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Perspectives

Les industriels s’attendent à souffrir

La Chambre économique du Jura bernois ne parle pas encore de crise, mais de grosses interrogations pour la fin de l’année. La plupart des paramètres en baisse

Dans les entreprises industrielles du Jura bernois (ici chez MPS à Court), on observe l’avenir avec une certaine préoccupation, car les conditions cadres qui entourent leur activité ont tendance à se dégrader. Stéphane Gerber

Stéphane Devaux

Pas très réjouissantes, les perspectives des entreprises industrielles pour le dernier trimestre 2015! C’est en tout cas ce qui ressort du baromètre de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP), établi sur la base des réponses d’un panel représentatif de 22 entreprises, dont la  moitié comptent moins de 50 employés.

«Il y a clairement une péjoration des attentes des entreprises pour la fin de l’année», constate Patrick Linder, directeur de la CEP. Quasiment tous les paramètres pris en compte montrent une courbe en baisse, «dans la continuité d’une tendance qui a débuté avant même la décision de la Banque nationale d’abandonner le taux plancher».

Ce qui, selon notre interlocuteur, confirme que «le franc fort est un facteur aggravant, mais que la situation est d’abord due à des facteurs conjoncturels». Une situation qui devrait, selon toute vraisemblance, perdurer au cours des premiers mois de 2016.

Les petits plus sensibles

La CEP se dit particulièrement préoccupée par la «grande sensibilité des petites entreprises, qui semblent beaucoup plus touchées que les grandes, tant sur le plan des résultats financiers que dans leur capacité à investir et à développer la recherche.»

Reste que personne, dans la branche, n’échappe à l’érosion des marges et à l’amoindrissement des ressources nécessaires au financement de la recherche et de l’innovation. «On a beau dire que la Suisse est en tête des classements en matière d’innovation, encore faut-il que les entreprises puissent en assurer le financement», s’exclame Patrick Linder.

«Elles, en tout cas, sont conscientes que le maintien d’un niveau d’investissement suffisant est essentiel pour leur compétitivité». Une réalité qui concerne tout le système de production industrielle de l’Arc jurassien, et pas seulement les sociétés exportatrices.

Si les prévisions en matière de bénéfices et d’entrées de commandes s’orientent plutôt à la baisse (et de manière encore plus forte dans les plus petites PME), le niveau de développement global des entreprises ne devrait pas être trop affecté. Comprenez, et c’est la bonne nouvelle du jour, que les industriels du Jura bernois croient encore qu’ils pourront s’en sortir sans perdre trop de plumes, malgré un contexte morose. Les effets sur l’emploi, par exemple, devraient être moindres. Patrick Linder, de son côté, préfère parler de «grosses interrogations» plutôt que de «crise».

Cumul des contraintes

Des interrogations qui portent en particulier sur ce qu’il nomme une «détérioration des conditions-cadres» et un «cumul des contraintes». Aux inquiétudes conjoncturelles ou monétaires s’ajoutent la difficulté, toujours présente, de trouver de la main-d’œuvre, mais aussi les inquiétudes liées à certains choix politiques. En clair, le choc du 9 février (réd: le oui du peuple à l’initiative contre l’immigration de masse).

«La réponse du Conseil fédéral est très attendue , souligne le directeur de la CEP, qui redoute une «remise en question de nos relations avec l’Union européenne, qui est à la fois le premier partenaire et le premier marché de notre industrie régionale». Si on complète la liste des sources d’inquiétude avec la perception de la taxe CO2 ou les répercussions de la LAT(Loi sur l’aménagement du territoire) sur le développement des zones industrielles, on découvre un climat «peu propice à l’esprit d’entreprises».

Enfin, les industriels de l’Arc jurassien ne souhaitent en aucun cas que l’effritement du cadre global encadrant leurs activités ne compromette le financement de la formation technique et scientifique, essentielle à leurs yeux pour la pérennisation de leur branche.

Soutien aux maîtres d’apprentissage

Dans un contexte général plutôt gris, Patrick Linder est heureux de constater que les efforts de la CEP auprès des services cantonaux et du Seco ont porté leurs fruits: elle a obtenu que les maîtres d’apprentissage puissent continuer à travailler, même s’ils sont en situation de RHT (réduction de l’horaire de travail, autrement dit au chômage partiel).

«Nous savons que cela va soulager les entreprises formatrices, exemplaires dans la mesure où elles s’investissent beaucoup.» Patrick Linder évalue à 30 000 fr. le coût annuel, pour une entreprise, de la formation d’un apprenti de première année.

«Nous avons travaillé au niveau cantonal, mais la base légale est applicable au niveau suisse,» relève le directeur de la CEP. Pour lui, ce succès est la preuve qu’en période difficile, il est «pertinent d’agir de manière concrète, non-idéologique et de manière ciblée» en faveur du tissu industriel.

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