Vous êtes ici

Abo

Baselworld 2017

Optimistes, malgré les vents contraires

Le plus important rendez-vous mondial de l’horlogerie et de la bijouterie ouvre ses portes aujourd’hui dans la cité rhénane, dans une atmosphère empreinte d’inquiétude, recul des exportations horlogères oblige.

En dépit d’un contexte incertain, les responsables de cette édition 2017 se sont montrés prudemment confiants; (de g. à dr.): François Thiébaud, Eric Bertrand, Sylvie Ritter et René Kamm, CEO de MCH Group. ldd-Baselworld

Philippe Oudot

Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas forcément pour Baselworld, qui fête cette année son siècle d’existence. Après des années de folle croissance, entre 2010 et 2014, l’horlogerie traverse une situation difficile. En témoigne le recul des exportations, de 3,3% en 2015, et de 9,9% l’an dernier. Pas de quoi, toutefois, entamer le moral des responsables de la grand-messe bâloise dont c’est la 100e édition cette année. Directrice de Baselworld, Sylvie Ritter a en effet souligné qu’au fil du temps, ce rendez-vous avait su s’imposer comme «une date essentielle dans le calendrier de la branche, attendue avec grand intérêt et impatience».

Elle a rappelé le chemin parcouru, depuis la 1re édition, lancée pendant la Première Guerre mondiale pour tenter de stimuler l’économie, jusqu’à la présente édition. En 1917, celle qu’on appelait alors la Foire d’échantillons avait accueilli 800exposants, dont 29 horlogers et bijoutiers, en partie sur l’actuel site. Installée dans des halles provisoires, la Foire bénéficia d’une construction en dur après l’incendie qui détruisit ces halles, en 1923.

Evolution constante
Les horlogers ont ensuite été toujours plus nombreux à participer à ce salon qui, en 1973, ouvrit ses portes aux exposants européens et prit le nom de Foire européenne de l’horlogerie et de la bijouterie. Autres dates importantes citées par la directrice: 1984, soit lorsque ce salon devint indépendant de la Foire d’échantillons. Une décennie plus tard, lorsque la Foire européenne devient le Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie, puis Baselworld, en 2003.

Le salon a l’ambition d’être le reflet du marché. Mais s’il a su s’imposer comme le rendez-vous incontournable qui reflète les nouveautés de la branche, «c’est parce que nous avons toujours su regarder de l’avant, nous réinventer, nous adapter, nous renouveler en nous transformant en permanence afin de refléter le marché en constante mutation».

Qualité plutôt que quantité
La directrice a constaté que ces 12 derniers mois avaient été difficiles et que certains exposants avaient quitté l’industrie de l’horlogerie et de la bijouterie ou avaient renoncé à participer. Cette année, Baselworld n’accueille en effet «que» 1300exposants, contre 1500 l’an dernier. Mais plutôt que d’ouvrir toutes grandes ses portes pour remplir les halles, «nous avons continué à privilégier la qualité plutôt que la quantité, et nous avons ainsi refusé un certain nombre d’exposants dont les demandes ne répondaient pas à nos critères de sélection. C’est un choix, c’est notre choix, car nous nous efforçons de montrer ce qui se fait de mieux!»

Dans ce contexte, Baselworld a ouvert une nouvelle section appelée «Les Ateliers» et qui accueille les horlogers indépendants au sein de la Halle1. «La création de cet espace nous a permis de répondre à la demande croissante du secteur». Sylvie Ritter a aussi cité l’ouverture du Design Lab, espace dédié aux créateurs en bijouterie et joaillerie, qui peuvent y présenter leurs pièces uniques innovantes et leurs créations avant-gardistes.

Anticipation
Président du Comité mondial des exposants, Eric Bertrand a pour sa part souligné que Baselworld avait toujours su faire preuve d’anticipation pour refléter le marché. «C’est ici et nulle part ailleurs que les exposants viennent présenter leurs dernières créations aux détaillants, ainsi qu’aux très nombreux médias qui donnent un large écho à ce rendez-vous dans le monde entier». Pas moins de 3800 journalistes sont en effet accrédités pour rendre compte de ce qui fera l’actualité dans les domaines de l’horlogerie et de la bijouterie ces 12 prochains mois. «Car Bâle reflète le marché mondial dans ce qu’il a de meilleur!»

Et si le contexte économique actuel est plus difficile, Eric Bertrand a constaté que «la situation actuelle est aussi une chance pour tous ceux qui ont fait correctement leur travail ces dernières années, car ils ont des bases solides pour tenir le coup face aux vents contraires. Et une fois la reprise amorcée, ils seront bien armés pour gagner des parts de marché! Pour ceux qui étaient entrés dans l’horlogerie sans légitimité, par exemple des marques de mode qui avaient rajouté l’horlogerie à leurs accessoires, la réalité est plus dure, et certains ont dû faire marche arrière et se sont retirés», a-t-il relevé.

Pas de panique!
De son côté, François Thiébaud, président du Comité des exposants suisses, a martelé que pour l’horlogerie helvétique, Baselworld était absolument incontournable. «De 29 il y a un siècle, les exposants suisses sont 220 cette année: 183 horlogers, 26bijoutiers et 11 représentants des branches apparentées.» Dans son petit survol de l’année écoulée, il a rappelé qu’avec ses 25,4mios de montres produites, l’horlogerie suisse était un acteur mineur en termes de volume – à peine 3% des 1,2 milliard de pièces produites l’an dernier dans le monde. Mais avec une part de 60%, c’est en revanche un poids lourd en termes de valeur.

