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Bienne

Le serpent Swatch

L’entreprise horlogère suisse a inauguré ses nouveaux bâtiments hier en présence notamment de Shigeru Ban, l’architecte japonais concepteur du projet. L’édifice en forme de reptile, et la Cité du Temps qui lui est appendue, ont coûté 125 millions de francs.

Le nouveau bâtiment Swatch a été inauguré hier. Photo: Peter Samuel Jaggi

«C’est le projet de ma vie, le plus long que j’ai eu à mener dans ma carrière.» L’architecte japonais de renomée mondiale Shigeru Ban était ému hier lors de l’inauguration du nouveau siège de l’entreprise Swatch. Le président du groupe, Nick Hayek, n’a d’ailleurs pas tari d’éloges sur l’architecte, affirmant que c’était «l’un des meilleurs» et qu’il savait garder «une sincère humilité».

Accompagné de sa sœur Nayla et de l’architecte, Nick Hayek a coupé le ruban inaugurant le nouveau siège de la marque Swatch, devant un parterre d’invités et de journalistes du monde entier. Le siège du Swatch group reste toutefois au Faubourg du Lac.
Si Shigeru Ban était quelque peu triste hier, c’est que l’achèvement de ce bâtiment marque, selon lui, la fin de «huit longues et belles années»de collaboration avec la famille Hayek pour le site de Bienne.

Trois bâtiments

Né en 1957 à Tokyo, Shigeru Ban est lauréat du prix Pritzker 2014, la plus haute récompense en matière d’architecture. C’est la deuxième fois qu’il participe à un projet d’envergure pour le groupe Swatch, après avoir conçu le Nicolas G. Hayek Center de Tokyo, qui a ouvert ses portes en 2007. En 2011, il remporte le  concours d’architecture pour la construction des trois nouveaux bâtiments du groupe à Bienne.

Le premier, mais non des moindres, est la manufacture Omega, inaugurée en 2017, qui abrite le site de production de la marque. Puis ont suivi les deux bâtiments inaugurés hier: le siège de la marque Swatch, qui regroupe tous les départements  de Swatch International et Swatch Suisse, et la Cité du Temps, à côté. Au total, 220 millions de francs ont été investis pour la réalisation des trois bâtiments, dont 125 millions rien que pour Swatch: «Nous avons respecté notre budget et nos délais», a déclaré Nick Hayek en conférence de presse.

Un reptile transparent

Le nouveau bâtiment Swatch ne passe pas inaperçu, serpentant entre la Suze et l’ancien stade de la Gurzelen sur 240mètres de long.  Avec son ossature en bois apparente et ses multiples fenêtres qui laissent filtrer la lumière, la clarté et la transparence y règnent en maître. Afin de correspondre à l’image d’une entreprise «swiss made», les matériaux utilisés proviennent du pays. Le bois, d’épicéa majoritairement, est issu uniquement de forêts suisses. Swatch ne contribue cependant pas à la déforestation du pays. L’architecte Shigeru Ban assure même que le bois est «une ressource abondante en Suisse et plus durable que le béton». En plus, ajoute-t-il: «J’aime le bois suisse, il est d’excellente qualité!».

Le «swiss made» est encore plus visible grâce à la centaine de croix suisses, disséminées dans la structure du «serpent». Le bâtiment correspond en tout cas à la philosophie chère à la marque selon Nick Hayek: «Swatch a créé la première montre transparente, la ‹Jelly fish›. Le nouveau bâtiment fonctionne de la même manière.» Celui-ci invite d’ailleurs les curieux à s’en approcher:«Le bâtiment est peut-être monumental dans sa taille, dans les matériaux utilisés, mais il n’a pas été conçu pour impressionner ou intimider les visiteurs. Tout le monde peut venir!» Une journée portes ouvertes est d’ailleurs organisée demain après-midi.  

