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Baselworld

Un salon en transition

A la veille de l’inauguration officielle du rendez-vous horloger bâlois, ses dirigeants ont tenu à se montrer rassurants, malgré les nombreuses défections. Ils ont promis un nouveau concept pour 2020.

Lors de cette conférence de presse, c’est la journaliste Christina D’Agostino (tout à droite), rédactrice en chef du magazine Bilan, qui a interrogé tour à tour les participants. Keystone

Bâle, Philippe Oudot

Baselworld 2019 s’ouvre sous le signe de la transition et du changement. Hier, en fin de journée, ses organisateurs ont voulu en donner un premier signe lors de la traditionnelle conférence de presse précédant l’ouverture officielle. Plutôt que des discours convenus, c’est sous forme d’interviews que les intervenants se sont exprimés.

CEO par intérim de MCH, la société qui héberge Baselworld, Hans-Kristian Hoejsgaard a admis avoir fait face à de grandes difficultés l’an dernier. L’objectif est désormais de tout faire pour mieux servir les clients, donc les exposants, avec une stratégie mieux adaptée au monde numérique. Des propos appuyés par Michel Loris-Melikoff, directeur de Baselworld depuis juillet dernier. «Ma priorité est d’améliorer notre communication, d’écouter les exposants, de répondre au mieux à leurs besoins. Nous avons revu les accords avec les hôteliers et les restaurateurs au niveau des prix, et amélioré la restauration à l’intérieur du Salon.»

Salons synchronisés
Et pour répondre à une demande pressante des exposants, mais aussi des visiteurs professionnels, Michel Loris-Melikoff s’est entendu avec Fabienne Lupo, CEO du Salon de la haute horlogerie de Genève, afin de synchroniser les dates des deux manifestations. Karl-Friedrich Scheufele, coprésident de Chopard, Thierry Stern, président de Patek Philippe, et Jean-Daniel Pasche, président de la FH, s’en sont félicités, soulignant que c’était dans l’intérêt des visiteurs, des deux salons et finalement de toute l’industrie horlogère. Et si, pour Karl-Friedrich Scheufele, les deux salons, qui se tiendront à fin avril, sont un peu tard dans l’année, l’essentiel est qu’ils soient coordonnés. Et d’ajouter qu’en ces temps de prise de conscience écologique, «leur synchronisation les rend eco-friendly!»

A part la coordination des deux salons, Michel Loris-Melikoff a annoncé que pour l’édition 2020 de Baselworld, il entendait mieux prendre en compte la révolution numérique. Pour imager son propos, il a expliqué que «nous nous adresserons à une communauté composée d’exposants, de détaillants, de visiteurs, de collectionneurs». Et de préciser que ce nouveau concept sera présenté aux exposants, «mais aussi à ceux qui nous ont quittés et à des sociétés que nous aimerions avoir. L’avenir dira si ce concept sera le bon, mais nous sommes persuadés qu’il répond à leurs besoins.»

Touché le fond
A la question de savoir si, avec 500 exposants, Baselworld avait touché le fond, Michel Loris-Melikoff a répondu par l’affirmative, précisant toutefois que «ce qui compte, ce n’est pas ce nombre, mais que les exposants puissent réaliser de bonnes affaires». En tout cas, Karl-Friedrich Scheufele s’est dit plutôt optimiste, estimant qu’après les événements de l’an dernier, Baselworld allait dans la bonne direction, qu’il avait fait ses devoirs, s’était mis à l’écoute de ses clients et avait trouvé des solutions créatives pour combler les espaces devenus vides.

Vu les nombreux départs, ceux-ci ont aussi été réaménagés, notamment au profit du secteur de la joaillerie, avec de meilleurs emplacements, mais également avec l’organisation de défilés de mode journaliers où des mannequins porteront les créations des joailliers. Une innovation saluée par Giuseppe Picchiotti, CEO de la maison du même nom.

