Vous êtes ici

Abo

Saint-imier

Un clarinettiste comme maître du jeu

Le 10e Concours national du Festival du Jura a auditionné les jeunes finalistes au CCL samedi soir

Les trois prix du Concours du Festival du Jura, dans l’ordre: de gauche à droite, Damien Bachmann, Polina Ushakova et Pauline Tardy. Yves-André Donzé

Yves-andré Donzé

Le clarinettiste Damien Bachmann a remporté haut la main le 1er prix (5000 francs) du 10e Concours national du Festival du Jura, samedi soir au Centre de culture et de loisirs de Saint-Imier (CCL). Le 2e Prix (3000 francs) est revenu à la pianiste Polina Ushakova, tandis que la chanteuse lyrique Pauline Tardy décrochait le 3e prix (2000 francs). Elle était la seule, avec sa violoniste Susanna Fini, à interpréter une création originale, les autres ayant préféré se battre sur un répertoire plus classique. Les quatre lauréats restants ont reçu le certificat de finaliste de ce concours dédié aux interprètes de moins de 30 ans.

Le premier à se lancer dans l’arène, samedi soir, était le trompettiste Guillaume Thoraval, 26 ans. Premier prix au Conservatoire national de Musique de Lyon, il étudie en classe de master Performance Concert à la Haute Ecole d’art de Zurich. Accompagné par la pianiste Meng Fu Tsai, Thoraval a choisi un compositeur du 20e siècle, Henri Tomasi, où le lyrisme l’emporte toutefois sur une atonalité exigeante. Difficile de chauffer une salle avec ce concerto.

Pauline Tardy, 24 ans, sans autre instrument que sa voix, et Susanna Fini, pour l’accompagner au violon, formaient un duo inusité. Déjà flûtiste avec un master en pédagogie, elle prend la voie d’un nouveau master de chant. A Saint-Imier, elle a annoncé la couleur: le morceau choisi est une création du compositeur José Luis Gómez Aleixandre, intitulée «Expressions», pour chant et violon.

Dès la première mesure, on a pris la démesure de sa voix quasi colorature: chuchotements, souffles, cris, râles, sifflements, s’insèrent dans une complexité affolante et en parfaite coordination avec le violon, tout aussi complexe. Dans toute cette matérialité sonore, la voix se fait pure et veloutée. Le deuxième mouvement lui a permis d’explorer la sonorité des mots. Douée d’un talent de comédienne, Pauline Tardy perce déjà dans des productions d’opéra. Une virtuose à suivre.

Denis Dafflon 29 ans, est corniste. Diplôme d’enseignement, master en Performance à la Musik-Akademie de Bâle, il est, depuis 3 ans, corniste à l’Orchestre symphonique de Berne. Il a concouru sur une «Villanelle pour cor et piano» de Paul Dukas, du début du 20e siècle. Il a su dialoguer avec son pianiste Etienne Murith. Ce qui n’était pas le cas de l’altiste Isabelle Mulin, 27 ans, qui se laissait étouffer la chaude gravité de son violon alto par le trop fougueux pianiste Simon Peguiron. La sonate en fa mineur réclame une grande virtuosité. L’interprète possède un master en pédagogie à la Haute Ecole de Musique de Genève. Elle fonctionne comme suppléante à l’Orchestre symphonique de Genève (OSR).

Le cor est revenu sous l’embouchure de Joffrey Portier, 28 ans. Ce corniste étudie aussi à la Haute Ecole de Musique de Genève. Il est remplaçant à l’OSR et à l’orchestre de chambre de Genève. Il a manifesté une belle musicalité dans le «Concertino pour cor» de Carl-Maria Weber.

Puis sont arrivés les premiers de classes. La pianiste Polina Ushakova, 24 ans, venue servir Dimitri Shostakovitch dans un prélude et fugue en ré mineur. Prix du concours suisse Kiefer Hablitzel, la jeune fille russe se produit déjà en soliste internationale. On ne tombera pas dans le cliché de l’âme russe, mais Polina Ushakova a une telle vitalité, une telle sensibilité de jeu, qu’on entend en filigrane toute la marche des voix du morceau, avec le thème qui se dévoile dans de larges respirations.

C’était compter sans le clarinettiste de 24 ans Damien Bachmann, qui a littéralement scotché le jury. Accompagné au piano par Georgina Pletea, il a donné une démonstration fulgurante de tout ce que comporte la notion de virtuosité. Et cela au travers du «Concerto pour clarinette» de C-M von Weber. «Je reviens d’un mois et demi en Roumanie, mais j’ai fait la meilleure performance de ces temps. Je ne m’attendais pas à gagner le concours», s’est réjoui le clarinettiste.

«C’est un musicien de très haut niveau», a confirmé le compositeur Jean-Luc Darbellay, membre du jury. Il s’est dit satisfait en outre de voir une création originale dans le répertoire. «Il serait intéressant de creuser l’idée d’imposer au moins un morceau de création par candidat», remarque-t-il. Lui-même est en train d’écrire une symphonie pour fin 2016.

Articles correspondant: Région »