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La motion Gsteiger Allah moulinette

Pour une majorité de députés, combattre les dérives et limiter l’endoctrinement de cette religion sont avant tout du ressort de la Confédération

Malgré un vibrant plaidoyer, Patrick Gsteiger n’est généralement pas parvenu à convaincre une majorité de collègues. Stéphane Gerber

Pierre-Alain Brenzikofer

Prendre toutes mesures utiles et élaborer les actes législatifs qui s’imposent pour combattre clairement les dérives, pour limiter les risques d’endoctrinement et pour promouvoir un islam à caractère européen? C’est ce que demandait le député du Parti évangélique Patrick Gsteiger dans une motion pavée de bonnes intentions, mais pas infernale pour un sou.

Vaste programme, qui a eu l’heur d’effrayer quelque peu le Conseil exécutif, pour lequel cette mission est plutôt du ressort de la Confédération. Opinion partagée par une majorité de députés, comme on le verra plus tard.

Mais tuons d’emblée le suspense! Le motionnaire demandait de veiller à faire appliquer la primauté du droit suisse sur les prescriptions religieuses, point de vue accepté sans opposition, mais néanmoins classé par 108 voix contre 34, une majorité estimant que tel était déjà le cas.

Et la langue?

Patrick Gsteiger souhait par ailleurs qu’on puisse exiger des imams qu’ils maîtrisent soit l’allemand, soit le français. Eh bien, ce point a été repoussé par 75 voix contre 66 et 4 abstentions. Le député n’a pas eu davantage de succès en demandant à l’Ours d’agréer uniquement les organisations islamiques faisant preuve d’une approche positive de la société et de l’Etat. Verdict? 75 non, 60 oui et 10 abstentions.

Par contre, comme le proposait le gouvernement, le plénum a accepté d’adapter les services d’aumônerie des établissements pénitentiaires à la diversité religieuse, en institutionnalisant également les intervenants religieux non catholiques et non protestants. Ce point a été accepté par 97 voix contre 45 et 3 abstentions.

Il est toutefois désopilant de constater que ceux qui l’ont refusé comptaient, pour les autres points, parmi les oui minoritaires. Tel est le cas de l’UDC et de l’UDF.

Avant ces votes, on a pu entendre Patrick Gsteiger affirmer que ce thème nous concernait tous: «L’islam fait peur, inutile de s’en cacher.» Selon l’orateur, toutefois, les 400000 musulmans de Suisse sont des citoyens avant d’être des musulmans. «Actuellement, ils rasent les murs.Les médias ont aussi un rôle à jouer, qui relatent le pire et l’enfer.»

Toutefois, l’homme et son parti estiment qu’on fait preuve d’une trop grande passivité face aux djihadistes. Il conviendrait donc de dire stop aux dérives et de promouvoir un islam à caractère européen. «Le gouvernement s’oppose à mes revendications en invoquant le droit fédéral», a déploré le motionnaire en relevant que la sécurité intérieure concerne aussi les cantons.

«Je suis musulman»

Porte-parole de l’UDC, Manfred Bühler a rappelé que sa formation était très sensible à cette problématique. Dans ce contexte, la plupart des revendications du motionnaire lui semblent évidentes. «Par contre, dans un pays chrétien, les services d’aumônerie sont suffisants. Si on autorise la présence de l’islam, cela va amener une avalanche d’exigences de la part d’autres religions.»

«Je suis musulman», a clamé le socialiste biennois Mohamed Hamdaoui en français comme en allemand, en conseillant de suivre les recommandations du gouvernement: «Pour nous, il est évident que les lois humaines priment sur les croyances religieuses.

Mais cela ne doit pas concerner que l’islam, mais tous les ‹ismes›.» Allusion aux divers fanatismes religieux, on l’aura compris. Par contre, exiger que les imams parlent le français ou l’allemand serait contraire au droit et contre-productif, selon le député. Il visait ici certains évangélistes de sa région qui ne parlent que le swahili ou le portugais...

Pour Mohamed Hamdaoui, de toute façon, les lois ne servent à rien face aux pires énergumènes: «Les premières victimes de ces imbéciles, ce sont nous, les musulmans pacifistes», a-t-il conclu, un brin dépité.

Les Verts libéraux ont accepté l’élargissement des services d’aumônerie en estimant que cette évolution permettrait d’ouvrir les portes aux aumôniers laïcs, ce qui leur paraît fondamental vu les mutations de la société. Quant aux Verts tout court, ils ont avoué une certaine sympathie pour le motionnaire, mais doutent que les mesures proposées permettent d’atteindre les objectifs.

«Et qu’est-ce que l’islam européen? Cette religion est tout sauf monolithe.» Pour eux, dès lors, mieux vaut favoriser une bonne culture politique, un bon enseignement dans les écoles et une sensibilisation maximale. D’après le PBD, la Constitution fédérale règle une partie de ces problèmes. Pour le reste, on pourra aborder ces questions de fonds en septembre, quand il s’agira des relations entre Eglises et Etat.

Au nom de Dieu

«Dans la Constitution fédérale, il est aussi écrit ‹Au nom du Dieu tout puissant›, n’a pas manqué de glisser l’UDF. Et n’oublions pas que la foi et les fondements chrétiens ont permis que nous puissions aujourd’hui discuter de cette problématique de façon démocratique.»

A la fin du débat, Patrick Gsteiger a dit son amertume de voir une majorité se retrancher derrière le droit supérieur.

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