Président du comité des exposants pour la dernière année – il cédera sa place en 2020 à Marco Avenati –, Eric Bertrand a parlé d’un nouveau départ pour Baselworld, saluant le travail du nouveau directeur. Il s’est en particulier réjoui de l’harmonisation des dates des salons horlogers bâlois et genevois jusqu’en 2024, jugeant cette mesure «de la plus haute importance, car elle va permettre de mettre sur pied une véritable ‹Swiss Watch Week› et montre qu’il n’y a pas de guerre des salons, contrairement à ce qu’affirme une certaine presse».

Il a aussi salué la nouvelle politique que la direction a commencé de mettre en place en matière de politique de prix des espaces. En effet, a-t-il rappelé l’argent reste le nerf de la guerre, et les prix beaucoup trop élevés expliquent en bonne partie les nombreux départs. «La direction l’a bien compris et a pris de premières mesures, mais les exposants en attendent encore davantage», a-t-il averti.

Interpellé à propos des changements liés à la digitalisation, Thierry Stern a estimé «important de les utiliser, car il faut savoir allier l’ancien et le futur, mais sans perdre notre histoire, notre ADN et notre stratégie». A ses yeux en effet, le plus important reste la qualité du produit, et si le numérique a ses avantages, rien ne vaut le fait d’avoir le produit en main pour s’en convaincre. Des propos soutenus par Karl-Friedrich Scheufele pour qui «le digital ne remplacera jamais le contact personnel avec le client». Et Eric Bertrand de renchérir en affirmant que les plateformes numériques étaient sans doute indispensables, «rien ne remplace un salon, rien ne remplace les échanges entre personnes. Voilà pourquoi je pense que Baselworld a toutes les chances de tirer son épingle du jeu dans le futur!»

 

En chiffres

– 500 Nombre d’exposants.

– 108 Nombre d’exposants suisses, dont 86 actifs dans l’horlogerie, 13 dans la bijouterie, et 7 dans la sous-traitance.

– 21,2 Valeur des exportations horlogères suisses en 2018.

– 6,3% Croissance des exportations horlogères (en valeur) par rapport à 2017.

– -2,3% Diminution en nombre de pièces, des exportations horlogères par rapport à 2017.

– 2,3% Hausse des exporta-tions en janvier et février

– 82% Part (en valeur) des montres mécaniques, alors qu’elles ne représentent que 32%en volume.

 

Dans l’univers convenu de l’horlogerie, les créations de Daniel Strom frappent par leur audacieuse originalité

Dans le monde de l’horlogerie, Daniel Strom est assurément un personnage pour le moins atypique. Bouillonnant constamment d’idées, il a d’abord roulé sa bosse chez Omega pendant une douzaine d’années, notamment comme responsable du marché suisse, avant de fonder sa propre société Strom Prestige Swiss Timepieces SA. C’était en 2001.

Fils du fameux spécialiste des montres squelettées Armin Strom, il est aujourd’hui un des créateurs les plus originaux dont les montres se reconnaissent au premier coup d’œil. Et pour cause, puisque les boîtiers de sa collection Agonium, créée en 2010, sont de véritables sculptures. La montre se compose en effet d’un boîtier extérieur finement ciselé fixé sur un boîtier intérieur qui protège le mouvement mécanique.

Clin d’œil philosophique
En fait, explique-t-il, «mes créations sont la fusion entre l’art horloger et l’orfèvrerie». Chaque boîtier, principalement en argent ou en bronze, est d’abord coulé, puis sculpté et terminé à la main. Plus que de simples garde-temps, ce sont des montres qui racontent une véritable histoire. Al’instar de la ligne Memento Mori – Carpe Diem, dont les têtes de mort gravées dans la masse du boîtier sont une invitation à profiter de la vie et en rappellent la finitude, le temps qui passe ne s’arrêtant jamais. Un petit clin d’œil philosophique, en quelque sorte. «Les chiffres romains qui ornent le cadran reprennent le design de la Zytglogge, à Berne, et les aiguilles ont la forme de celles qui marquent l’heure sur de vieilles églises, renforçant ainsi le style gothique de la ligne Memento Mori. Ces pièces racontent donc une histoire, et le client qui en fait l’acquisition n’achète pas une simple montre, mais un objet particulier auquel il raccroche ensuite sa propre histoire», observe Daniel Strom. Et de préciser que si le client le souhaite, il est aussi possible de «customiser» la montre, par exemple en y incrustant des pierres précieuses à l’emplacement des yeux.

