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Bienne

Le bilinguisme à nouveau mis à mal

Le Parti radical romand s’insurge contre la nomination de cinq secrétaires généraux adjoints, tous alémaniques. Il demande des explications au Conseil municipal.

Pascal Bord, élu PRR. (photo Anita Vozza)

Christian Kobi

La nomination de cinq nouveaux secrétaires généraux adjoints au Conseil municipal, annoncée par la Ville à la mi-août, fait des vagues. La raison? Ils sont tous alémaniques, comme les cinq secrétaires généraux déjà en poste. Ce qui fait bondir le Parti radical romand (PRR). «Ce n’est pas sérieux de la part d’une ville bilingue de ne pas respecter un minimum l’égalité entre les langues», s’emporte Pascal Bord au micro de Canal 3. L’élu estime qu’il ne s’agit pas uniquement d’une question de langue, mais aussi de sensibilité culturelle dont il faut tenir compte lors de l’engagement d’une personne dirigeante.

Le groupe parlementaire PRR a donc rédigé une interpellation urgente qu’il déposera lors de la prochaine séance du Conseil de ville, le 21septembre. Dans ce document, il s’interroge sur l’égalité de traitement entre francophones et germanophones au sein de l’administration biennoise. «Cette égalité est plus ou moins respectée au niveau du personnel, mais nous souhaiterions savoir ce qu’il en est au niveau des cadres», enchaîne Pascal Bord, qui exige que des chiffres lui soient fournis.

Effet boule de neige
Selon le PRR, il existe un risque d’effet boule de neige au sein du personnel de la Ville. Autrement dit: plus le nombre d’Alémaniques aux postes clés sera élevé, moins les francophones auront envie d’y travailler. «Dans un milieu totalement alémanique, il est possible que des Romands hésitent à être le seul alibi francophone et renoncent donc à se porter candidat», avertit le conseiller de ville, qui estime que les cadres alémaniques devraient s’entourer de Romands, et vice-versa. «Il y a une manière différente d’appréhender la société et de traiter les dossiers entre francophones et germanophones. Malheureusement, dans plusieurs départements, la langue de travail interne est uniquement en allemand. Les Romands n’ont donc que peu de chance de s’y intégrer.»

La question de la manière dont les postes ont été mis au concours est également posée. «Est-ce que tout a été mis en œuvre pour recruter des personnes francophones, par exemple en passant par d’autres canaux que les annonces traditionnelles?», s’interroge Pascal Bord.

Une réflexion que partage le Forum du bilinguisme, pour qui la Ville devrait fournir un effort supplémentaire pour obtenir des postulations francophones, particulièrement lorsqu’il s’agit de poste de cadre. «Cela passe par des annonces ciblées en Suisse romande, un réseau dynamisé avec les hautes écoles et différents partenaires de formation», déclare sa directrice, Virginie Borel.

Du côté de la Ville, on indique veiller, lors de la présélection des candidats, «à avoir un choix équilibré de francophones et d’Alémaniques hommes et femmes, ceci à compétences plus ou moins égales.» Mais on précise aussi que «cela n’est malheureusement pas toujours possible».

«Faute politique»
Dans ce cas-ci, 93candidatures ont été déposées: 75 provenaient d’Alémaniques, soit un taux de 81%, et seulement 18 de francophones (19%). Sur les 25personnes sélectionnées pour des entretiens, seules sept étaient francophones. «Et il s’est avéré, suite aux entretiens conduits, qu’aucune candidature francophone n’a abouti en phase finale de la sélection», écrit le département du personnel, qui précise que «les secrétaires généraux et leurs adjoints sont pour la plupart bilingues ou ont une très bonne compréhension du français».  

Cela ne suffit pas à calmer Pascal Bord, qui se demande s’il ne faut pas considérer ces nominations comme «une faute politique, voire un affront aux francophones dans une ville où ils sont presque 50% à vivre».

Pas question de quotas
Pour autant, l’élu n’est pas favorable à l’instauration de quotas. «Les quotas sont une mauvaise chose, aussi bien pour la langue que pour le sexe. Il faut juste veiller à instaurer des conditions cadres qui permettent aux Romands de se développer et de s’épanouir au travail.»

Les quotas, le Conseil des affaires francophones (CAF) n’y est pas favorable non plus. Sans vouloir commenter le cas précis, le CAF avoue qu’il y a «de gros progrès à réaliser sur le marché du travail francophone à Bienne». Il salue la volonté de la Ville d’avoir 40% d’apprentis francophones et souhaiterait que «les efforts fournis en faveur des apprentis, très importants à nos yeux, se fassent aussi au niveau du personnel et des cadres».
Le Conseil municipal disposera de deux mois pour répondre à l’interpellation urgente du PRR.

 

Peu de romands au sein des sphères dirigeantes
Selon le rapport de gestion 2016 de l’administration biennoise, la Ville emploie 1238 collaborateurs. Parmi eux, 805 sont alémaniques (65%) et 433 sont francophones (35%). Ce rapport est nettement plus déséquilibré au sein des sphères dirigeantes. Sur les 28 postes de cadres supérieurs (conseiller municipal, responsable de département, secrétaire de direction, chancelier), 23sont occupés par des germanophones et 5 seulement pas des Romands. Soit une proportion de 82,1% contre 17,9%.

 

 

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