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Bienne

«Un choix entre un service public et une information privatisée»

A un peu moins de trois semaines du scrutin, la conseillère fédérale Doris Leuthard a plaidé contre l’initiative No Billag hier soir lors d’un débat organisé par le Forum du bilinguisme.

Doris Leuthard a répondu aux questions d’Urs Gredig, rédacteur en chef de CNN Money Switzerland. Photo:Matthias Käser
  • Dossier

par Didier Nieto

Le débat public sur l’initiative No Billag qui s’est tenu hier soir à la Maison du Peuple a attiré une foule conséquente. Le Forum du bilinguisme, qui organisait l’événement, avait , il est vrai, un solide argument promotionnel: la présence de la conseillère fédérale Doris Leuthard.

Devant environ 200personnes, la cheffe du Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a combattu une initiative qui, selon le gouvernement, nuit à la pluralité et à la qualité des médias en Suisse. Pour rappel, No Billag, sur lequel le peuple votera le 4mars, prévoit de supprimer la redevance radio/TV perçue par la société Billag et d’interdire à la Confédération de subventionner des émissions de radio et de télévision. «Ce sera donc un choix entre une information de service public et une information privatisée», a résumé la politicienne, qui répondait sur la scène aux questions d’Urs Gredig, rédacteur en chef de la toute nouvelle chaîne CNN Money Switzerland.

Le rôle des médias locaux
Doris Leuthard a tout de même reconnu à l’initiative le mérite de susciter un débat sur le rôle et les coûts de la SSR, la principale bénéficiaire de la redevance. «Elle a eu tendance à grossir un peu trop entre 1990 et 2005. Mais depuis, elle se maintient dans un cadre tout à fait correct. Chaque entreprise doit veiller à réduire ses coûts. La SSR n’y échappera pas, puisqu’elle recevra 50millions de moins dès l’année prochaine.» La conseillère fédérale a regretté que la campagne se cristallise un peu trop sur le sort de la SSR. «On ne parle pas assez des médias régionaux. Ils jouent pourtant un rôle essentiel pour la démocratie grâce à leur traitement de l’information locale. Avec la SSR, ils forment le service public et contribuent à la cohésion nationale.»

La ministre a encore expliqué pourquoi le Conseil fédéral avait renoncé à transformer la redevance en un impôt. «Le problème, c’est que 33% de la population ne paie pas d’impôts. Et les recettes fiscales sont inscrites dans le budget de la Confédération, et sont donc dépendantes du climat politique qui règne dans les chambres fédérales. Avec la redevance, qui est perçue de manière indépendante, nous garantissons la stabilité.»

«La Pay TV, c’est possible»
L’intervention de la conseillère fédérale a été suivie par une opposition entre le conseiller aux Etats socialiste Hans Stöckli et le co-président du comité d’initiative No Billag Thomas Juch. Ce dernier a estimé que la cohésion nationale ne dépendait pas que de la télé et de la radio. Et il a jugé parfaitement possible pour les médias qui vivent aujourd’hui de la redevance de se financer grâce à davantage de recettes publicitaires ou via un système d’abonnement. «Personne n’investira dans une chaîne italophone, voire francophone, car ce ne sera pas rentable», a rétorqué Hans Stöckli. «Il y a une Pay TV qui marche très bien au Lieschstenstein», a souligné le partisan de No Billag, qui a accusé les détracteurs du texte de confondre solidarité avec contrainte. «La seule conséquence d’un oui dans les urnes sera une désolidarisation du système helvétique», a répondu l’ancien maire de Bienne. «Les gens qui n’ont pas d’enfant paient pour financer les écoles. Ceux qui n’ont pas de voiture paient pour l’entretien des routes. C’est ça la solidarité en Suisse.

En fin de soirée, une table ronde a réuni plusieurs acteurs du paysage audiovisuel suisse. Directeur des publications directeur des publications du groupe Gassmann, Julien Grindat n’a pas nié le besoin du service public régional de se remettre en question. «Mais cela ne sera pas possible si No Billag passe. Car l’initiative vise le démantèlement de ce service public.» Constat partagé – à l’échelon national – par le directeur de la SSR Gilles Marchand.

 

Trois questions à Doris Leuthard
Le dernier sondage montre que 60% des Suisses rejetteraient l’initiative. Etes-vous confiante pour le 4 mars?
Il y a toujours des gens qui ne disent pas vraiment ce qu’ils vont voter ou qui sont indécis. C’est pour ça que nous continuons de nous engager pour expliquer à la population ce que seront les conséquences en cas de oui à l’initiative.

Les détracteurs de No Billag évoquent la fin de la démocratie si l’initiative est acceptée. N’est-ce pas exagéré?
Ce n’est pas ce que dit le Conseil fédéral. Mais une démocratie existe grâce à la variété des médias. En menaçant l’existence de 34 radios/TV régionales, l’initiative aurait donc des effets indésirables sur la démocratie.

Le comité No Billag reproche à la Confédération de ne pas avoir élaboré de plan B en cas de oui. Que répondez-vous à ces critiques?
Nous avons regardé ce qui était possible de faire avec une recette de la redevance réduite d’un tiers, de moitié... Le parlement a estimé que les services fournis aujourd’hui partout en Suisse ne pourraient plus être maintenus. Il faudrait biffer tout le sport, les films... Or, il faut que ces offres restent accessibles pour tout le monde, sans distinction entre les régions.

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