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Swatch Group

«Ce n’est pas un smartphone au poignet!»

A l’occasion de la présentation de ses résultats pour l’exercice écoulé, Nick Hayek a dévoilé la stratégie du groupe dans le domaine des smartwatches avec la Swatch Touch Zero One. Il a aussi annoncé que 2015 avait très bien démarré

  • 1/2 Arborant la nouvelle Swatch Touch Zero One au poignet, Nick Hayek affichait un sourire malicieux et satisfait hier face aux médias. Photo ©: Anne-Camille Vaucher
  • 2/2 La nouvelle icône de Swatch affiche pas moins de 18 fonctions. Photo ©: LDD
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Philippe Oudot

Trois jours après la présentation de l’Apple Watch, que le géant de Cupertino lancera sur le marché à fin avril, chacun se demandait quelle serait la réponse du Swatch Group dans le domaine de la montre connectée. Eh bien, le patron du numéro un mondial de l’horlogerie Nick Hayek l’a donnée hier lors de la conférence de presse annuelle, qui s’est tenue au siège de Swiss Timing, à Corgémont: oui, le Swatch Group maîtrise toute la technologie et le savoir-faire nécessaire, que ce soit en matière de circuits intégrés, de connectivité, d’écran tactile, des batteries à très faible consommation – où le Swatch Group est leader mondial. Mais non, il n’a pas l’intention de faire comme les autres en proposant un mini-smartphone qu’on porterait au poignet, «car la surface disponible est trop limitée».
«Nous sommes une société spécialisée dans l’industrie horlogère, pas dans l’électronique grand public», a-t-il souligné. «Ce que nous proposons au consommateur, c’est d’intégrer des fonctions supplémentaires et utiles, et cela tout en conservant l’esthétique de nos montres.» Et la première réponse va débarquer d’ici à cet été, avec la Swatch Touch Zero One, montre multifonctionnelle dont le premier modèle sera destiné au monde du beach-volley.

Applications quasi infinies

Dotée d’un écran tactile courbe, cette Swatch va offrir différentes fonctions, aussi bien pour les joueurs de beach-volley que les fans: en plus de celles temporelles, elle pourra mesurer la force de frappe d’un smash, calculer l’intensité des applaudissements des fans, mesurer le nombre de pas des joueurs, les distances qu’ils parcourent, leur consommation de calories, etc.
Mais ce n’est pas tout:grâce à sa puce et sa micro-antenne intégrée fonctionnant avec la technologie NFC (voir «Comment ça marche?»), les possibilités d’applications sont quasi infinies: de la commande de glaces ou pizzas, à l’octroi de droits de passage en passant par la réservation de places de cinéma ou le paiement électronique, tout est possible. En fait, la montre devient une clé qui permet d’accéder à une foule de nouveaux services.
Apropos de paiement électronique, Nick Hayek a indiqué avoir trouvé un partenaire de poids dans le plus grand marché du monde, soit avec China Unionpay, l’unique société de crédit active en Chine. Et quand on connaît la soif de consommation des Chinois, grands amateurs de montres, cela donne une idée du potentiel de développement dans l’Empire du Milieu, a-t-il souligné. Swatch Group travaille également avec la société de paiement Visa qui, en tant que sponsor des Jeux olympiques, va contribuer à diffuser très largement cette technologie. Et d’ici peu, on en saura davantage sur le projet en cours avec un partenaire bancaire suisse dont Nick Hayek n’a pas voulu révéler le nom.

Très faible consommation

En fait, a-t-il expliqué, la technologie NFC est éprouvée, et les infrastructures nécessaires – les terminaux – se multiplient de manière très rapide sur le marché. Ensuite, il s’agit d’une technologie dite passive, c’est-à-dire qu’elle ne consomme pas d’énergie, celle-ci étant fournie par les terminaux. Tout le contraire des futurs smartphones qu’on portera au poignet, et qu’il faudra recharger toutes les 24 heures. Avec le système développé par Swatch Group, l’autonomie de la batterie sera d’au moins neuf mois, a indiqué Michel Willemin, CEOd’EMMicroelectronic-Marin. Et Nick Hayek de renchérir: «Et chacun pourra changer lui-même la batterie!»
Pour le CEO, c’est justement au niveau de la batterie que le Swatch Group a plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence. La coopération entre Renata et Belenos – deux des sociétés du Swatch Group – permet de fabriquer des batteries deux fois plus performantes. Une technologie qui pourra être appliquée pas uniquement dans l’horlogerie, mais dans tous les domaines, y compris celui de l’automobile, a-t-il annoncé.

Bientôt aussi chez Omega

Et de préciser que la technologie embarquée dans la Swatch Touch Zero One n’aura guère d’impact sur le prix du produit, car le coût de fabrication du circuit imprimé et de la micro-antenne est d’environ… 2fr. Le prix de cette montre fun sera de 135fr. Par ailleurs, la technologie au cœur de la montre étant invisible, cela permet de ne pas dénaturer l’esthétique du garde-temps. Du coup, a révélé Nick Hayek, elle pourra sans autre être intégrée dans des montres mécaniques. Acondition, bien sûr, qu’elles soient insensibles aux champs magnétiques. Or, c’est justement le cas des montres Omega équipées du calibre amagnétique Master co-axial qui équipera progressivement toutes les montres de la marque et qui résiste à 15000 gauss (voir le JdJ du 10 décembre 2014). Et ce n’est pas tout:la technologie NFC permet d’ajouter des fonctions additionnelles. Apartir d’un ordinateur équipé d’un programme ad hoc, il sera possible de personnaliser et de configurer sa montre en créant soi-même des applications, a souligné le CEO.

