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Insolite

Le mouton du Moron se sera payé une belle tranche de liberté

Un ruminant aura vécu seul, en forêt, durant presque quatre ans

Voilà un animal qui n’a pas suivi les autres comme un mouton de Panurge. Il aura vécu seul, en forêt.

Michael Bassin

Il n’avait pas de nom officiel. Mais ceux qui étaient au courant de son existence l’appelaient le mouton du Moron. Un animal rebelle et mystérieux puisqu’il vivait depuis plus de trois ans à l’état sauvage, dans la forêt, sur les hauteurs de Champoz, sans que personne ne sache d’où il provenait…

Mais l’étonnante histoire de ce ruminant a pris fin entre les Fêtes. Yves Bechtel, qui possède un champ non loin de l’endroit où l’animal avait élu domicile, a tout d’abord été surpris de ne plus l’apercevoir durant quelques jours. Ce qui l’a incité à effectuer le tour du secteur. Et de voir la bête, morte. «Visiblement, le mouton a chuté en bas des rochers», glisse-t-il.

«Il travaillait proprement!»

Ce mouton, les habitués du Moron le connaissaient. Mais beaucoup se gardaient, à juste titre, de divulguer son emplacement afin d’éviter que la bête devienne une attraction. Ancien maire de Champoz, André Mercerat fait partie de ceux qui étaient au parfum et qui allaient de temps en temps jeter un coup d’œil en évitant avec précaution de l’effrayer. «C’était son quatrième hiver là-haut!», raconte-t-il. «Le mouton sortait de temps en temps de sa forêt pour aller dans le champ à proximité. C’était possible de l’approcher à une quinzaine de mètres, mais pas plus près. Après il retournait dans la forêt. Il était à l’état sauvage.»

Yves Bechtel connaissait lui aussi parfaitement bien les habitudes du mouton du Moron. «Il avait vraiment son secteur dans la forêt. Il faisait des allers-retours dans un cercle d’une centaine de mètres environ. Les sentiers qu’il s’était créés étaient très visibles.» S’il se nourrissait de ce qu’il trouvait en forêt, l’animal se délectait aussi d’herbe. «Il pâturait dans mon champ, de manière très méthodique d’ailleurs. Il commençait à un endroit et progressait depuis là. Bref, il travaillait proprement. Il ne me dérangeait aucunement.» Depuis quelque temps, l’animal s’était aussi mis à ronger les écorces des arbres. Quant à la nourriture (foin ou sel) que certains promeneurs jugeant bien faire lui apportaient, le ruminant ne semblait pas vraiment intéressé, selon nos deux interlocuteurs.

Question survie, le mouton du Moron ferait pâlir d’envie tous les candidats de Koh-Lanta. Son propriétaire pourrait être fier… sauf que celui-ci ne s’est jamais manifesté! Dès l’arrivée de l’animal solitaire dans le secteur, des propriétaires de moutons ont été approchés. Mais aucun n’a reconnu l’individu comme l’un des siens. «On n’a jamais su d’où venait ce mouton. Est-il sorti d’une bétaillère, est-il venu d’ailleurs?», s’interroge encore aujourd’hui André Mercerat. «Personne ne l’a jamais réclamé, personne ne sait d’où il vient», renchérit Yves Bechtel.
Garde-faune, Louis Tschanz connaissait le mouton du Moron. Il avait pu le voir de visu, mais aussi «pris» dans des pièges photographiques posés pour le recensement des lynx. Hier, il prévoyait de se rendre sur place. «Cela concerne les gardes-faune de loin, car ce mouton reste un animal domestique. Mais nous allons tout de même essayer de déterminer la cause de sa mort qui, selon les premières informations, serait due à une chute.» A-t-il glissé, a-t-il été effrayé ? A voir.

Un cas rare, mais...

La présence de l’individu à la dense toison brune ne gênait guère le garde-faune. «Tant qu’il ne présentait aucun danger, ni pour les animaux ni pour l’homme, il n’y avait pas de problème», relève Louis Tschanz. Une maladie contagieuse aurait pu changer la donne. «Certaines régions connaissent la kératoconjonctivite, une maladie qui se transmet du mouton aux chamois et qui affecte les yeux de ces derniers. Mais cette maladie n’est pas présente dans le Jura bernois, raison pour laquelle nous ne sommes pas intervenus», explique-t-il.
Selon Louis Tschanz, le mouton du Moron est «un cas rare», notamment de par sa longévité. «Mais les hivers ne sont pas si rigoureux que ça et, visiblement, il trouvait de quoi se nourrir.» Quant aux prédateurs, seul le lynx aurait potentiellement pu s’attaquer à lui. Et encore. «Le lynx préfère nettement les animaux sauvages tels que le chevreuil et le chamois», relève le garde-faune.

Cas rare donc, mais pas totalement inédit. «Il y a quelques mois de ça, trois chèvres domestiques qui devaient aller aux abattoirs de Moutier ont pu s’échapper. Elles sont désormais sur le Raimeux. Pour l’instant, elles ne gênent personne», conclut Louis Tschanz.

Mots clés: Mouton, Moron, Fôret, Sauvage

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