S’agissant du recul enregistré en 2016 – les horlogers ont exporté pour «seulement» 19,4milliards de francs –, François Thiébaud a estimé qu’il n’y avait rien de dramatique, rappelant que les problèmes sécuritaires, politiques et monétaires survenus l’an dernier avaient notamment affecté l’horlogerie et le tourisme. Il a toutefois relevé que l’an dernier, la valeur des exportations était la même qu’en 2011. Et de rappeler qu’«après le mauvais temps, le beau temps finit par arriver».

En tout état de cause, le président du Comité des exposants suisses s’est dit optimiste pour l’avenir, soulignant notamment que le renforcement des critères donnant droit au label Swiss made allait contribuer à dynamiser la branche.

 

 

Esthétique plus sobre et modèles plus accessibles

Ingéniosité  Après une année 2016 difficile, les marques ont fait de gros efforts pour séduire à nouveau les consommateurs. Les horlogers ont redoublé d’ingéniosité pour développer de nouveaux produits afin de se distinguer de la concurrence. Il s’agit non seulement de créer de beaux objets appelés à durer, mais aussi de perfectionner les mécanismes, en améliorer la précision, la fiabilité la résistance aux chocs et autre rayures, bref de permettre aux garde-temps de durer en conservant leur éclat et leur fonctionnalité.

Design sobre  Du point de vue esthétique, la tendance est aux designs épurés, ce qui fait de la montre un objet qui peut être porté au quotidien, en toutes circonstances. Si le traitement PVD noir était encore de mise l’an dernier, l’heure est aux teintes plus classiques. On trouve beaucoup de boîtiers en acier avec traitement PVD or jaune ou or rose. Dans les collections dame, diamants et autres sertissages restent d’actualité, mais les horlogers proposent toujours plus de complications mécaniques. Et comme ces dernières années, nombre de marques rendent hommage à leur propre histoire en réinterprétant en éditions vintage des pièces de légende qui ont fait leur succès dans les années 50 ou 60.

Fonctionnels  Situation économique oblige, les marques proposent des modèles plus simples, et donc plus accessibles, que lors des années fastes. L’innovation est plus présente que jamais et est mise au service de la fonctionnalité, de la durabilité, et du confort. Les mécanismes sont toujours plus performants, avec des complications utiles et des systèmes de réglages novateurs et d’une grande simplicité à l’usage.

Swiss made  Avec l’entrée en vigueur du nouveau label, le 1er janvier 2017, on sent les efforts consentis pour donner au consommateur davantage de garanties en termes de qualité, de bienfacture et de provenance. Le principal changement amené par le renforcement consiste à préciser un critère de valeur minimum sur la montre, plus uniquement sur le mouvement. Pour être estampillée Swiss made, une montre doit satisfaire à l’exigence de 60% minimum de valeur suisse (50% précédemment). Les exigences précédentes comme l’incorporation d’un mouvement suisse, l’emboîtage et le contrôle final en Suisse sont maintenues. S’y ajoutent de nouveaux critères, comme les coûts de recherche et développement ou de certification.

 

 

«Une vision d’avenir»

Sylvie Ritter, Baselworld est le rendez-vous du luxe horloger et bijoutier. Qu’est-ce que vient y faire Samsung, le géant de l’électronique de divertissement?

Baselworld n’est pas le rendez-vous du luxe horloger et bijoutier, mais le rendez-vous mondial de l’horlogerie et de la bijouterie. En tant que tel, il a pour mission de refléter ce marché dans toute sa diversité, et il n’y a pas lieu d’en exclure les montres connectées.

Certes, mais nombre d’horlogers qui présentent dans leurs collections des smartwatches ont une véritable légitimité horlogère, contrairement à Samsung… Baselworld ne risque-t-il pas d’y perdre une partie de son âme en s’ouvrant à l’électronique de divertissement?

Nous ne partageons pas votre avis.

Avant de devenir ce rendez-vous incontournable de l’horlogerie et de la bijouterie, Baselworld était une grande foire générale. Au fil des ans, ce rendez-vous a trouvé sa place en se concentrant sur ces deux branches et en renforçant sa sectorisation. Cette ouverture au monde de l’électronique ne représente-t-elle pas un retour en arrière?

Non. Baselworld depuis 100 ans n’a eu de cesse d’adapter son concept à une branche en constante mutation. Il va sans dire que ce que nous faisons, nous le faisons toujours avec une vision d’avenir.

Ne faites-vous pas, en quelque sorte, entrer le loup dans la bergerie?

Les produits horlogers traditionnels ont un pouvoir d’attraction inégalé au niveau mondial et n’ont pas à craindre les produits connectés. Les uns ne vont pas remplacer les autres.

 

Baselworld en bref

Durée du Salon: du jeudi 23 mars au jeudi 30 mars 2017.

Heures d’ouverture: tous les jours, de 9h à 18h, dimanche compris, sauf le dernier jour, jusqu’à 16h.

Prix d’entrée: 60fr.

Accès en transports publics:de la gare principale, avec les trams 1 et 2.

Accès en voiture: système Park & Ride mis en place. Suivre les indications «Messe», qui conduisent à des parkings. De là, des bus navettes conduisent les visiteurs jusqu’à l’entrée de Baselworld.

Articles correspondant: Région »