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«Faire bouger les gens, c’est essentiel»

Délégué au sport de la Ville de Bienne, Etienne Dagon n’a pas oublié ses années de nageur de haut niveau

Etienne Dagon se réjouit de plonger à nouveau dans les grands projets qui permettent la promotion du sport auprès du plus grand nombre. Stéphane Gerber

Propos recueillis par Stéphane Devaux

Avec «Cartes sur table», Le Journal du Jura vous propose d’aller à la rencontre de personnalités majeures de la  région, mais dont l’action n’est que rarement visible dans les médias. Aujourd’hui, (re)faites connaissance avec Etienne Dagon, chef du Service des sports de la Ville de Bienne. Mais surtout seul nageur suisse à avoir remporté une médaille olympique!

Etienne Dagon, on ne peut pas commencer cet entretien sans évoquer la date du 2 août 1984.

(Il sourit) C’est quand même un fait marquant dans ma vie! L’aboutissement d’un investissement pour beaucoup de gens,  qui m’ont aidé et soutenu. Mais  aussi pour moi, qui me  suis investi corps et âme, d’abord pour aller aux Jeux olympiques, puis pour y décrocher un résultat. Oui, cette médaille (réd: le bronze sur 200 mètres brasse aux Jeux de Los Angeles), c’est le point d’orgue de ma carrière. Et une belle ligne sur ma carte de visite.

Dans votre vie, il y a un avant et un après Los Angeles?

C’est un peu spécial. Déjà, au moment des Jeux, j’étais à l’école de recrues. A peine rentré en Suisse, j’ai dû y retourner! Et tant que j’ai continué à nager, jusqu’à Séoul (réd: les JO de 1988), je suis resté dans ce monde d’entraînement, de compétition. Il n’y a donc pas eu une césure, mais une sorte de continuité.

En fait, la prise de conscience de ce que j’avais réalisé est venue avec les années, avec ce que les gens en disaient. Même si cette médaille a eu un énorme retentissement à l’époque, elle n’a pas révolutionné ma vie. J’ai reçu 1000 fr. de la fédération suisse...

Qu’est-ce que vous a apporté votre parcours de sportif d’élite?

Ca forge le caractère! En tant que sportif, on a l’habitude de se fixer des objectifs. On est ambitieux, crocheur, on a envie d’atteindre l’excellence. On aime les défis, prendre certains risques. Je crois aussi qu’on acquiert un certain leadership. Que ce soit au Service des sports de Neuchâtel (réd: où il a passé 12 ans, de 1996 à 2008) ou ici, dans une moindre mesure, ce vécu m’a beaucoup apporté.

Mais on doit aussi apprendre à ne pas toujours vouloir davantage, à ne pas placer la barre toujours plus haut. Dans une administration, il y a des règles du jeu, des contingences sur lesquelles on ne peut pas passer. Parfois, je dois un peu me freiner. Ou alors on se charge de me freiner!

Vous êtes délégué au sport de la Ville de Bienne depuis le 1er août 2014. Quelles sont vos tâches?

Le Service des sports doit être la courroie de transmission entre toutes les sociétés sportives – il y en a environ 170! – et le Conseil municipal. Mon poste est d’aileurs directement rattaché au conseiller municipal Cédric Némitz. Il s’agit pour moi de travailler avec ces clubs, comprendre leurs besoins et essayer d’y répondre. C’est à moi de déceler  les améliorations à apporter ou d’éventuels manques pour les transmettre au Conseil municipal puis, le cas échéant, au Conseil de ville.

Autre volet, la pomotion du sport par la Ville elle-même. Nous organisons par exemple le sport scolaire facultatif, ce qui représente 700 enfants par semestre, pratiquant une trentaine de disciplines. Nous cherchons à développer des structures avec les clubs eux-mêmes. La Ville joue un rôle planificateur, tandis que les sociétés sportives mettent à disposition un encadrement et des formateurs qualifiés.

Et la filière sport-culture-études?

Elle est aussi sous l’égide du Service des sports. Nous coordonnons les activités d’environ 230 jeunes sportifs et artistes, qui suivent différentes filières, avec les clubs, les fédérations et les directions d’écoles.  Grâce à la variété des filières, au bilinguisme et à la proximité de l’Ecole fédérale de sport, Bienne a le meilleur sport-culture-études de Suisse!

On y a vu passer des gens comme Giulia Steigruber, championne d’Europe de gymnastique, Michael Lammer et Marco Chiudinelli, membres de l’équipe victorieuse de la Coupe Davis. Et désormais, la Tissot Arena accueillera les compétitions de l’équipe nationale féminine de football, en paralléle de l’Académie de foot féminin. Notre force, c’est que ces jeunes ne sont pas tenus de suivre une formation-type, mais ils ont toute une palete de formations possibles.

Est-ce le rôle des collectivités publiques de faire bouger les gens?

