunes. Je constate aussi la présence en force des formateurs et leur fierté de voir la qualité de la relève professionnelle. Cela démontre que les efforts qu’ils fournissent en matière de formation sont payants!»

Pour avoir lui-même organisé déjà plusieurs salons professionnels, John Buchs s’est dit également très  impressionné par l’intérêt des écoliers venus en nombre jeudi et vendredi. «Ils n’étaient pas là juste par obligation, mais on sentait vraiment leur intérêt pour la diversité de tous ces métiers présentés sur les stands.»

Et d’ajouter que ce salon a démontré la richesse de la formation professionnelle en Suisse, et les possibilités d’évolution qu’offre le système de passerelles mis en place. «Un jeune peut en effet commencer sa carrière par un apprentissage de maçon, faire ensuite sa maturité professionnelle pour entrer dans une HES et plus tard, pourquoi pas, poursuivre son cursus à l’Ecole polytechnique fédérale et y décrocher un doctorat! C’est quelque chose d’unique!»

Médailles bernoises
Les concurrents bernois en lice ont fait une belle moisson de médailles lors de ces SwissSkills, avec pas moins de:
11 médailles d’or,
16 médailles d’argent,
17 médailles de bronze.

Médaillés régionaux
Polybâtisseur (échafaudages): médaille de bronze: Ramin Savage (Bienne) associé à Yannick Mögli (Berne).
Constructeur de routes: médaille de bronze: Alan Buri (La Ferrière) associé à Baptiste Babey (Le Noirmont).
Charpentier: médaille de bronze:  Nicolas Surmely (Tramelan).

«Ce sont dix chantiers concentrés en un seul!»

Soulagement  «Une très bonne expérience, mais heureusement   que c’est fini!» Hier, sur le coup de 15h, juste après la fin du concours, les deux horticulteurs Julien Feusier, de Corgémont, et Mavrick Pulfer, de La Neuveville, ont poussé un ouf de soulagement, mêlé d’un certaine déception. «Nous sommes un peu frustrés de ne pas avoir réussi à tout terminer dans les temps, même si nous ne sommes de loin pas les seuls», commente Julien Feusier. «Ces quatre jours étaient vraiment durs, car nous étions constamment sous la pression du temps. De plus, le manque de place était difficile à gérer», souligne le duo, qui formait l’une des 12 équipes en compétition.


Le paysage réalisé par Julien Feusier (à g.)_et Mavrick Pulfer. (Philippe Oudot)

Les concurrents avaient à créer un ouvrage paysager de 12m² avec murets de pierre naturelle, revêtement de petits pavés, étang de jardin avec passerelle de bois, plantation d’arbustes et de plantes et pose de gazon. «Ce que nous avons dû faire ces quatre jours, ce sont dix chantiers concentrés en un seul!», s’exclame Julien Feusier.

Si la pression du temps était difficile à gérer, Mavrick Pulfer estime que le plus dur était de travailler sous le regard constant du public: «C’était presque insupportable!» Songent-ils à une médaille? «Un peu, bien sûr, mais il ne faut pas trop rêver», observe Julien Feusier. Et son collègue d’ajouter que «c’est d’autant plus difficile à dire que nous ne connaissons pas les critères sur lesquels nous sommes jugés». Mais quoi qu’il en soit, tous deux assurent que ce championnat aura été une très bonne expérience. «On a appris à travailler dans des conditions particulièrement difficiles. Sûr que ça  devrait nous être utile pour notre avenir!», affirment-ils tous deux.

Leur avenir? Julien Feusier envisage une formation de contremaître, afin de diriger une équipe. Mavrick, lui, a l’ambition d’ouvrir sa propre entreprise.

«On est là pour faire le meilleur résultat possible»

Pression  Dans la halle 12, les constructeurs de route travaillent par équipe de deux pour réaliser un tronçon d’un peu plus de 35m² sur la base d’un plan indiquant la hauteur, la pente et la géométrie de l’ouvrage à construire. Un bout de route sinueuse en bitume avec bordures, un dallage de pierre artificielle formant un jeu de charret, une surface pavée inclinée: les difficultés ne manquent pas.

Alan Buri, de La Ferrière, et son pote Baptiste Babey, du Noirmont, sont les deux seuls Romands en lice sur les sept équipes en compétition. Fiers de figurer parmi l’élite des jeunes professionnels, les deux jeunes hommes avouent être quelque peu stressés, notamment du fait de travailler sous le regard constant du public. Le premier jour a démarré avec la lecture du plan, la préparation du terrain et le piquetage. «Cela demande beaucoup d’attention, car la moindre erreur au départ se paie cash et a des conséquences sur le résultat final», souligne Alan Buri.


Baptiste Babey (à g.) et Alan Buri, fiers du travail accompli et de leur médaille. (Ph. Oudot
)

Si tous deux rêvent du podium, ils admettent que la concurrence est rude, ce concours rassemblant les meilleurs jeunes professionnels du pays. «C’est déjà un honneur de participer à ces championnats. On a rien à perdre, et on est là pour faire le meilleur résultat possible», relève Baptiste Babey.

Chance extraordinaire  Alan Buri observe quant à lui que les Romands travaillent de manière différente que leurs collègues alémaniques, en particulier pour le travail de préparation et de piquetage. «Il y a plusieurs façons de faire, mais le résultat doit être le même!» Quoi qu’il en soit, les deux jeunes hommes soulignent que ces SwissSkills sont une chance extraordinaire de se mesurer aux autres, et de montrer leur savoir-faire. «Cela va aussi nous ouvrir des portes pour notre avenir professionnel, car beaucoup de patrons viennent ici voir les concurrents à l’œuvre.» Pour Alan Buri, son avenir est déjà tout tracé: «J’ai entrepris une spécialisation en entamant un 2e apprentissage pour devenir paveur. Ensuite, j’envisage de suivre la formation de chef de chantier, qui se fait en cours d’emploi.» Preuve que la formation professionnelle ouvre une foule de portes.

Le sexe des métiers

Stéréotypes  Même si les mentalités évoluent, les jeunes font encore des choix professionnels très stéréotypés selon leur sexe. Ainsi, 50% des jeunes filles limitent leur choix à trois métiers: employée de commerce, assistante en soins et santé communautaire, et gestionnaire de commerce de détail. Pour casser ces barrières mentales, la Conférence suisse des délégués à l’égalité entre femmes et hommes a tenu un stand aux SwissSkills, afin de pousser les ados à s’affranchir des clichés liés au sexe à l’heure de choisir leur métier.

Quatre jours durant, des apprentis ayant fait un tel choix ont joué les ambassadeurs de la cause sur le stand «It’s my way!». «C’est le meilleur moyen de faire passer le message. Jeudi et vendredi, nous avons reçu de nombreuses classes, des enseignants et des représentants de l’orientation professionnelle», indique Thomas Beyeler, chef du projet. «Et samedi et dimanche, nous avons pu nous adresser aux parents. Tous ont une influence sur le choix professionnel des adolescents.»

S’il est satisfait de la réaction des visiteurs, Thomas Beyeler est bien conscient que les mentalités ne vont pas changer d’un jour à l’autre, mais les choses évoluent selon les métiers. D’où l’importance aussi de sensibiliser les associations professionnelles pour pousser les employeurs à accepter de former des jeunes gens et des jeunes filles dans des métiers atypiques. C’est déjà le cas dans certains métiers – la peinture par exemple où on dénombre près de 40% de femmes, relève-t-il. D’ailleurs, ce sont de jeunes femmes qui ont remporté les médailles d’or et d’argent chez les peintres… 

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