Vous êtes ici

Tribunal régional

Un Vallonnier fournissait nombre de pilules thaïes et de crystal

Affaire de trafic de drogue très embrouillée avec des témoins qui ne perdent rien pour attendre

Des pilules thaïes et autres substances de ce type ont fait l’objet d’un vaste trafic. Photo ©: LDD

Blaise Droz

Un jeune Suisse vivant en Erguël comparaît devant le Tribunal régional de Moutier depuis hier. L’affaire est plutôt complexe, compte tenu des méthodes discrètes utilisées par plusieurs trafiquants de drogue appartenant à une nébuleuse plutôt qu’à un réseau unique. L’accusé avait beau comparaître seul, il n’était pas le seul à porter des menottes et à être surveillé par un policier. Deux des témoins étaient soumis au même régime. La raison en est que dans cette vaste affaire, les trafiquants démasqués ne comparaissent pas conjointement, mais en tant que témoins au procès de leurs fournisseurs ou clients. Sorties de leur prison préventive pour l’occasion, les personnes «appelées à fournir des renseignements» savent qu’elles ne perdent rien pour attendre. Leur tour viendra. Aussi, les déclarations de ces témoins d’un genre particulier ont-elles été riches en enseignements.
Le tribunal est composé de trois juges sous la présidence de Jean-Mario Gfeller et du Ministère public, représenté par le procureur Pascal Fischer. Quant aux chefs d’accusation, ils concernent des infractions simples et graves à la loi sur les stupéfiants et dénonciation calomnieuse.
Concrètement, le prévenu achetait et revendait des pilules thaïes et de la méthamphétamine sous le nom de crystal, ainsi que dans une moindre mesure de l’héroïne et des ecstasies. Il a admis une partie des faits, mais en nie fermement d’autres. Et surtout, il n’est pas du tout d’accord avec une partie des témoins sur les quantités qui peuvent lui être imputables. Il semble pourtant qu’il ait été un important fournisseur de substances illégales dans l’Erguël et si l’entier de ce qui lui est reproché se confirme, il faudrait admettre que ces substances psychotropes se consomment en grandes quantités dans le Vallon.

Ils ont servis de relais

Deux des témoins, une Thaïlandaise et un Italien, disent avoir servi à de nombreuses reprises de relais entre un grossiste cambodgien agissant à Bienne et le prévenu. Le second nommé, qui comparaissait libre mais qui a déjà été enfermé préventivement dans cette affaire, dit l’avoir fourni à 46 ou 47 reprises pour une quantité totale avoisinant 3300 pilules thaïes ou 333 grammes de crystal et un montant proche des 100000 fr. La drogue était livrée à crédit et à chaque nouvelle livraison, le prévenu devait payer le montant de la précédente. S’il accumulait une dette, ce qui semblait arriver, il recevait moins de substances la fois suivante. La Thaïlandaise, qui affirme également l’avoir alimenté, parle de dix transactions de 100 pilules thaïes et de 10 g de crystal. Les paiements s’effectuaient selon le même protocole. Mariée à un Suisse et jeune maman, elle aurait «jovialement» admis devant la police qu’elle vivait de son trafic. Une étrange personne qui prend tout avec philosophie et qui n’aurait jamais dévié dans ses déclarations au cours de 18 interrogatoires.

En situation inconfortable

Ces deux témoins savaient pertinemment qu’en avouant de telles quantités, ils se mettaient eux-mêmes en situation inconfortable. Or, il semble bel et bien avoir choisi de jouer franc jeu et de ne pas (ou plus) nier l’évidence. Il est vrai que le téléphone du grossiste était sous surveillance policière, ce qu’a confirmé un agent de la police de sûreté, également appelé à témoigner. Néanmoins, le prévenu à une tout autre vision des choses et, selon lui, ces deux témoignages qui l’accablent sont faux et incompréhensibles. Tant lui-même que le grossiste, aussi appelé à la barre, font état, eux, de quantités infiniment plus faibles. De l’ordre de 4 à 5 livraisons de la part de l’un des deux témoins volubiles et jamais de la part de l’autre. Le président Gfeller n’a pas paru convaincu et a prié le prévenu de bien réfléchir. Quand ce dernier affirme qu’il veut tourner la page et refaire sa vie, le président acquiesce, mais soupire: «D’accord mais c’est plus facile à dire qu’à faire.» Quant au grossiste, dont le témoignage s’accorde si bien avec celui du prévenu, le procureur Fischer a tenu à rappeler qu’il n’est pas un délinquant ordinaire et qu’au contraire, il le connaît déjà bien. En effet, ce gros poisson avait déjà été lourdement condamné en 2002 pour une affaire de falsification de cartes de crédit. Le procès se poursuivra aujourd’hui et le jugement du prévenu sera normalement rendu demain. Les autres attendront encore un peu.

Articles correspondant: Région »