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VTT

La vive émotion de Nicolas Siegenthaler

Son poulain Nino Schurter a été sacré champion olympique de cross-country à Rio de Janeiro

Quinze ans d’une évidente complicité entre Nino Schurter et son entraîneur privé Nicolas Siegenthaler (à droite). LDD

Etienne Chapuis

Entraîneur privé de Nino Schurter depuis 15 ans, Nicolas Siegenthaler a vécu dimanche passé des moments qui resteront gravés en lui jusqu’à son dernier souffle. Aboutissement d’une carrière exceptionnelle, la médaille d’or décrochée par le vététiste grison aux JO de Rio de Janeiro a plongé l’instituteur biennois de 58 ans dans un tourbillon d’émotions. Qu’il n’a nullement cherché à masquer sur le plateau de la RTS, où il se trouvait pour commenter la course en direct dans un rôle de consultant qu’il campait avec sa faconde coutumière, loin, très loin de la superficialité des experts de tout poil qui servent de fonds de commerce à la chaîne romande.

«J’ai eu la gorge nouée dès l’instant où Nino a attaqué. Très vite, j’ai compris qu’il allait s’imposer», raconte Nicolas Siegenthaler. «Au-delà de son triomphe personnel, cette victoire constitue aussi la reconnaissance de mon travail d’entraîneur. Elle me procure une saveur intense, celle du devoir accompli.» Et ce n’est pas rien pour cet homme pas comme les autres, qui aura passé sa vie à vouer une passion sans bornes à la chose sportive. «Je suis habité par mon job», sourit-il, «tellement stressé qu’il m’arrive parfois de me réveiller la nuit avec des idées novatrices plein la tête...»

Une forme d’injustice

Le JdJ l’avait annoncé dans son édition du 21 juillet dernier, Nicolas Siegenthaler n’a pas reçu l’autorisation d’escorter son protégé au Brésil, sa requête ayant été balayée par Swiss Cycling. «J’en conçois une forme d’injustice», reconnaît-il avec le recul, «car un entraîneur tient aussi à vivre la compétition au plus près, surtout lorsqu’il s’agit de la compétition suprême par excellence. Mais bon, à force, je maîtrise ce genre de frustration. J’avais déjà dû faire le deuil des JO de Pékin et de Londres. Et en définitive, je me dis qu’un succès observé à distance vaut mieux qu’une médaille d’argent vécue sur place!» Philosophe, avec ça...

Au passage, il est permis de se demander derrière quel prétexte la fédération se réfugie pour refuser obstinément la présence de Nicolas Siegenthaler à des JO. «Je ne suis pas persona non grata, n’allez pas croire une chose pareille. Au contraire, j’entretiens de bonnes relations avec elle», explique l’intéressé. «Simplement, il se trouve que les entraîneurs privés des coureurs ne sont pas admis, car ils n’entrent pas dans le concept. C’est une question de principe. Daniel Gisiger, lui, était de la partie au titre de responsable de l’équipe nationale des pistards. Les vététistes, eux, font partie de teams privés.» Pour Nino Schurter en l’occurrence, il s’agit de Scott-Odio.

Grande complicité

A défaut d’avoir pu assister sur place à ce sacre grandiose, Nicolas Siegenthaler aura au moins apprécié le geste de son illustre champion: Nino Schurter n’a pas manqué d’avoir une pensée pour son coach à l’heure de l’interview. Il lui a témoigné publiquement sa gratitude. «Jamais de ma vie je n’ai eu le loisir de me rendre à des JO», souligne le Biennois, qui a passé une bonne partie de son enfance à Malleray, puis Evilard. «Une fois à le retraite, je compte réparer cet impair. Et j’assisterai alors, pendant deux semaines, à un maximum de compétitions dans toutes les disciplines!»

Quelle part de cette médaille d’or peut-on attribuer à l’entraîneur? «Ce n’est pas à moi qu’il appartient de la quantifier», répond Nicolas Siegenthaler. «Mais cette part existe, évidemment, puisque je m’occupe de Nino depuis 2001. Il avait alors 15 ans et s’était approché de notre équipe avec son père, un architecte. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés et avons développé une grande complicité.»

Au fil des ans, les rapports initiaux d’adulte-adolescent se sont mués en relation de confiance et d’amitié. «Nous avons énormément de respect l’un pour l’autre. Entre nous, il n’y a jamais eu le moindre nuage», affirme Nicolas Siegenthaler. «J’ai choisi la voie à suivre pour assurer sa progression. Et je pense que nous allons continuer de collaborer au moins jusqu’aux JO de Tokyo, en 2020. Il sait que je suis toujours à fond derrière lui.»

Comment ça marche

Au début de chaque saison, Nicolas Siegenthaler, entraîneur diplômé de Swiss Olympic rappelons-le, établit la planification annuelle de son coureur le plus huppé, comme il le fait d’ailleurs aussi pour ses autres «clients», une quinzaine de sportifs au total, et pas seulement des vététistes. «Ensuite, je lui concocte chaque semaine un plan de travail très précis», précise-t-il. «Il s’entraîne souvent en mon absence. Mais il m’arrive de rejoindre Nino à Coire, son lieu de domicile, ou à Macolin, où il n’est pas rare de le rencontrer. Les deux semaines qui ont précédé Rio, nous les avons passées côte à côte en stage de préparation en Engadine.»

L’enseignant biennois assiste à l’ensemble des courses de Nino Schurter sur territoire suisse et également à toutes les manches de Coupe du monde qui se tiennent en Europe. Quinze ans que cela dure. Quinze ans d’une collaboration extrêmement fructueuse que vient de couronner la performance historique de ce 21 août 2016...

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