Le succès? Rester fidèle à sa ligne

Par Philippe Oudot

Il peut bien avoir un large sourire, Walter von Kaenel, dans son modeste bureau du stand Longines, à Bâle. Celui qui dirige la marque depuis 30ans en a fait une des entreprises les plus prospères de l’horlogerie suisse. En effet, depuis quelques années, la maison imérienne fait partie du club des milliardaires, ces marques qui réalisent un chiffre d’affaires dépassant le milliard de francs.

L’an dernier, alors que beaucoup d’horlogers tiraient toujours le diable par la queue, Longines a une fois encore dépassé la barre du milliard et demi de francs, «pour la troisième fois!», précise le boss. Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’il a désormais les deux milliards dans son viseur. Un objectif qu’il espère atteindre «en deux, maximum trois étapes».

Désormais troisième
La croissance de la maison au sablier ailé est d’ailleurs telle que les analystes estiment qu’elle a encore gagné un rang au classement de marques, calculé sur leur chiffre d’affaires consolidé. Longines figurerait désormais en troisième position, derrière Rolex et Omega, mais devancerait Cartier, Tissot et Patek Philippe, les six marques faisant toutes parties du cercle des milliardaires.

Sans surprise, la Chine constitue le premier marché de Longines. «La Grande Chine», précise Walter von Kaenel, qui comprend la Chine continentale, Hong Kong, Taïwan, Macao, sans oublier les touristes chinois. «Ce succès est le résultat d’une politique mise en œuvre de longue date et d’un excellent positionnement de prix – Longines réalise 50% de son chiffre d’affaires avec des montres vendues entre 1500 et 3000 fr., prix public.» De ce fait, ajoute-t-il, la marque n’a pas du tout été pénalisée par les mesures anticorruption prises par le gouvernement.

Impact positif sur les ventes
Quant à la limitation des retraits d’argent que ce dernier a imposé aux touristes chinois et au renforcement des contrôles douaniers à leur retour, ils n’ont eu aucun impact sur les ventes. Walter von Kaenel observe au passage que s’ils rentrent au pays avec une ou deux montres, les douaniers ne se montrent pas trop regardants. Il constate par ailleurs une sensible évolution du type de tourisme, les grands groupes étant de plus en plus remplacés par de plus petits, ou par des touristes individuels, «ce qui a aussi un effet positif sur les ventes».

Si la marque a concentré ses efforts pendant des années sur l’Extrême-Orient, et en particulier sur la Chine, Longines s’est également attaquée depuis quelque temps aux Etats-Unis. «Nous y poursuivons la restructuration de notre dispositif et cela commence à porter ses fruits, avec des résultats positifs à fin 2017 et en ce début d’année. Mais la bataille n’est de loin pas finie et elle pourrait prendre une dizaine d’années», relève-t-il dans son langage au style très martial.

Un marché particulier
Les Etats-Unis sont en effet un marché particulier, avec quelques marques dominantes, une surreprésentation des marques fashion, et un système de distribution spécifique où prédominent de grandes chaînes de magasins comme Macy’s, et des clients qui consomment d’une manière différente.

S’agissant de la Russie, Walter von Kaenel observe qu’avant la chute du rouble et les mesures prises par le président Poutine pour protéger son industrie nationale, le marché russe occupait, bon an mal an, le 15erang pour les exportations horlogères. Depuis, il a dégringolé pour se retrouver en 23eposition. Le boss de Longines observe toutefois que le climat de consommation semble repartir à la hausse, avec une spectaculaire croissance des exportations de 24% en ce début d’année.

«Je suis particulièrement fier du succès de la Longines VHP, notamment en Chine»

Cette année, la maison imérienne décline de nombreuses nouveautés dans ses collections, avec trois points forts.

Longines VHP Si les garde-temps de la maison au sablier ailé sont avant tout équipés de calibres mécaniques, Walter von Kaenel se félicite de n’avoir jamais abandonné la production de montres à quartz (environ 20%), encore bien présentes dans l’entrée de gamme et pour les petites montres dame. Pas étonnant donc qu’il ait chargé ses ingénieurs, en collaboration avec ceux d’ETA, de développer un tout nouveau calibre à quartz ultraprécis, qui équipe la Conquest VHP, abréviation de very high precision, qui avait été dévoilée l’an dernier.

«J’avais défini un cahier des charges très clair pour ce mouvement: une précision de plus ou moins cinq secondes par an; un calendrier perpétuel; une pile longue durée de quatre à cinq ans, une résistance aux chocs et au magnétisme, avec réinitialisation des aiguilles après un choc ou une exposition à un champ magnétique, ainsi qu’une couronne intelligente permettant un accès facile à toutes les fonctions, le tout à moins de 1000 fr. Résultat: c’est donc une montre de haute technicité à un prix très accessible», souligne le patron. Qui plus est, ajoute-t-il, en cas de réclamation, la montre est aussitôt échangée, celle ayant un problème étant aussitôt renvoyée à l’usine, à Saint-Imier. «Nous ne voulons pas que les horlogers commencent à s’en occuper eux-mêmes.» Désormais aussi disponible en version chronographe, la VHP le sera également avec fonction GMT.

Walter von Kaenel se dit particulièrement fier du succès de cette Longines VHP, notamment en Chine, pays pourtant friand de montres à mouvement mécanique «C’est vraiment une très grande satisfaction.» Mais ce garde-temps au look résolument sportif fait aussi un tabac sur tous les marchés, et notamment aux Etats-Unis.

HydroConquest Etanche à 300m, la montre de plongée se décline dans de nouvelles variantes qui reprennent toutes les exigences de la discipline: couronne et fond vissés, protection de la couronne, bracelet à boucle déployante avec rallonge et, bien sûr, lunette tournante unidirectionnelle. Une lunette qui, cette année, se pare de céramique ultrarésistante. Comme le souligne le boss, «l’HydroConquest fait un tel tabac qu’on n’arrive presque pas à suivre!»

Record Dévoilée l’an dernier, la collection Record, qui abrite deux calibres exclusifs (homme et dame), allie élégance classique et excellence. Une excellence rendue possible grâce au spiral en silicium, un matériau léger, résistant à la corrosion, insensible aux champs magnétiques et aux variations de température. Des qualités désormais certifiées puisque tous les modèles de la collection ont obtenu le certificat chronomètre délivré par le COSC. Cette année, Longines présente des variations en or rose et en bicolore acier-or rose. Très satisfait des performances du spiral en silicium, Walter von Kaenel songe à en élargir l’utilisation dans d’autres collections.