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Recrues confinées

Quelque 5000 conscrits ont commencé leur formation à distance lundi. Trois jeunes hommes de la région racontent leurs débuts chaotiques, perturbés par d’importants bugs informatiques sur la plateforme.

De nombreux bugs informatiques ont entravé le début de la formation à distance de la recrue Valentin Voirol. LDD

Julie Gaudio

Valentin Voirol, Sacha Boder et Eric* (prénom d’emprunt), qui résident respectivement à Nidau, Orvin et Bienne, font partie des quelque 5000 conscrits qui ont commencé leur formation militaire à distance lundi. Du moins, ont-ils tenté de le faire (voir plus bas). «La formation théorique a très mal commencé, car il y a eu un énorme bug informatique», raconte Valentin, 20 ans. «J’ai essayé d’avoir accès à la plateforme toute la journée, mais sans succès.» Même constat pour Eric, 19 ans, qui s’est débrouillé avec les moyens du bord: «J’avais demandé que l’armée m’envoie également les documents par la poste, en version papier. Donc j’ai pu avancer grâce à ça.» Si Sacha a eu «la chance» de ne pas subir la panne de lundi, il a toutefois été impacté mercredi et a dû trouver des solutions pour progresser. «J’ai cherché des documents PDF sur internet en attendant», confie le jeune homme de 19 ans.

Prenant sa mission très à cœur, Sacha compte respecter les six heures de formation théorique chaque jour, recommandées par l’armée, pendant les trois semaines qu’il doit passer à la maison. Eric, de son côté, estime que deux heures par jour suffisent pour assimiler le maximum de connaissances.

Quoi qu’il en soit, les trois jeunes ne cachent pas leurs difficultés à comprendre ce qu’ils découvrent en ligne, par manque de concret. «On est dans l’armée, sans y être vraiment. C’est un sentiment étrange», avoue Valentin.

Quant au test théorique qui sera réalisé lors de leur entrée en caserne, les trois jeunes hommes ne l’abordent pas tous avec le même état d’esprit.

Sport aussi en ligne

Sacha «appréhende un peu» en raison de tous les bugs subis durant les premiers jours. «Je pense que les instructeurs savent que c’est plus difficile à la maison, et ils ne peuvent pas espérer que nous ayons tout compris», relativise Valentin. Eric, le plus détendu des trois, «ne se prend pas la tête» et ne s’avoue «pas stressé». Sacha n’est d’ailleurs pas étonné que des examens soient réalisés: «Je trouve presque légitime d’être contrôlés, car après tout, nous sommes des employés de l’armée», rappelle l’Orvinois.

Concrètement, les jeunes recrues étudient la partie théorique de l’instruction de base générale à la maison. Sur le Learning Management System (LMS) – la plateforme d’apprentissage électronique de l’armée – ils découvrent «le fonctionnement général de l’armée, les techniques d’artillerie, le maniement des armes, l’informatique et la géographie militaires», cite comme exemples Valentin. Ils suivent également des cours selon le poste qu’ils occuperont en caserne. Ainsi, Valentin sait qu’il sera soldat de char d’appui, Eric grenadier de char et Sacha, soldat d’échelon de conduite. Les deux premiers seront sur le char, tandis que Sacha gérera plutôt les aspects logistiques.

Outre la théorie, l’armée leur recommande de faire au moins quatre heures de sport par semaine, ce qui correspond à un entraînement type en caserne. Une application pour smartphone, développée par l’Office fédéral du sport, en collaboration avec le centre de compétences sport de l’armée à Macolin, leur conseille des exercices. «L’entraînement est personnel, nous ne pouvons pas contrôler les jeunes à distance. Chacun est responsable de sa forme physique à l’entrée en caserne», explique Joël Mattle, commandant remplaçant au centre de compétences sport de l’armée. «Nous avons en outre constaté que faire de l’exercice avant diminuait les risques d’accident ensuite», ajoute-t-il.

L’armée n’a toutefois pas attendu le Covid-19 pour innover. L’application «Get ready!» a été lancée en mars 2019 et s’adresse à tous les civils, pas seulement aux jeunes recrues. «Nous avons prévu beaucoup d’exercices et à la fin de chaque séquence, l’utilisateur répond à quelques questions, du type: ‹L’exercice était-il trop simple? Ou trop dur?›», détaille Joël Mattle. Ainsi, l’algorithme de l’app s’adapte au rythme de chacun, en proposant des exercices appropriés.

Obéir et se taire

En caserne, les jeunes hommes continueront de faire intensivement du sport. «En raison du Covid-19, nous essayons de faire plus d’entraînements en extérieur. Et ils doivent tous porter des masques», complète Joël Mattle.

Le 8 février, les trois jeunes hommes de la région entreront dans la caserne de Thoune. Une petite appréhension les saisit, principalement à cause de ce qu’ils ont entendu çà et là. «Je me prépare au pire. Tous mes amis qui y sont passés m’ont dit que la caserne n’avait rien de confortable», confie Eric. «Et je m’attends à devoir obéir et me taire.» Le Biennois a toutefois hâte d’y entrer. «Je suis beaucoup à la maison depuis que j’ai terminé mon CFC commerce fin juillet. Donc il me tarde de voir un peu autre chose.»

Même s’il n’est «pas trop fan de l’armée», Valentin espère y faire de belles rencontres. «Je pense que la vie en caserne est une belle leçon de vie», croit-il savoir. Il redoute en revanche l’impossibilité, en raison du coronavirus, de rentrer les week-ends. «Ne plus voir ma famille et mes amis pendant un mois me dérange plus», admet Valentin.

Ayant un fort intérêt pour l’armée, Sacha regrette de ne pas être entré en caserne dès le début. «Je me réjouissais! Mais j’ai tout de même un peu peur, car c’est une nouvelle vie dans l’inconnu qui m’attend», dévoile-t-il. En attendant un tel plongeon dans le vide, Sacha s’entraîne à marcher avec un sac de 20 kg.

Le télétravail à l’origine du bug

L’Armée suisse a lancé lundi une phase d’enseignement à distance de trois semaines pour environ 5000 recrues. Cependant, en raison de problèmes techniques sur le Learning Management System (LMS), elle n’a pas pu prendre le départ souhaité. «L’on peut tout de même se réjouir que plus de 80% des recrues concernées se soient inscrites sur le LMS et aient terminé les premières leçons», informe l’armée dans un communiqué publié jeudi.

Pour expliquer cette grande panne, l’armée rappelle que le début de l’école de recrue (ER) a coïncidé avec l’obligation de télétravailler décidée à brève échéance par le Conseil fédéral. Ainsi, de nombreux employés et employées de la Confédération travaillent de leur domicile.

Par conséquent, le réseau de la Confédération est fortement sollicité depuis le début de la semaine. Cela conduit à une réduction des performances du LMS et par là même, à de longues files d’attente lors de la connexion au système ou pour travailler sur les leçons.

Afin d’améliorer cette situation, un nouveau masterserver sera mis en service d’ici à demain. Les leçons en cours ne seront pas affectées par le changement de serveur.

«Les examens prévus pour vérifier l’assimilation des connaissances théoriques seront adaptés aux conditions d’apprentissage difficiles», rassure l’armée dans son communiqué. Afin de faciliter la formation des recrues, l’armée a entre-temps mis en ligne tous les règlements requis.

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