Blaise Droz
Le prévenu qui comparaît cette semaine au tribunal d’arrondissement de Moutier écopera-t-il d’une lourde ou d’une très lourde peine? C’est la question qui se pose après le réquisitoire sévère du procureur Pascal Fischer et la plaidoirie de l’avocat de la défense, Daniel Jeanguenin, de Bienne. Bien que les points de vue que les deux hommes de loi ont exprimés à l’encontre du prévenu et de sa situation divergent sensiblement, le défenseur demande tout de même trois années d’enfermement de son client, moins la période de préventive qui dépasse déjà largement une année. Dans l’absolu, ce n’est pas infiniment moins que la réquisition du procureur. Pragmatique, le défenseur sait qu’il serait inutile de faire passer ce récidiviste pour un enfant de chœur. Il a acheté pour les revendre de grosses quantités de drogues aussi pernicieuses que des pilules thaïes et du crystal appelé aussi crystal meth.
Or, face au réquisitoire précis et minutieux du procureur, l’avocat de la défense n’a pas pu faire usage d’un grand éventail de parades. Il a bien contesté une partie importante des quantités estimées par la police et obtenues par recoupement d’autres témoignages (voir notre édition d’hier), mais les quantités que son client a lui-même reconnues suffisent de toute manière déjà à justifier une punition sévère. En revanche, le défenseur a sans doute marqué des points face au jury de trois juges présidé par Jean-Mario Gfeller.
Absence d’enrichissement
Tout d’abord, il a vigoureusement contesté que son client ait pu agir avec le dessein de s’enrichir. Le montant estimé de l’ensemble des transactions devrait atteindre au minimum 100000 fr. pour un peu moins de trois ans d’activités délictueuses, selon une estimation prudente, mais une somme de 300000 fr. serait plus raisonnable, selon le procureur. Néanmoins, l’avocat a brandi un argument de taille: «Mon client menait la vie d’un toxicomane en fin de parcours, dans un appartement délabré qui témoignait de sa déchéance. Il n’avait aucun bien qui pouvait trahir un quelconque enrichissement, tout au contraire de son fournisseur qui possédait trois voitures haut de gamme.» L’argument a de quoi étonner mais il trouverait son explication par le fait que cet acheteur-revendeur à la tête de son petit réseau avait trop fait crédit à ses clients qui parfois ne le remboursaient pas du tout. L’argent qu’il récoltait suffisait tout juste à sa propre consommation, importante selon l’avocat. Tout cela au point que le prévenu avait lui-même accumulé une dette supérieure à 10 000 fr. envers son fournisseur, un Cambodgien féru de sports de combat qui ne plaisantait pas selon un des témoins.
Soutien des parents
L’autre argument fort que la défense a pu faire valoir, c’est la volonté indéfectible des parents du prévenu de le prendre en charge et de l’aider à se reconstruire dès sa sortie de prison afin qu’il ne replonge pas lorsqu’il aura accompli sa peine. En effet, le père et la mère de ce jeune homme de 34 ans sont fidèlement présents aux audiences, silencieux, dignes et attentifs.
Mais voilà, les faits sont graves et personne ne conteste que la justice doit accomplir sa tâche. Le procureur relève que le prévenu est un récidiviste qui n’a rien appris de ses précédentes condamnations, pour diverses infractions dont, déjà, des trafics de drogue. «Il sait le danger qu’il fait courir à ses clients en leur fournissant des substances terriblement addictives qui nécessitent des doses croissantes pour apaiser les toxicodépendants.» Ces nouvelles drogues, amphétamines et métamphétamines sont un véritable tsunami pour notre société et elles auront des coûts sociaux immenses si on ne fait pas preuve d’une extrême sévérité envers ceux qui agissent comme le prévenu en bande et par métier. Le jugement sera prononcé aujourd’hui.
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