Pas en retard

Interpellé à propos de la passivité de l’horlogerie suisse dans le domaine des smartwatches face à la menace de l’Apple Watch, Nick Hayek a vigoureusement contesté cette accusation, soulignant au contraire que le Swatch Group était bien positionné et avait même une longueur d’avance, en particulier dans le domaine des batteries à très faible consommation. «Apple a sans doute la montre connectée la plus réussie, mais nous avons opté pour une autre stratégie. Nous ne voulons pas un smarphone de taille réduite au poignet, nous laissons cela aux autres.» En tout cas, le groupe n’est pas en retard: la Swatch Touch Zero One va sortir cet été. Elle sera suivie de nouvelles versions pour d’autres sports et d’une spéciale pour les Jeux olympiques de Rio.

Comment ça marche?

Le système NFC (near field communication ou, en français, communication en champ proche) est une technologie de communication sans fil à courte portée et à haute fréquence. Dérivée de la technologie de radio-identification RFID, elle permet l’échange d’informations entre des périphériques. En l’occurrence, la communication se fait simplement en approchant la montre du lecteur NFC.

Au cœur des exploits des sportifs

CEOde Swiss Timing, Alain Zobrist a brossé un petit portrait des activités de sa société, soulignant que cette usine et ses 400 collaborateurs, qui traquent le millième de seconde, étaient au cœur des exploits des sportifs. «Que serait le sport sans mesure du temps, sans record?Ce ne serait pas intéressant. C’est ici que nous développons les technologies les plus pointues pour la mesure du temps.» Il a rappelé la formidable évolution dans ce domaine depuis les premiers chronométrages, par Longines en 1912 à Bâle, pour la gymnastique, ou par Omega en 1932 lors des Jeux olympiques de Los Angeles, où on mesurait le temps au dixième de seconde. Cette année, a-t-il précisé, Swiss Timing est sur plus de 500 compétitions. Et pour les JOde Rio de l’an prochain, la société basée à Corgémont débarquera sur place avec 450 personnes, utilisera 480 tonnes de matériel, déroulera 180 km de câbles, et ne traitera pas moins d’un million de données.

Comptes 2014 L’an dernier, Swatch Group a vu son bénéfice net annuel reculer pour la première fois depuis 2009, avec une contraction de plus d’un quart (-26,6%) à 1,42 milliard de francs. Le résultat opérationnel s’est établi à 1,75 milliard, contre 2,31 milliards l’année précédente. Le chiffre d’affaires brut a pour sa part dépassé la barre des 9 milliards, une première, en hausse de 4,6% à 9,22 milliards.
Les conséquences du gros incendie qui avait ravagé les ateliers de galvanisation d’ETA, à Granges, n’ont pas été sans effets sur le chiffre d’affaires, a indiqué le directeur financier du Swatch Group Thierry Kenel:elles ont péjoré les ventes pour près de 200 mios au 1er semestre. Il a aussi noté qu’en monnaies locales, le chiffre d’affaires a atteint 9,36 milliards, mais le groupe a perdu 138 mios en raison des taux de change très défavorables. Les capitaux propres se sont élevés à 10574 milliards de francs, en hausse de 11,5%. Ils représentent 83,7%du total du bilan. En vue de l’assemblée des actionnaires, le groupe va proposer un dividende inchangé par rapport à 2013, soit 1fr. 50 par action nominative, et 7fr.50 par action au porteur.

Avenir prometteur

Les marchés

S’agissant des principaux marchés, la Grande Chine (Chine continentale, Taïwan, Hong Kong et Macao) arrive en tête (37,2% du chiffre d’affaires), suivie de l’Europe (31,2%, dont 10,8% pour la Suisse), le reste de l’Asie et le Moyen-Orient (21,6%), l’Amérique (8,3%), l’Océanie et l’Afrique représentant les 1,7%restants.

Investissements

Le groupe, qui occupe quelque 35600 collaborateurs dans le monde, a créé 2100 nouveaux emplois l’an dernier, 770 en Suisse et 1330 dans le monde, principalement dans le domaine de la distribution. Il a investi quelque 558 mios, principalement dans la construction de nouvelles usines (Saint-Imier, Bienne, Longeau, Le Locle, Fontaines), et 390 dans de nouveaux équipements, par exemple chez Nivarox-Far. Le Swatch Group a aussi continué d’investir dans ses boutiques, un peu partout dans le monde. Il a également acquis un immeuble de prestige, le bâtiment historique Peterhof sur la Bahhofstrasse, à Zurich, pour quelque 150mios de francs.

Perspectives 2015

Comme l’a souligné Nick Hayek, l’année 2015 a très bien commencé. Après deux mois, le groupe affiche une croissance soutenue en monnaies locales sur tous les marchés, et cela aussi bien en termes de chiffre d’affaires que de profit. Et si l’abandon du taux plancher a évidemment un impact, le CEOa souligné que sa croissance s’expliquait en bonne partie en raison de la force de son réseau de distribution, notamment dans des marchés porteurs comme la Chine. Des perspectives saluées par la Bourse, puisque le titre Swatch a gagné 2,4% à la clôture.

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