Couleurs pop

Suivant donc les conseils de Nick Hayek, nous avons pénétré le ventre du serpent pour découvrir les bureaux des différents départements. Ce sont près de 300 collaborateurs de la logistique, du management et du desgin qui s’activent chaque jour dans les différents open spaces conçus pour leur bien-être. L’architecture organique de l’extérieur se retrouve à l’intérieur avec non seulement l’ossature en bois largement visible mais également grâce à des oliviers noirs pouvant s’élever sur deux étages.

La clarté se répercute également grâce aux couleurs qui fusent par petites touches çà et là: poubelles oranges, casiers jaunes, armoires bleues, rouges et vertes, etc. Après tout, la marque horlogère n’est-elle pas réputée pour sa large palette de couleurs? Les montres, mini ou maxi, sont d’ailleurs exposées un peu partout et les badges d’accès ont la forme... de montres!

Deux musées

L’univers Swatch est accessible via son musée, situé dans la Cité du Temps, attenante au bâtiment du siège. Sur un étage, la «Planet Swatch» présente les 9154 modèles conçus par la marque depuis sa création, le 1er mars 1983. Parmi ceux-là, 6234 sont exposés physiquement dans l’espace, les autres de manière virtuelle. Le directeur artistique de Swatch, Carlo Giordanetti, l’a affirmé: «Depuis longtemps des gens nous demandent où l’on peut voir tous les modèles de la marque. C’est désormais possible à la Cité du Temps». Et pour faire encore plus «provocateur» que le Drive-Thru situé juste devant, qui permet d’acheter sa montre comme dans un fast-food, Swatch lance la vente personnalisée directement dans le musée. En deux-trois clics, on sélectionne son modèle de cadran, de bracelet, sa gravure, on paye (en carte) et deux jours après, «la montre est livrée chez vous», a détaillé Carlo Giordanetti.

Si l’on préfère remonter l’histoire du temps, rendez-vous à l’étage en-dessous avec le nouveau musée Omega. Débutant par un film de quelques minutes racontant la mesure du temps depuis l’Antiquité, la visite se poursuit à travers un parcours interactif détaillant les différents univers qui ont marqué l’histoire d’Omega: chronométreur officiel des Jeux olympiques, la première montre à aller sur la Lune, les films James Bond, etc. Des centaines de modèles sont exposés et racontent l’histoire de cette entreprise plus que centenaire. Son directeur, Raynald Aeschlimann, n’a cependant pas omis de souligner que sans le groupe Swatch, «l’histoire d’Omega se serait arrêtée».
Ces lieux sont pour l’instant ouverts au public gratuitement, et ce jusqu’à demain inclus.

 

Trois questions à... Shigeru Ban, architecte du projet

D’où vous est venue l’idée de ce serpent de bois et de verre?
L’idée était d’intégrer les différentes caractéristiques d’Omega et de Swatch. Omega est, par exemple, plus stricte, rigide. Je voulais montrer les contrastes entre les deux marques. Il fallait que ce soit le même matériau mais deux espaces distincts. C’était mon plus grand défi. La forme est venue naturellement ensuite, en fonction de l’espace que j’avais.


Quelles ont été les principales difficultés rencontrées?
En Suisse, les règlementations, notamment en matière environnementales, sont  vraiment très strictes. Construire un bâtiment qui répondait aux standards suisses a été difficile mais c’était important. Je pense que les autres pays devraient apprendre de la Suisse, pour ce qui concerne les normes environnementales.

Que pensez-vous de Bienne?
La ville est réputée pour ses collèges techniques d’excellente qualité. L’Ecole supérieure du bois est l’une des meilleures en la matière.  Pour le Centre Pompidou Metz (France) que j’ai conçu, le bois utilisé a été testé à Bienne. La ville a vraiment la meilleure formation pour les techniques du bois. C’est donc naturel de concevoir quelque chose ici.
J’espère vraiment revenir ici, ne serait-ce que pour voir si les touristes apprécient le bâtiment Swatch!

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