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ApériCIP

Pas tous égaux face à la crise

Les actrices et acteurs régionaux de l’économie, de la culture et du tourisme sont revenus ce matin, à Tramelan, sur la période Covid, et ont brossé un tableau de l’avenir de leur branche. Malgré l’incertitude.

A chaque branche sa ou son porte-parole et ses propres constats (de g. à d.):Guillaume Davot (tourisme), Claudia Nuara, l’animatrice du débat, Marynelle Debétaz (culture) et Jean-Philippe Devaux (industrie et économie). Photo: Stéphane Gerber

Par Dan Steiner

Un œil qui rit et l’autre qui pleure. Deux autres qui pleurent, aurait-on pu dire, si cela n’avait pas engendré un certain problème de représentation anatomique de la chose. Car c’est ainsi que l’on pourrait résumer le premier ApériCIP du semestre, organisé, filmé et bientôt diffusé (lire plus loin) par nos consœurs et confrères de TeleBielingue, ce matin, à Tramelan. «C’est le premier ApériCIP après l’été, mais aussi le premier et espérons le seul en mode Covid, avec davantage d’espace ou encore un service sur assiette plutôt qu’un buffet», a lancé en préambule Didier Juillerat, le directeur du Centre interrégional de perfectionnement.

Passé ce petit mot d’intro en forme d’espoir de jours meilleurs, l’animatrice habituelle du débat, la journaliste Claudia Nuara, a en effet introduit le thème de la matinée: «Plus forts que le virus?» «A vous entendre,Guillaume Davot, j’ai envie de dire ‹merci le virus, sinon qu’auriez-vous fait, à Jura bernois Tourisme› (JbT)?» a-t-elle sourit.

Tourisme pas malheureux
Car dans la présentation vidéo réalisée par la chaîne biennoise, le directeur de JbT se félicite en partie de la fréquentation estivale de ses prestataires, notamment les hébergements du Jura bernois. «Une grosse partie d’entre eux ont eu un taux de remplissage de 100%, et ils auraient même pu louer leurs chambres plusieurs fois cet été.» Comme déjà détaillé par le même personnage dans ces colonnes, ces beaux mois ne pourront toutefois pas permettre aux hôteliers et aux autres acteurs du secteur touristique de rattraper le retard accumulé à cause du (semi-)confinement.

Cependant, le constat du secteur touristique est presque opposé à celui brossé par des responsables de la vie culturelle et de l’économie régionale. «J’ai en effet croisé des comédiens qui se demandaient s’ils allaient pouvoir continuer à faire ce métier», a pour sa part avoué la directrice générale et artistique de Nebia, à Bienne, Marynelle Debétaz.

Chef prospection à la Promotion économique du canton de Berne, Jean-Philippe Devaux a, lui, confirmé que l’été a été moins rayonnant pour l’industrie d’exportation que pour le tourisme... «Quand vous regardez les prévisions faites dans les pays industrialisés, qui sont les clients de nos entreprises, on parle d’une baisse de 5, 10 ou 15% du PIB dans ces pays. Si ces clients sont eux-mêmes en difficulté, c’est clair que cela a des incidences négatives pour nos firmes.» Un mauvais signe pour les mois voire années à venir?

Le Neuvevillois avoue ne pas être devin et espère une stabilisation de la crise. «Mais, pour certains, l’année 2020 est entre guillemets morte et ils misent sur un redémarrage au plus tôt en 2021.»

Prendre du recul et le temps
Marasme complet? Heureusement non, poursuivent les différents interlocuteurs. Car aussi paralysante qu’a pu être cette période de blocage, elle a permis de prendre un certain recul pour... avancer. «Il faut rester optimiste avec l’envie de reprendre, de retrouver le public, les artistes, et de redonner de la couleur à ces arts vivants», assure Marynelle Debétaz. «Nous avons donc utilisé ce temps d’‹attente› pour mener une réflexion et mettre en place un plan de protection.»

Dans le milieu culturel, mais bien sûr également dans d’autres branches, cela faisait d’ailleurs quelque temps que d’aucuns appelaient à appuyer sur le frein. «Dans la partie francophone, les artistes vivent de leur production et on ne laisse peut-être pas assez de temps aux spectacles pour vivre sur la durée. Or ce ralentissement peut aussi être une opportunité pour de la recherche, pour se lancer sur d’autres projets.»

Dans le tourisme, l’on a également utilisé, ce temps de latence, pour faire du coaching, du côté de JbT, et pour se poser les bonnes questions, du côté des prestataires touristiques:quel système de réservation utiliser si je ne suis pas présent sur le Web? Dois-je ouvrir mon établissement sept jours sur sept lors des périodes estivales où il y a beaucoup de monde? «Ces questions ont été importantes pour nous», juge Guillaume Davot.

La vague cet automne, mais la bonne
Du côté de l’économie, qui s’accommode évidemment mal du mode «pause», on a parfois fait contre mauvaise fortune bon cœur. «Certains patrons ou encore chefs d’équipe ont apprécié le fait que le canton soit derrière eux, grâce aux aides financières à la recherche et développement.Psychologiquement, c’était très important. ‹Ce n’est pas possible que les Bernois soient aussi rapides›, nous ont-ils dit», rigole Jean-Philippe Devaux. Qui ajoute que ces soutiens ont donné de l’espoir aux gens dans la production.

Aussi, cela a permis à ceux qui avaient moins de travail de donner un coup de main aux personnes actives dans la R&D et aux (petits) patrons d’utiliser ce temps pour améliorer les produits, pour réfléchir, pour décider dans quel domaine ils vont innover. «C’est une réflexion qui a pu avoir lieu. Avec ce petit bémol: si ce temps est trop long, eh bien il n’y a plus d’argent», note Jean-Philippe Devaux fort à propos.

La phrase de conclusion – ou plutôt le lapsus de fin –, on la laisse à Guillaume Davot, qui positive: «Pour notre branche, on espère surfer sur la même vague cet automne!» Mais sur la bonne, bien sûr, celle d’une santé générale retrouvée.

Débat à voir dès demain à 17h et revoir durant une semaine sur TeleBielingue.

La foi en l’avenir, mais sous condition(s)
Outre toutes ces considérations en forme de bilan, il a également été question de l’avenir, mais également des interrogations du public. L’une d’elles était dirigée vers le tourisme, pour les prochains temps: comment va-t-on faire pour garder les gens dans notre région? Directeur de Jura bernois Tourisme, Guillaume Davot précise d’emblée que «l’idée n’est pas d’attirer beaucoup plus de monde. On peut avoir quelques hébergements supplémentaires, mais pas besoin d’avoir 100 chambres en plus. Par contre, on se rend compte que les gens ne naviguent pas entre les grands centres touristiques... Qui sont pourtant proches!»

Le monde culturel est-il, se demande-t-on aussi, prêt à tenir une année dans ces conditions? Sinon, n’est-ce pas le moment de promouvoir la scène régionale? «C’est bien ce qu’on essaie de faire», rétorque Marynelle Debétaz, la directrice de Nebia. «Mais il y a une certaine émulation entre les artistes de l’extérieur, qui nourrissent la scène locale, et les ‹nôtres›, qui peuvent amener leurs productions à l’étranger. A voir, maintenant, jusqu’à quand les aides financières pourront perdurer. Sans elles, ce pourrait être la mort de toute une partie du secteur.» Rebondissant sur ce qui venait d'être dit, Jean-Philippe Devaux estime, lui, que «la région ne pourra et ne voudra pas se fermer». Reste à trouver la bonne pondération entre clients globaux et locaux.

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