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Baoshida Swissmetal

Ouverte au dialogue, la CDB?

Pour tenter de sauver la face, la China Development Bank a déposé plainte contre le commissaire au sursis et s’oppose au rachat par Swiss Team, quitte à tout perdre et condamner l’entreprise.

La banque chinoise s’oppose à la reprise de BSM par la société Swiss Team, présidée par André Rezzonico. Stéphane Gerber

Analyse, par Philippe Oudot

Rappel des faits concernant le prêt de 15mios

En 2016, la China Development Bank (CDB) avait accordé un prêt de 15mios d’euros à Baoshida Swissmetal (BSM), l’administrateur Xingjun Shang, son épouse et la maison mère Baoshida Holding se portant garants du prêt. Cet argent devait permettre à BSM de disposer des moyens nécessaires pour assurer la production. En réalité, Xingjun Shang a fait transférer ces 15mios en Chine par le biais de différentes transactions, si bien que Baoshida Swissmetal n’en a jamais vu la couleur. Arrêté en octobre 2018, il a passé plus de six mois derrière les barreaux avant d’être condamné, le 23 mai dernier, à deux ans de prison avec sursis et l’expulsion de Suisse pour gestion déloyale. En juillet 2018, sentant qu’elle avait été piégée, la CDB avait obtenu de Xingjun Shang des droits de gage sur les biens immobiliers de BSM, et cela quelques jours seulement avant le dépôt de bilan pour cause de surendettement.

 

 

Le 1er août prochain, Swiss Team, présidée par André Rezzonico, doit reprendre les actifs mobiliers de Baoshida Swissmetal (machines, stock de matières, etc.) ainsi que le personnel, afin de pouvoir poursuivre la production sans interruption. Une reprise qui va se faire simultanément avec la mise en faillite de BSM. C’est en tout cas ce qui est prévu dans le processus mis en place par le commissaire au sursis avec Swiss Team, qui doit encore avoir l’aval du Tribunal régional du Jura bernois, à Moutier.

Mais cette procédure n’est pas du goût de la China Development Bank (CDB), principale créancière de BSM qui, en 2016, avait accordé un prêt de 15mios d’euros à l’entreprise (voir ci-dessus). Sentant qu’elle risque tout perdre dans cette aventure, elle semble bien décidée à faire capoter ce projet de reprise qui, ce printemps, avait pourtant reçu l’aval de tous les autres créanciers. Quitte à condamner définitivement l’entreprise et ses 160 collaborateurs.

Entre demi-vérités et mensonges par omission
Prétextant avoir mal été informée par le commissaire au sursis, la CDB annonce avoir déposé plainte auprès de la Cour suprême du canton de Berne. Pour tenter de justifier sa position, elle a fait paraître une annonce pour le moins tendancieuse dans certains médias. Une annonce que Le JdJ a refusé de publier, estimant qu’elle contenait trop d’affirmations contraires à la vérité…

S’agissant du prêt de 15mios d’euros et de la mise à disposition de ces fonds, la CDBdit s’être «strictement conformée à la loi». Vraiment? En tout cas, elle ne dit mot sur la mise en gage qu’elle avait exigée a posteriori, en juillet 2018, alors qu’apparemment, rien de tel ne figurait pas dans le contrat de prêt. Qui plus est, cette manœuvre est intervenue quelques jours seulement avant le dépôt de bilan en raison de l’état de surendettement de BSM. S’agit-il d’une opération qui privilégie un créancier au détriment des autres, ce qui contreviendrait à la loi sur la poursuite et faillite et pourrait faire l’objet d’une action révocatoire? Ce sera à l’Office des faillites d’en décider, une fois la faillite prononcée.

Mauvaise gestion
Plus loin, la CDBassure que le prêt accordé devait soutenir le développement de BSM, mais qu’«en raison d’une mauvaise gestion, Swissmetal s’est retrouvée dans une situation difficile portant atteinte à ses intérêts et ceux de ses créanciers». Une formulation qui laisse penser que les dirigeants, les cadres et le personnel sont incompétents, alors que la banque a été grugée par l’administrateur Xingjun Shang à qui elle avait fait confiance.

La banque chinoise prétend aussi avoir présenté au commissaire au sursis «des investisseurs stratégiques prêts à reprendre l’entreprise», mais que celui-ci n’en a pas tenu compte. Elle le soupçonne également de partialité pour avoir voulu les décourager en surestimant le montant nécessaire au rachat de BSM.

Reproches infondés
Or, ces reproches sont en bonne partie infondés. En effet, comme les six à huit repreneurs potentiels, le groupe chinois Hailiang a été invité à participer au processus de rachat des actifs, processus choisi par le commissaire au sursis, afin de préserver au maximum les intérêts de tous les créanciers. Mais Hailiang a refusé de faire une offre, sous prétexte qu’il souhaitait racheter les actions, et pas les actifs. Une opération qui aurait coûté au groupe chinois 50 à 60mios de francs pour sortir BSMde son état de surendettement et obtenir la levée de la surveillance de la justice… Au final, si le commissaire a retenu l’offre d’André Rezzonico et de sa société Swiss Team, c’est bien parce que c’était la meilleure et que la poursuite des activités industrielles permet de limiter le nombre de créanciers: en cas de faillite, les 160 salariés seraient en effet des créanciers de premier rang…

Dans cette fameuse annonce, la China Development Bank affirme aussi avoir examiné attentivement le plan proposé par le commissaire, à savoir la vente de tous les actifs à Swissteam, mais «compte tenu du manque d’informations à disposition», elle n’a pas été en mesure de décider si elle devait accepter ou non le plan. C’est d’ailleurs ce qui l’a amenée à déposer plainte auprès de la Cour suprême. Une plainte qui, soit dit en passant, n’a pas d’effet suspensif sur le processus mis en place par le commissaire.

La CDBa pourtant eu les mêmes informations que tous les autres créanciers. Qui plus est, elle a reçu une proposition de paiement partiel (2mios)sur son prêt de 15mios d’euros, le reste étant colloqué en créance de 3e classe. Une offre refusée par la CDB, qui entend récupérer toutes ses billes. Mais si l’action révocatoire est lancée et aboutit, la banque risque fort de tout perdre…

Montant fantaisiste
Dans son texte, la CDBprétend  que «le prix des biens immobiliers (de BSM)a été considérablement sous-évalué sans aucune explication». Elle affirme que la valeur de marché des immeubles détenus par BSMest estimée à 34mios de francs, alors le dernier bilan de Swissmetal fait mention de 0,56mio. Comme l’indique un proche du dossier (nom connu de la rédaction), «ce montant de 34 mios est totalement fantaisiste, au vu de l’état des bâtiments, des terrains contaminés, qui plus est dans une région comme le Jura bernois. D’ailleurs, en 2013, Baoshida les avait acquis pour 700000fr.»

La CDBdit rester ouverte à un dialogue constructif. Difficile à croire, au vu de ce qui précède…

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