Déclinaisons diverses
Si Memento Mori est la première ligne lancée en 2010, la collection Agonium se décline dans cinq autres lignes: Draco, qui reprend le design des dragons du Moyen Age, symbole à la fois de vie, de prospérité et de bonheur. Plus mystique, Archangeli déploie ses ailes, faisant le lien entre les mondes matériel et spirituel, entre Dieu et les hommes. De par son design plus fin et son cadran de nacre, cette pièce s’adresse plus particulièrement aux femmes. Tout aussi mystique, la ligne Michaeli fait quant à elle référence à l’archange Michel terrassant le diable, incarné par le dragon.

Quant à la ligne In Memoriaam HR Giger, elle est le fruit de la collaboration du sculpteur suisse Hans Ruedi Giger et de Daniel Strom et reprend le design d’une créature biomécanoïde emblématique de ce maître du fantastique, oscarisé pour son monstre dans le film culte Alien.

Quant à la dernière des réalisations de la PME biennoise, Nethuns II, c’est une montre de plongée étanche à 200m, dont le nom fait référence à Nethuns, le dieu étrusque des eaux, et qui semble tout droit sortie du monde fantastique de Jules Verne et de son roman «20000 lieues sous les mers». Son cadran et son bracelet de caoutchouc se déclinent cette année sous des couleurs audacieuses – rouge, bleu, orange ou turquoise. Dans cette même collection, Daniel Strom a joué d’audace en proposant quelques pièces de luxe dotées d’un mouvement à tourbillon, d’un cadran guilloché et émaillé, le tout logé dans un boîtier externe en or massif rose. «A ma connaissance, c’est la seule montre de plongée qui arbore cette complication horlogère.»

Des pièces qui parlent
Mais qui sont les clients qui achètent de telles montres? Les collectionneurs? «Pas forcément! En fait, il n’y a pas de client type, car nos créations ne laissent pas indifférent: on aime, ou on n’aime pas. Ce sont des gens qui ont envie de se faire plaisir, qui apprécient des créations originales, qui leur parlent. Il y a aussi des gens connus, comme Johnny Hallyday, qui avait flashé pour une Memento Mori!»

Cette année, c’est la 2e fois que Strom Prestige Swiss Timepieces SA expose à Baselworld. Un rendez-vous dont il attend beaucoup, car celui-ci attire toujours des professionnels du monde entier. «Ça reste un excellent moyen pour faire connaître nos créations.» Mais en plus des réseaux de distributions traditionnels, Daniel Strom mise aussi sur les ventes via internet, ainsi que sur divers événements – notamment des rendez-vous de bikers ou de old timers – auxquels il participe régulièrement.

Financement participatif
Comme le souligne Daniel Strom, le développement de son entreprise nécessite d’importants investissements. Plutôt que de recourir aux acteurs traditionnels de financement pour trouver les 2mios dont il a besoin, il a choisi de faire appel au public en proposant différents paquets d’actions, pour un investissement à partir de 1000fr. En contrepartie, les participants deviennent non seulement actionnaires de l’entreprise, mais ils peuvent notamment acquérir des montres de la marque à des conditions préférentielles. En quelques mois, Daniel Strom a déjà récolté plus de 700000fr. pour financer le développement de son entreprise.

Plus d’info sur www.stromwatch.ch

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