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Reconvilier

Malgré les obstacles, elle n’a pas flanché

Pascale Beucler a rejoint le cercle très fermé des femmes colonels. Depuis le début de l’année, elle est engagée en tant que chef du personnel de la Justice militaire.

Depuis plus de 30 ans, Pascale Beucler est fière de servir son pays. Photo: LDD

Ni sportive, ni ambitieuse. Pourtant, Pascale Beucler a gravi tous les échelons de l’armée suisse avec brio. En début d’année, l’habitante de Reconvilier, qui a rejoint le cercle très restreint des actuelles sept femmes colonels, nous reçoit dans sa maison, située sur les hauteurs de Chaindon. Elle vit dans un environnement richement décoré. Au milieu de brevets militaires, d’armes et de photos de famille se trouvent une multitude de poupées, déposées dans de grandes vitrines. «Je les collectionne depuis des années. Mes 270 poupées proviennent du monde entier, à l’exception du continent océanien», précise-t-elle.

Elle pointe du doigt le brevet, accroché le plus au centre. «Voilà, le dernier, celui de colonel. C’est mon mari qui a souhaité rendre mes distinctions visibles. Je crois qu’il est encore plus fier que je le suis.» Et la militaire d’ajouter, avec reconnaissance: «Sans le soutien de mon mari, je pense que j’aurais arrêté. A l’école de sous-officiers, la rivalité entre les femmes était difficile à gérer. L’ambition avait pris, pour certaines, le pas sur la solidarité.»

Madame le colonel est engagée en tant que chef du personnel de la Justice militaire (JM). «Ma fonction militaire est liée à ma fonction professionnelle de Teneur du contrôle de corps et suppléante chef d’Etat-major au sein de l’Office de l’auditeur en chef, au Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).» Elle s’occupe de la tenue du contrôle de Corps pour les membres de la justice militaire, de la comptabilité de la troupe et du secrétariat de Direction de l’auditeur en chef.

L’armée s’ouvre aux femmes
Pascale Beucler, aujourd’hui âgée de 53 ans, a rejoint l’armée il y a plus de 30 ans. «La votation de 1981 sur l’égalité entre les sexes a ouvert le débat. Certains hommes, et à juste titre, nous disaient: ‹Si vous voulez l’égalité totale, il faut aussi répondre aux mêmes obligations que les hommes›. Alors, j’ai souhaité apporter ma contribution.»

L’engagement de son père, agent de police, et de son frère, président d’une société de sous-officiers, l’a sans doute également confortée dans sa décision de servir le pays. Mais de quelle manière allait-elle le faire? «La Croix-Rouge ? Non, j’étais trop sensible face à la douleur humaine. J’ai ensuite pensé à la protection civile. N’étant pas bricoleuse, le non s’imposait.» Par élimination, elle choisit alors de s’inscrire à l’école de recrues.

Lors du recrutement, le médecin voulait la déclarer inapte au service. «Car je n’étais pas suffisamment sportive. Heureusement, je suis parvenue à le convaincre.»

Malgré ses difficultés physiques, elle n’a rien lâché. «Lors d’une marche, je me souviens être tombée violemment avec mon sac à dos.» Cet accident l’a mise hors jeu pour le reste de la marche, mais ne l’aura pas empêchée de terminer son école de recrues, qui durait à l’époque un mois pour les femmes.

Se dépasser
Elle ira jusqu’à souffrir d’hyperventilation. Pourtant, elle n’abandonnera pas les entraînements. Récompensée par ses efforts, elle finira par gagner en endurance. «Avec l’aide d’un fantassin, spécialiste de la montagne, j’ai appris à ne pas partir trop vite pour tenir la distance», explique-t-elle.

Après le sport, elle s’est mise à la langue de Goethe. «J’étais désavantagée. Certains cours étaient uniquement en allemand. Dès mon paiement de galon de lieutenant, j’ai donc tout fait pour que les recrues qui dépendaient de moi ne subissent pas les mêmes difficultés». Aujourd’hui, bien que ne s’affichant pas bilingue, elle parvient à comprendre l’allemand et à s’exprimer dans cette langue.

Prenant goût à l’armée, elle enchaîne les promotions militaires. Jusqu’à ce que l’on lui refuse sa proposition pour l’école d’adjudant de bataillon. «On m’a dit que je n’avais pas l’apparence physique adaptée.» Depuis, l’armée s’est réformée en termes d’égalité: «Ça a énormément évolué. Aujourd’hui, les femmes et les hommes ne sont plus séparés et la durée des services est identique.»

Ultra-minoritaires, les femmes – elles représentent près de 0.3% des effectifs – font l’objet d’une campagne de recrutement. «La justice militaire a ainsi pu engager plusieurs juges militaires de sexe féminin.», s’enthousiasme-t-elle.

Par ailleurs, elle salue la non-féminisation des fonctions militaires. «On dit Madame le colonel et non la colonelle. Je trouve cela bien, car en gardant le même intitulé, on sous-tend que les femmes remplissent le même cahier des charges.»

L’amour du pays
Pascale Beucler croit dur comme fer à l’armée. «Nous devons être capables de faire respecter notre neutralité.» Elle trouve important de continuer à investir de l’argent dans l’armée. «Si tu veux la guerre, prépare la paix. Cela s’est encore vérifié récemment avec la prise de la Crimée. Peu préparée, l’Ukraine a été incapable de se défendre face à la Russie.»

Habitée par un profond respect des institutions du pays, elle conçoit son engagement dans l’armée comme une évidence. «On a une chance de vivre dans ce pays extraordinaire, où la sécurité règne. Les institutions y sont stables et les droits de l’homme y sont développés. Alors, je pense que ça vaut la peine de faire un effort pour maintenir cette qualité de vie», conclut-elle.

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