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Les Breuleux

Rousses et roux pas logés à la même enseigne

A l’initiative de François Vorpe, traumatisé depuis l’enfance par la couleur de ses cheveux et ses taches de rousseur, la première édition du Festival des roux s’est ouverte vendredi soir. Témoignages.

«J’avais 6 ans lorsque mes camarades ont coupé ma chevelure», raconte cette participante. Photo: Christian Galley

Par Anabelle Bourquin

Dans le public, beaucoup de chevelures flamboyant de rouge, mais aussi des «sel et paprika», comme on appelle poétiquement les roux dont les cheveux ont pris de l’âge. Pas de jeunes ni d’enfants. «Ils se cachent encore», regrette l’organisateur, l’entrepreneur tavannois François Vorpe, accueillant les derniers arrivés dans son café-théâtre des Planches, aux Breuleux.

C’est pourtant à eux que ce festival est dédié, ce vendredi soir, mais aussi samedi soir. «Je voudrais qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. J’espère que le monde adulte apprendra à leur ficher la paix. Il faut se rendre compte des dégâts que de simples phrases peuvent faire!»
Au programme du soir, un film dédié aux rousses puis une table ronde composée de spécialistes sur la question. En fin de soirée, l’émission radiophonique «La ligne de cœur» interviendra en direct, sous les bons offices de Jean-Marc Richard.

Une tare devenue un atout
En attendant de prendre place, c’est au bar que les participants font connaissance. «Est-ce que vous trouvez que je pue?» questionne une piquante rousse, volontairement provocatrice. «Non, parce que j’ai demandé à mes proches si j’avais une odeur particulière, du fait que je sois rousse. Ils disent que non, mais ils sont peut-être faux culs...» Ecrasée de rires. Elle en envoie et c’est normal. «L’humour est la meilleure arme face aux moqueries imbéciles. On s’est souvent foutu de moi. J’ai fait preuve de beaucoup d’autodérision pour me faire ma place.»

Dans les mémoires des participants, personne n’a oublié son enfance ou son adolescence, sujette aux discriminations. L’enfer sur terre. Aujourd’hui, pourtant, ils vivent avec la conviction que leur tare est devenue un sacré atout. C’est le cas de Marianne, qui revendique haut et fort sa couleur de cheveux. «Mes cheveux m’ont appris à avoir du caractère. Grâce à eux, j’ai pu guider ma vie. Nous, les rousses, on sait se démerder!»

Dans les mains de Yaëlle, une boîte en métal contenant de longs cheveux. «Lorsque j’avais 6ans, des camarades de classe ont coupé ma chevelure», explique-t-elle. «Symboliquement, j’ai donc conservé une partie de mes cheveux en souvenir de cet événement traumatisant. Ce soir, j’ai envie de raconter au monde qu’il existe des roux fiers de l’être, bien dans leur peau. J’ai souffert de ma rousseur, mais celle-ci a aussi suscité la convoitise: adulte, on a même cherché à m’acheter mes cheveux pour en faire des perruques!»

Plus dur pour un homme
Ces témoignages d’espoir sont souvent livrés par des femmes. Car les hommes, eux, n’ont eu ni maquillage ni coiffeurs coloristes pour masquer ce qu’ils qualifient de «handicap». Plus évident encore, la symbolique entourant la rousseur n’est pas la même, qu’on soit homme ou femme.

François Vorpe en sait quelque chose. Seul homme à s’exprimer ce soir, il raconte comment, enfant, il a tenté de masquer ses taches de rousseur, «pires à porter» que les cheveux roux. «On me demandait si j’avais une passoire pleine de merde qui m’avait explosé à la gueule.»

Ce fils d’agriculteur poursuit: «Je sentais parfois la chèvre, on disait que c’était l’odeur des roux. Depuis, c’est resté comme un toc, je me lave plusieurs fois par jour.» François Vorpe dénonce aussi la méchanceté des adultes. «Ma maîtresse d’école me disait: ‹Toi, le petit rouge qui pue, tu vas t’asseoir au fond!»

Cette festivalière confie, dans son «malheur» de rousse, être soulagée d’être une femme. «Heureusement que mes deux garçons ne sont pas roux. Ils auraient encore plus souffert que moi. Porter cette couleur de cheveux, avoir des poils clairs, la peau blanche ou encore des taches de rousseur, ça n’attire pas de la même manière selon les sexes.»

Affirmation corroborée par Valérie André, professeur d’université et spécialiste de la question. «Les rousses sont souvent associées à l’image de la bombe sexuelle, à la femme fatale, tandis que les roux véhiculent tout au plus une image de combattant. Sexuellement, c’est rare qu’ils attisent les convoitises...»

François Vorpe, comme d’autres festivaliers, déclare ne plus souffrir de son apparence physique. «Je m’en fous com-plè-te-ment!» Il redevient sérieux. «Mais, une fois encore, pensons aux enfants et aux adolescents qui souffrent de leur apparence.»

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