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Hockey sur glace

«Il faut respecter la décision de la NHL»

Icône du hockey sur glace canadien, Martin Brodeur est de passage à Bienne dans l’encadrement de la sélection à feuille d’érable, qui affronte la Suisse mercredi soir (20h15) à la Tissot Arena. Gardien retraité depuis 2015 après 22 saisons en NHL, le Québécois de 45 ans a accordé une entrevue au JdJ.

Martin Brodeur à la Tissot Arena. «C’est la deuxième fois que je viens en Suisse. La première, c’était à Berne en 2005 me semble-t-il», dira-t-il. (Matthias Käser)

Propos recueillis par Laurent Kleisl

Le sport construit ses mythes et ses légendes à la va-vite. Un statut d’éternité trop souvent surfait. Pas pour Martin Brodeur. Retraité du hockey depuis 2015, le Québécois de 45 ans est une vraie légende, un vrai mythe, un des plus grands gardiens de la longue histoire de la NHL. Aujourd’hui, il occupe diverses fonctions de management, dont celle d’adjoint du directeur du programme olympique à la feuille d’érable. Quelques heures avant la rencontre entre la Suisse et le Canada, ce soir dès 20h15 à la Tissot Arena, ce monstre sacré du hockey s’est confié au JdJ.

Martin Brodeur, le refus de la NHL de libérer ses joueurs pour les Jeux olympiques complique-t-il votre tâche de sélection?
Il nous serait plus facile de choisir des joueurs évoluant en NHL. Pour le management, c’est plus complexe, car nous devons suivre d’autres ligues, comme la KHL. Dans le programme du Hockey Canada, je suis l’assistant du directeur général Sean Burke. C’est un travail à temps partiel, car mon engagement est aux Blues de Saint-Louis, comme adjoint du manager général Doug Armstrong.

Vous figurez parmi les pionniers qui ont représenté la NHL pour la première fois aux JO, en  1998 à Nagano. Comment ressentez-vous son absence à PyeongChang?
J’ai énormément profité des JO, j’y ai vécu des moments inoubliables. Chaque joueur a envie de vivre l’expérience olympique, mais la NHL est un business, il faut respecter ses décisions et celles des propriétaires. La situation actuelle offre une opportunité à des hockeyeurs qui ne pensaient jamais aller aux JO. Sans les joueurs de NHL, la compétition sera davantage équilibrée. Des nations qui n’ont normalement aucune chance de médaille peuvent créer la surprise.

Ce tournoi olympique «newlook» permettra aussi aux franchises de NHL de faire leur marché...
Chaque fois que je regarde une équipe, là-dedans, ça travaille (il pose un index sur sa tempe)! Regarder les agents libres qui évoluent dans le marché européen fait partie de mon job à Saint-Louis. Avec le plafond salarial en vigueur en NHL, c’est important de trouver des joueurs quasiment gratuits qui peuvent nous aider. Cette fin de semaine à Helsinki, toutes les franchises de NHL seront représentées.

Vous évoquiez le plafond salarial, fixé à 75 millions de dollars par saison pour une équipe de NHL. Entre ligues mineures, échanges, blessés, rachats de contrat, est-ce gérable?
Mon boss à Saint-Louis est dans ce business depuis plus de 20 ans. Malgré tout, il paie quelqu’un pour surveiller notre plafond, tant de paramètres étant imbriqués. Quand on veut effectuer un échange, on lui demande où on en est, quelle masse salariale on doit enlever ou on peut ajouter.

Dimanche, Matt Duchene a quitté l’Avalanche du Colorado en plein milieu d’un match. Il venait d’être échangé aux Ottawa Senators…
J’ai été témoin de beaucoup d’échanges durant ma carrière, mais jamais en cours de partie. Je me souviens qu’une fois, on se préparait à embarquer sur la glace pour un match quand le coach a appelé un coéquipier. Il est parti avec lui et on ne l’a plus jamais revu!

