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Bienne

Le drame, mais en légèreté

Dans son dernier spectacle, Thierry Romanens allie une nouvelle fois textes et musique. Et il s’est attaqué au texte de Charles-Ferdinand Ramuz, «Aline».

Thierry Romanens et Alexis Gfeller étaient à Bienne pour présenter leur spectacle «Et j’ai crié, Aline!» aux gymnasiens, avant les représentations scolaire et publique du 4 février. Photo: Peter Samuel Jaggi

Marjorie Spart

On connaît Thierry Romanens pour ses chansons, pour ses spectacles ou encore pour son humour, distillé notamment dans les Dicodeurs sur la Première. Alors, constater que sa dernière création est tirée du livre très dramatique «Aline», de Charles-Ferdinand Ramuz, est passablement déroutant. «J’admets que j’aime bien aller là où on ne m’attend pas», s’amuse le comédien et chanteur. Il avoue que lorsqu’il a évoqué son projet d’adapter cet ouvrage, il a dû affronter le scepticisme de certains. «C’est vrai que le destin d’Aline est particulièrement tragique: cette jeune fille de 17 ans se laisse séduire par ‹le coq du village›, tombe enceinte, se fait rejeter et fini par mettre fin à ses jours... Ce n’est pas forcément très racoleur», rigole Thierry Romanens, qui n’a jamais douté de son choix.

Pourtant, le comédien a eu envie de faire une tragédie grecque, «mais sans les Grecs», un spectacle qui aborde des questions douloureuses et événements malheureux, mais racontés «sans se vautrer dans le drame».

Textes en musique

Pour réussir ce tour de force, le Vaudois s’est une nouvelle fois entouré des musiciens du groupe Format A3 avec lesquels il avait mis sur pied ses deux dernières créations «Voisard» et «Courir». «Mettre de la musique sur des textes rébarbatifs, ça change tout car ça les rend plus vivants», commente le comédien en citant en exemple son spectacle tiré des poèmes d’Alexandre Voisard.

Pour Alexis Gfeller, pianiste et compositeur de Format A3, «la musique possède effectivement le don d’alléger les aspects les plus dramatiques des histoires. Ce dont nous avons justement besoin avec le texte ‹Aline›». Allier littérature est musique est d’ailleurs devenu la marque de fabrique des créations issues de la rencontre de Thierry Romanens et de Format A3.

Thierry Romanens affirme avoir pris le contre-pied du drame en intitulant sa pièce «Et j’ai crié Aline», en référence au titre du chanteur Christophe, actif dans les années 70.

Cette référence musicale a aussi fourni un terreau fertile à Alexis Gfeller et ses acolytes pour donner vie à certaines ambiances du spectacle assez légères. «Mais nous avons aussi dans ce spectacle de la pop, du slam et de la musique contemporaine. Quant au jazz, il accompagne les moments les plus dramatiques», confie-t-il.

Autre spécificité de cette œuvre, la présence sur scène d’une chorale de 10 chanteuses. En l’occurrence, c’est le groupe de Fanny Anderegg, Asparagus & Melon, qui foulera les planches biennoises. «Cet aspect choral rappellera la tradition villageoise; clin d’œil à la petite commune vaudoise dans laquelle se déroule l’histoire d’‹Aline›, en 1905», souligne Thierry Romanens.

Histoire contemporaine

Lorsque l’envie a repris le comédien de monter un spectacle, il a su qu’il voulait s’attaquer au patrimoine classique. «J’ai découvert ‹Aline› dans ce contexte patrimonial. Son format court – 150 pages – et la beauté et la force de la langue de Ramuz ont achevé de me convaincre.»

L’universalité du thème – une histoire d’amour qui se termine mal – a aussi plu au comédien. «C’est un thème toujours aussi contemporain. Comme au siècle passé, on continue de tomber amoureux et d’avoir des rêves», souligne-t-il, certain de toucher un large public, qui peut se reconnaître dans les personnages sur scène.

Du côté de la mise en scène, Thierry Romanens déclame l’adaptation du texte qu’il a tiré du livre original. «Comme il y a très peu de dialogues chez Ramuz, je les ai aussi confiés aux musiciens», précise-t-il, heureux que les membres de Format A3 s’essayent au jeu d’acteur. Un intrigant personnage circule également sur scène: une taupe. Matérialisée par un masque que portent l’acteur ou les musiciens, cette taupe symbolise le côté sombre de l’histoire. «Tous les passages sentencieux et culpabilisants de l’œuvre de Ramuz sont déclamés par cet animal. Il représente aussi, en quelque sorte, la bêtise humaine», complète Thierry Romanens.

«Et j’ai crié Aline», à voir le mardi 4 février à 20h au Théâtre Nebia.
Infos et réservations sur le site: www.nebia.ch

Mots clés: Bienne, Romanens, Nebia, aline

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