Oui, si elles s’associent aux clubs qui ont les compétences techniques. Ma vision, c’est de créer des partenariats public-privé (PPP), avec les acteurs de terrain, en associant le monde économique. A Neuchâtel, lorsque j’ai commencé, la structure ressemblait à ce qu’il y a ici à Bienne (réd: en plus du chef, deux secrétaires à temps partiel et une apprentie), mais ce service a progressivement grandi, grâce à des partenariats et du sponsoring.

Promouvoir le sport, c’est vraiment une tâche qui me passionne. C’est aussi la mission que j’ai reçue. Je suis convaincu que ce modèle peut aussi s’appliquer à Bienne. Pour moi, il est normal que les participants paient une partie de ces prestations, pour autant que cela reste à un niveau raisonnable. Partant de là, c’est possible de faire bouger des milliers de personnes par semaine à Bienne!

Sport d’élite, sport de masse, deux mondes à part?

Les deux ne sont pas indissociables. Mais dans un premier temps, notre rôle est d’inciter les enfants à bouger, sans les spécialiser. La priorité, c’est le jeu et le plaisir. Dans toutes les disciplines, les formateurs, au début, mettent l’accent sur la mobilité, l’agilité, l’équilibre, la coordination des mouvements. Ce n’est qu’ensuite qu’on peut envisager de les spécialiser, en mettant en évidence leurs aptitudes propres  à tel ou tel sport.

Notre défi à nous, c’est de sensibiliser les parents à la nécessité de faire bouger leurs gosses. L’élite, ça n’est qu’un petit pourcentage, mais elle est importante: dans un club, l’élite, c’est un moteur pour la base. S’identifier à des gens meilleurs que soi, ça permet de progresser et ça aide à affronter les difficultés.

Logiquement, on en déduit que vos enfants font du sport?

L’aîné, Maël, qui aura 21 ans, pratique la natation au niveau national, mais il y est venu relativement tard. Jérémy, 19 ans, joue au unihockey. Quant à la petite dernière, Amélie, qui a 7 ans (réd: elle est née d’un second mariage), elle fait toutes sortes de sports et elle a déjà une certaine rage de vaincre! Elle a gagné les trois premières étapes du Tour du canton de Neuchâtel à pied, dans sa catégorie «poussine»!

C’est étonnant, parce que, moi, je n’ai jamais beaucoup aimé courir! Mes enfants, j’ai toujours été là pour les épauler et les motiver, mais sans jamais fixer de niveau de performance. A côté, il y a d’abord leurs études.

Et vous, Etienne Dagon, quel sportif êtes-vous aujourd’hui?

Je vais nager. Je profite d’avoir la piscine à mes pieds (réd: il travaille dans la tour du Palais des Congrès). En plus, j’en suis l’hôte d’honneur depuis 1984 et ma médaille olympique. Un cadeau que je n’ai jamais utilisé pendant 30 ans! Mais maintenant, je peux en profiter...

Avec les footballeuses

La Tissot Arena? Le dossier complexe par excellence, souligne Etienne Dagon, qui a travaillé étroitement, lorsqu’il était à Neuchâtel, au projet du nouveau complexe de la Maladière. Si l’exploitation du nouveau bâtiment des Stades de Bienne incombera à la CTS, le Service des sports sera l’interlocuteur du FC Bienne et de l’ASF, puisque les matches des équipes nationales féminines devront avoir lieu à Bienne. Cela concerne l’enceinte principale ainsi que les quatre terrains annexes et les installations qui leur sont liées.

Epine dorsale

Micromécanicien de formation, Etienne Dagon n’a pas toujours travaillé dans le sport. Actif un temps dans la bijouterie, l’horlogerie et le fitness, il se sent comme... un poisson dans l’eau (!) dans ce secteur. Qui plus est à Bienne, «sa» ville. Surtout, lorsqu’il constate l’accroissement des problèmes de surpoids et de manque de motricité chez les enfants, il est convaincu du bien-fondé de son action.

«Notre mission est de tout faire pour améliorer la situation, en mettant en valeur ces milliers de bénévoles qui sont l’épine dorsale du sport en Suisse.»

Six dates-clés

    1960    Naissance à Bienne, le 13 septembre. Scolarité et formation à Bienne. Commence la natation en 1972.
    1974    Premier titre de champion biennois.
    1984    Le 2 août, médaillé de bronze du 200m brasse des JO de Los Angeles, remporté par le Canadien Victor Davis.
    1987    Etablit à Paris le record d’Europe du 200m brasse. Ce temps reste record national jusqu’en 2008!
    1994    Naissance de son fils Maël. Jérémy suit en 1996. Et Amélie, née d’un second mariage, en 2008.
    2014    Devient délégué au sport de la Ville de Bienne. Le 1er août, 30 ans après sa médaille olympique. Réside à Saint-Aubin (NE).

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