De votre côté, vous avez mis un terme à votre carrière en janvier 2015. Un jour, le hockey s’est arrêté. Comment ça se passe? On se lève un matin et on prend du ventre?
(rires) Un peu, ça a déjà commencé! J’ai été chanceux, car dès que je me suis retiré, j’ai été engagé dans l’organisation des Blues. Il n’y a eu aucune coupure, cela m’a aidé après mon retrait. Tous les matins, je me rends à l’arena, j’ai gardé la même routine. C’est le fun de voyager en équipe, de gagner en équipe, mais la position que j’occupe est presque ce qui se fait de plus proche de la glace sans jouer au hockey.

Vous avez quitté les New Jersey Devils en juin 2014, après 21 saisons de fidélité, avant de vous retirer quelques mois plus tard sous le maillot de Saint-Louis. Est-ce un regret?
J’ai toujours pensé que je finirais au New Jersey. Mais durant ma dernière année aux Devils, je me demandais sans cesse si je n’allais pas regretter de ne pas être allé voir ailleurs. L’opportunité de rejoindre Saint-Louis s’est offerte, et il se donne qu’aujourd’hui, je ne travaille même pas au New Jersey! En 2015, les Devils ont également changé toute leur organisation après le départ pour les Toronto Maple Leafs du directeur général Lou Lamoriello (red: manager tout puissant de New Jersey pendant 29 ans).

Interdiction des cheveux longs, suppression des numéros de maillot trop élevés qui tapent à l’œil et autres spécialités, tout ce qui se raconte sur Lamoriello est-il vrai?
Oui, absolument tout (rires)! Quand on vit dedans pendant autant d’années, on ne s’en rend même plus compte. C’est après coup qu’on repense à toutes ces petites choses... Il y avait tellement de règlements internes à respecter! Cela nous tenait en ligne, et quand au bout il y a des Coupe Stanley, cela ne dérange personne de suivre toutes ces règles.

Aujourd’hui, le New Jersey vibre pour le Valaisan Nico Hischier...
Comme j’ai toujours un œil sur les Devils, je l’ai un peu suivi. Il a déjà de l’impact dans le jeu. Les Devils intègrent des jeunes et Hischier fait partie du noyau qui va beaucoup aider la franchise. C’est un attaquant très complet, capable de jouer dans les deux sens de la patinoire.

Tout comme Nico Hischier, vous avez découvert la NHL très jeune, à 19ans. A cet âge, sous les projecteurs, est-il facile de garder la tête froide?
J’ai la chance d’avoir grandi dans une famille de sportifs. Mon père était gardien et a participé aux JO de 1956 à Cortina d’Ambezzo avec le Canada. Ensuite, il est devenu un photographe de sport (réd: décédé en 2013, Denis Brodeur reste une référence en la matière en Amérique du Nord). Depuis tout jeune, j’ai été exposé à des joueurs professionnels de hockey ou de baseball. J’ai appris comment me tenir, comment réagir dans certaines situations. Mon père m’a expliqué les bons et les mauvais côtés du sport pro. J’étais bien armé pour choisir le bon côté!

 

Martin Bordeur en deux mots

L’homme Né le 6 mai 1972 à Montréal. Manager adjoint des Saint-Louis Blues et du programme olympique de Hockey Canada.

En NHL Repêché en 1990 (20e choix) par les New Jersey Devils. Gardien des Devils entre 1991 et 2014. Retraite annoncée le 27 janvier 2015 après sept derniers matches aux Saint-Louis Blues. 1471 matches en NHL, seul gardien, avec Patrick Roy, à avoir dépassé les 1000 matches en saison régulière de NHL.

Ses succès Vainqueur de la Coupe Stanley en 1995, 2000 et 2003 avec les New Jersey Devils. Champion olympique en 2002 (Salt Lake City) et 2010 (Vancouver) avec le Canada. Récipiendaire du Trophée Vezina (meilleur gardien de NHL) en 2003, 2004, 2007 et 2008.

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