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Cyclisme

La fatalité rattrape Cancellara

Le Bernois a perdu son maillot jaune suite à une lourde chute et abandonne son dernier Tour

Le Bernois a réalisé un impressionnant «soleil» lors d’une chute collective survenue à moins de 60 km de l’arrivée. Le flot de la 3e étape a dû être un instant neutralisé. Keystone

Huy, Julián Cerviño

«Ce n’est pas comme ça que j’aime le vélo.» D’une phrase Steve Morabito résume le sentiment général prévalent après la troisième étape du Tour de France. Encore une journée folle, au cours de laquelle Fabian Cancellara a perdu son maillot jaune et terminé son dernier Tour suite à une terrible chute qui a semé la confusion dans le peloton.

Chris Froome s’est paré de cette tunique en terminant deuxième derrière l’Espagnol Purito Rodriguez au sommet du mur de Huy.

Il y a eu deux étapes hier. Celle précédent la chute massive, provoquée par un écart de William Bonnet, à 58,8 km de l’arrivée. Une vingtaine de coureurs, dont Fabian Cancellara, se sont retrouvés au sol avant que 10 autres mordent le bitume quelques kilomètres plus loin.

L’autre course a eu lieu sur les 45 derniers kilomètres, lorsqu’elle est repartie suite à une neutralisation peu claire. «Mon coéquipier (William Bonnet) est tombé devant moi à près de 90km/h et j’ai juste pu éviter cette chute», raconte Steve Morabito. «C’est retombé encore plus loin et les gars étaient en mauvais état.»

Message pas très clair

Cette deuxième culbute a poussé les organisateurs du Tour à neutraliser l’étape. «La décision a été prise en commun accord entre notre directeur de l’épreuve Thierry Gouvenou et le président du jury Guy Dobbelaere», explique Christian Prudhomme. «Il y avait 30 coureurs à terre et nous ne connaissions pas la gravité de leurs blessures. Surtout, nos six ambulances étaient mobilisées et nous ne pouvions pas relancer 160 coureurs sans cette assistance médicale.»

Le problème est que le message est mal passé. «Ce n’était pas très clair», déplore Steve Morabito. «Quand la course a repris, nous avons décidé de rouler quelques kilomètres tranquillement et tout d’un coup c’est reparti. Nous avons été pris dans une bordure avec Thibaut Pinot et nous avons fini l’étape en chasse-patate.»

Encore distancé avant la montée du chemin des Chapelles, le grimpeur est le loser sportif de la journée (son débours est 2’58’’ sur Froome au général). D’autres ont perdu beaucoup plus que le Franc-Comtois.

Reste que cette confusion a eu le don d’en agacer plus d’un. «C’est nouveau maintenant, on neutralise une course quand il y a une chute», s’énerve Danilo Wyss, qui avait parlé avec la direction de l’épreuve pendant la neutralisation.

«Je voulais savoir ce qu’il se passait. Je n’ai pas bien compris cette décision. Ils vont faire quoi sur l’étape des pavés (aujourd’hui)? Ils vont arrêter la course à chaque chute? Ce genre de décision est difficile à comprendre, comme ce fut le cas sur Paris-Roubaix (réd: passage à niveau mal négocié). Surtout, cela crée un précédent.»

Cancellara meurtri

Pour les initités, la radio des vertèbres lombaires touchées de Fabian Cancellara. LDD

Pour beaucoup de coureurs, cette décision était la bonne. «Je remercie les organisateurs de l’avoir prise», souligne Fabian Cancellara via un communiqué de son équipe (Trek). «Avec tous les coureurs qui étaient à terre, c’était la meilleure chose à faire.» Pour rappel, le Bernois avait lui-même neutralisé une étape en 2010, aussi en Belgique, lors de la chute massive dans la descente du col du Stockeu.

Cette fois, «Spartacus» a été victime de cet accident. «J’ai vu la chute se produire devant moi», narre-t-il. «J’espérais pouvoir passer entre les coureurs à terre, mais il y avait un drain sur la chaussée et je n’ai pas pu l’éviter après avoir été heurté par-derrière. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ensuite.» Le Bernois a réalisé un impressionnant «soleil» avant d’atterrir sur le bas du dos, où il avait déjà été touché ce printemps lors de sa cabriole au GP E3 Harelbeke.

Alors qu’il avait entamé la journée en rayonnant, avec son maillot jaune affublé du chiffre 29, comme son 29e jour en jaune, Fabian Cancellara l’a terminé attardé et meurtri. Contraint à l’abandon. Hier soir, on apprenait que le Bernois souffre de deux fractures au niveau des vertèbres lombaires.

«C’est une déception incroyable pour moi», déclare-t-il. «Notre équipe était sur la bonne voie et prête à défendre le maillot jaune. Nous avons souffert de pas mal de blessures depuis le début de la saison et nous avons finalement vécu 24heures formidables sur ce Tour, mais la malchance nous a rattrapés.» La fatalité aussi.

Après avoir retrouvé la forme et le sourire lundi, le Bernois se retrouve de nouveau à l’arrêt. «Le maillot jaune m’avait redonné le moral avant l’étape des pavés. Maintenant, je vais essayer de conserver les côtés positifs de mon passage sur le Tour avant d’aborder la deuxième partie de la saison», conclut-il. Pas facile pour Fabian Cancellara (34 ans) de terminer son parcours sur la Grande Boucle de cette façon. Mais il saura rebondir, si son corps le lui permet.

Et maintenant les pavés

Reconnaissance Les étapes piégeuses et nerveuses se succèdent sur le Tour de France. Après les polders et le mur de Huy, voici les pavés du Nord. Sept secteurs sont au menu sur 13,3 km au total, soit un peu plus qu’en 2014 (13 km sur la 5e étape après suppression de deux secteurs).

Les coureurs auront droit à un hors-d’œuvre après 101 km (2,3 km), avant d’aborder les autres pavés après 180 km, où les choses sérieuses vont débuter.

L’enchaînement des six derniers secteurs, notamment entre celui de Saint-Python (1,5 km) et de Quiévy (3,7 km), promet d’être délicat.

Le Vaudois Danilo Wyss a reconnu cette étape mardi passé avec son équipe BMC.

S’il apprécie les pavés, le citoyen d’Estavayer-le-Lac prévient: «C’est différent de Paris-Roubaix. Il y a moins de secteurs pavés tout de même et nous arriverons sur le premier après 180 km de course. Ce sera tout de même drôle de voir des grimpeurs là-dessus. Certains secteurs sont en faux-plat montant et ce sera assez technique, car ce sont de vrais pavés du Nord. Le plus grand problème est que tout le monde voudra être devant à l’entrée de ces secteurs et ce sera très nerveux en tête du peloton.»

Les dégâts pourraient être moins importants que l’an dernier – Contador avait perdu 2’35’’ sur Nibali – car la météo s’annonce clémente, donc les conditions seront moins dantesques. Plusieurs favoris risquent tout de même de perdre des plumes, voire plus.

Froome surpris et ravi d’être en jaune

Alors que Fabian Cancellara perdait son maillot jaune, Chris Froome retrouvait cette tunique, pour la première fois depuis son triomphe à Paris en 2013. Deuxième de cette «demi-étape» derrière Purito Rodriguez, le Britannique a distancé ses adversaires, dont Vincenzo Nibali, Nairo Quintana (11’’) et surtout Alberto Contador (18’’).

Il défendra le maillot jaune avant l’étape des pavés avec une avance de 36 secondes sur l’Espagnol, de 1’38’’ sur l’Italien et de 1’56’’ sur le Colombien. «Je suis le premier surpris de porter ce maillot maintenant», avoue le «Kenyan blanc».

«Je ne pensais si bien m’en sortir sur une montée pas forcément à mon avantage. C’est fantastique d’être de nouveau en jaune après mon abandon en 2014. C’est la meilleure manière pour moi d’aborder l’étape des pavés.» Chris Froome approuvait la décision des organisateurs de neutraliser la course.

Tout comme Nairo Quintana. «J’ai eu du mal à retrouver le rythme après cette coupure, mais la sécurité prime. Il y a une grosse chute et beaucoup de coureurs étaient à terre», relève le Colombien, content de sa fin d’étape.

Pignons sur roue

Cadeau La ville d’Anvers a offert hier un somptueux cadeau à Fabian Cancellara, porteur du maillot jaune au départ de cette troisième étape. Le Suisse a reçu un diamant d’une valeur de 25000 euros, qu’il a promis de donner à son épouse. Ce sera son seul bon souvenir de cette journée.

Abandon Au moins cinq coureurs ne prendront pas le départ de la quatrième étape: William Bonnet, Tom Dumoulin, Dimitry Kozontchuk Daryl Impey et Simon Gerrans. Le Français souffre d’une fracture à une vertèbre cervicale, le Hollandais d’une épaule disloquée, le Russe d’une fracture de l’omoplate gauche, le Sud-Africain d’une clavicule brisée et l’Australien d’un poignet cassé.

Et d’autres coureurs pourraient ne pas prendre le départ ce matin, à l’instar de Simon Gerrans, très mal en point.

Eddy en fête Le grand Eddy Merckx, qui vient de fêter ses 70 ans, était l’invité du Tour hier. La course a même traversé son village natal, Meensel-Ziegem, où une statue a été érigée en son honneur. Joli hommage et de quoi apporter une note festive supplémentaire à cette étape. A Huy, la kermesse a débuté de bon matin et s’est poursuivie tard hier soir. Près de 15 000 personnes étaient massées sur cette fin d’étape. De la pure folie!

IAM touché Plusieurs coureur de IAM ont été pris dans les chutes hier. Mathias Frank, Matthias Brändle et Sylvain Chavanel ont toutefois pu revenir dans le peloton suite à la neutralisation de la course. Leader de l’équipe helvétique, Frank souffre de blessures superficielles au coude droit. Le Lucernois n’est pas parvenu à se battre avec les meilleurs lors de l’emballage final et a concédé 1’59’’ de retard sur Purito Rodriguez.

Contrôles Les coureurs du Tour peuvent avoir droit à un réveil brutal durant la nuit. En effet, selon les dires du président de l’UCI Brian Cookson, des contrôles antidopage ont déjà eu lieu sur cette épreuve et d’autres pourraient être effectués. Le tout afin d’attraper les tricheurs adeptes des microdoses.

Dans un autre domaine, les commissaires ont vérifié cinq vélos au terme de la troisième étape, ceux de Péraud, Rogers, Malori, Sieberg et Cavendish. Tout est en règle.

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